CE01 - Terre fluide et solide

Cristaux de glace dans les nuages de convection profonde : interactions avec les aérosols, le rayonnement et l'électricité – ICCARE

Cristaux de glace dans les nuages de convection profonde : interactions avec les aérosols, le rayonnement et l'électricité

Si les nuages de convection profonde sont une source fondamentale d’eau douce, ils sont aussi responsables de pluies intenses, de grêle, d’éclairs, de rafales de vent et de tornades avec des impacts sociétaux, économiques et naturels importants. Alors que la prévision des précipitations aux échelles locale, régionale et globale dans un contexte de changement climatique est cruciale, la microphysique nuageuse glacée représente une cause majeure d’erreurs systématiques dans les modèles numériques.

Mieux comprendre le cycle de vie des cristaux de glace pour mieux prévoir les systèmes de convection profonde

Le projet ICCARE a pour objectif de mieux comprendre comment les interactions entre les aérosols, la microphysique nuageuse, le rayonnement et l’électricité atmosphérique contrôlent l’évolution des systèmes nuageux de convection profonde et leurs propriétés macroscopiques (durée, extension spatiale, pluie, grêle, éclairs, vent...). Pour cela, trois objectifs scientifiques sont plus particulièrement visés :<br />1. caractériser la formation, la croissance et la dissipation des cristaux de glace dans les régions convective, stratiforme et cirriforme des systèmes de convection profonde via des simulations numériques de systèmes convectifs et des observations issues de campagnes de mesures passées (EXAEDRE, HAIC, ReNovRisk) ;<br />2. développer un module numérique de physique des nuages complet, et dont les paramétrisations physiques sont cohérentes entre elles, dans un modèle atmosphérique résolvant la convection (Meso-NH) ;<br />3. déterminer comment les propriétés des cristaux de glace contrôlent les caractéristiques macroscopiques (durée, précipitations, hauteur du sommet du nuage...) des systèmes de convection profonde.

Le premier axe du projet s’appuie sur l’exploitation de mesures aéroportées lors de campagnes de mesures aéroportées passées (HAIC en Guyane en 2015, et EXAEDRE en Corse en 2018). Des algorithmes de réseaux de neurones convolutifs (CNN) sont appliqués sur des bases d’images de cristaux de glace afin de classifier automatiquement les cristaux de glace, et de relier leur morphologie à leurs modes de croissance. En complément, des mesures issues de lidars spatiaux (Calipso, Cats-ISS) seront exploitées pour fournir des informations sur la forme et l’orientation des cristaux de glace dans la partie supérieure des nuages. Ces analyses d’observations déjà disponibles permettront d’identifier les formes de cristaux qui doivent être prises en compte en priorité dans les modèles numériques, ainsi que les modes de croissance des cristaux de glace dans les différentes régions du système orageux, en fonction de son stade de développement et de son environnement.
Le deuxième axe vise à développer un modèle de nuage complet et cohérent afin d’explorer numériquement comment les interactions entre les cristaux de glace et les processus physiques qui leur sont liés contrôlent le développement des orages et les dégâts associés. En s’appuyant sur les résultats de l’axe 1, les paramétrisations des propriétés morphologiques et microphysiques des cristaux, les régimes de croissance dominants et les interactions avec les autres processus physiques sont améliorés. Ainsi, les interactions aérosols-microphysique-rayonnement-électricité sont considérées pour la première fois dans un modèle atmosphérique. La première phase d’évaluation de ce module unique s’effectuera via des analyses de sensibilité sur une large gamme d’orages académiques (orages continentaux et maritimes, des moyennes latitudes et tropicaux…).
Enfin, le dernier axe est dédié à des simulations tridimensionnelles à résolution hectométrique de systèmes de convection profonde observés pendant les campagnes de mesures HAIC et EXAEDRE. Le cas particulier d’un cyclone tropical observé pendant la campagne de mesures ReNovRisk sur le bassin Indien sud-ouest sera aussi traité afin d’analyser les interactions nuage-rayonnement sur un système convectif ayant une durée de vie de plusieurs jours.

L’étude des liens entre la morphologie des cristaux de glace et les régimes de croissance associés (diffusion de vapeur, agrégation, givrage) a débuté. Les données de la campagne aéroportée HAIC-Cayenne 2015 associées à des observations satellite ont permis d’identifier les régions convective, stratiforme et cirriforme des nuages échantillonnés, et les fractions en nombre et en masse des classes morphologiques ont été produites. Des outils d’extraction automatisée d’imagerie géostationnaire et de mesures satellite héliosynchrones (A-Train : CALIPSO, MODIS) ont été mis au point. Pour les mesures A-Train, un outil supplémentaire a été développé pour identifier les passages proches d’une région lors d’une période d’étude, et localiser les fichiers de mesure dans le catalogue du centre de données ICARE. Des variables pertinentes dans les mesures satellite pour une comparaison aux sorties de simulation Meso-NH ont été identifiées, extraites et rassemblées pour un orage ayant une structure électrique anormale en Corse, le cyclone tropical Idai et une tempête australe.
Le développement du module de physique des nuages de Meso-NH progresse. Deux processus secondaires de formation des cristaux (collisional ice breakup et raindrop shattering by freezing) ont été intégrés dans le schéma microphysique à 2 moments LIMA, et le schéma d’aérosols ORILAM a été couplé avec LIMA en développant son initialisation (composition chimique, modes) par les analyses CAMS. La prise en compte de différentes formes de cristaux est en cours d’implémentation dans LIMA : de nouvelles variables pronostiques (concentration en nombre de cristaux de chaque forme) sont créées, et des relations masse-diamètre et vitesse-diamètre, et une capacitante spécifiques à chaque forme sont définies. Les formes de distribution des particules et les formes des cristaux de glace supposées pour les propriétés optiques ont été mises en cohérence entre le code de transfert radiatif ecRad et celles utilisées dans LIMA : de nouvelles lois (masse/aire/vitesse-diamètre) ont été définies dans LIMA, compatibles avec les bases de données de propriétés optiques des nuages glacés disponibles. Enfin, le schéma électrique CELLS a été couplé à LIMA, et l’effet du champ électrique sur la vitesse de chute des hydrométéores et sur l’agrégation des cristaux de glace a été implémenté. Enfin, un état des lieux des erreurs de température de brillance simulées par RTTOV dans les nuages de glace en fonction des contenus en glace et des hauteurs des nuages a été réalisé.
En parallèle, les simulations de cas réels avec Meso-NH ont débuté. La simulation d’un orage sur la Corse a permis de montrer l’impact des poussières désertiques sur la glace nuageuse en limitant notamment la présence d’eau surfondue, condition nécessaire à la formation d’une structure électrique tripolaire. Enfin, la composition microphysique du cyclone Idai issue d’une simulation préliminaire est en cours de comparaison aux données MODIS et CALIPSO.

D’un point de vue données in-situ, une étude statistique des classes morphologiques dominantes et des modes de croissance associés sera produite pour des vols HAIC et EXAEDRE sélectionnés. A cela s’ajoutera la production d’une base de données de rapport de dépolarisation et d’indice de classification morphologique dans les régions et pour les périodes d’intérêt pour les campagnes de mesures et les cas d’étude sélectionnés à partir des données CALIPSO et CATS-ISS.
Le développement du module de physique des nuages de Meso-NH va se poursuivre en veillant tout particulièrement à la cohérence entre les différentes paramétrisations. Une première évaluation des rôles des différentes composantes de ce module et de leurs interactions sera réalisée sur plusieurs orages académiques.
Enfin, l’impact des différentes formes des cristaux et des mécanismes de formation de la glace sur l’organisation des systèmes de convection profonde et les précipitations associées sera évalué sur un cas de la campagne HAIC-Cayenne. La contribution des processus secondaires de formation des cristaux sur l’électrisation du nuage et la signature électrique , et les rétroactions du champ électrique sur la microphysique seront évaluées sur un cas de la campagne de mesures EXAEDRE pour pouvoir bénéficier des données du réseau de détection des éclairs en 3D SAETTA. Enfin, les interactions microphysique-rayonnement seront analysées sur un système convectif de mésoéchelle et sur un cyclone tropical.

Conférences :
- Barthe, C., Modélisation des interactions aérosols-microphysique-rayonnement-électricité dans les systèmes de convection profonde. Journées scientifiques sur la convection profonde, 21 mars 2022, Bordeaux.
- de Sevin S., I. Vongpaseut, C. Barthe, S. Coquillat, et P. Tulet, Analyse du rôle des poussières désertiques sur des anomalies de structure de charge électrique. Ateliers de Modélisation de l’Atmosphère 2023, 9-11 mai 2023, Toulouse.
- Vongpaseut, I., et C. Barthe, Simulation des interactions électricité-microphysique-aérosols dans les orages en cas idéalisés. Ateliers de Modélisation de l’Atmosphère 2023, 9-11 mai 2023, Toulouse.

Actions de diffusion :
Barthe, C., ICCARE : un projet pour comprendre le rôle des cristaux de glace dans le développement des orages. La Météorologie, 119, doi.org/10.37053/lameteorologie-2022-0076, 2022.

La formation, la croissance et la sédimentation des cristaux de glace sont aujourd'hui mal représentées dans les modèles numériques, impactant la prévision de la structure, de l'évolution et des impacts des nuages de convection profonde (précipitation, effet radiatif, éclairs, grêle, rafales de vent). ICCARE a pour objectif de comprendre comment les cristaux de glace interagissent avec les aérosols, la microphysique, l'électricité, le rayonnement et la dynamique, et comment ces interactions contrôlent l'évolution des nuages de convection profonde.
ICCARE se décline selon 4 tâches. La Tâche 0 concerne la coordination du projet (management, communication, gestion des données d’observation et des codes numériques). La Tâche 1 est dédiée à l’exploration de nouvelles voies pour décrire la forme des cristaux de glace à partir d’observations aéroportées de campagnes de mesures passées (HAIC, EXAEDRE) et de données de lidars spatiaux (CALIPSO, CATS). La Tâche 2 se concentre sur le développement d’un modèle couplé avec des paramétrisations cohérentes pour modéliser de façon exhaustive les interactions aérosol-microphysique-rayonnement-électricité. On s’attachera à améliorer le traitement des mécanismes de production secondaire des cristaux de glace et de la compétition entre nucléations hétérogène et homogène, la description des propriétés de forme des cristaux de glace, le couplage cohérent entre le rayonnement et les propriétés microphysiques du nuage, ainsi que les rétroactions entre la microphysique et l’électricité atmosphérique. Enfin, la Tâche 3 s’appuie sur le système de modélisation couplé développé en Tâche 2 en synergie avec les produits d’observation issus de la Tâche 1 pour analyser pour la première fois les interactions aérosol-microphysique-rayonnement-électricité au sein de systèmes convectifs de campagnes de mesures passées. Pour l’ensemble des cas d’étude, après une phase de contextualisation du système et de calibration des simulations numériques, des analyses de sensibilité seront réalisées. Les interactions au sein des différentes régions des systèmes convectifs seront analysées en fonction de leur stade de développement, le rôle des processus physiques nuageux sera hiérarchisé, et l’impact sur les paramètres macroscopiques des nuages sera évalué.
Un module numérique complet de physique des nuages sera développé en synergie avec l’exploitation d’observations de campagnes de mesures passées et de mesures satellites. Il permettra de mieux caractériser les incertitudes liées à la représentation des cristaux de glace et des processus physiques qui leur sont associés dans les modèles de nuage résolu. Les retombées à plus ou moins long terme sont nombreuses : amélioration de la prévision des systèmes convectifs extrêmes et des risques associés, identification des processus clés à intégrer en priorité dans les modèles de grande échelle, amélioration de la représentation de l’impact radiatif des nuages de glace… ICCARE permettra le développement de modèles et d’outils innovants qui seront mis à disposition de la communauté scientifique (via le portail AERIS pour les observations, et via son site web pour le modèle Meso-NH) pour progresser dans notre connaissance de champs disciplinaires pour lequel la recherche est extrêmement active (e.g. interactions aérosol-nuage et nuage-rayonnement, risques associés aux événements météorologiques intenses).
ICCARE s’appuie sur un consortium de 3 partenaires : le LAERO associé au LATMOS au sein d’un même partenaire, le CNRM et le LaMP. Les scientifiques impliqués dans le projet sont des experts dans l’ensemble des domaines de la physique des nuages (dynamique, microphysique, aérosol, rayonnement, électricité atmosphérique). Ils sont activement investis dans le développement du code communautaire Meso-NH, du code de transfert radiatif RTTOV, et dans l’organisation et le traitement des données des campagnes de mesures HAIC, EXAEDRE et ReNovRisk qui sont au cœur du projet.

Coordination du projet

Christelle Barthe (Laboratoire d'aérologie)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRM Centre national de recherches météorologiques
LAMP LABORATOIRE DE METEOROLOGIE PHYSIQUE
LAERO Laboratoire d'aérologie

Aide de l'ANR 437 933 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2021 - 48 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter