Hydrodynamique Covariante, Fluctuante et Active des Ecoulements Epithéliaux – COVFEFE
Les récentes avancées en microscopie permettent d'imager l'intégralité du développement embryonnaire d'une mouche drosophile avec une haute résolution spatiale (sub-cellulaire) et temporelle (seconde). Interpréter ces nouvelles données nécessite de nouvelles approches théoriques multi-échelle pour comprendre le lien entre écoulements des tissus embryonnaires et activité biochimique cellulaire. Dans ce projet, je propose de développer des outils numériques et analytiques permettant de relier la dynamique globale de ces écoulements aux propriétés mécaniques locales des interfaces cellulaires. En lien avec des groupes expérimentaux nous chercherons à comprendre l’apparition d’écoulements tissulaires spontanés dans des environnements courbés typiques de l’embryogenèse mais aussi de systèmes artificiels (organoïdes).
Notre premier objectif est de construire un nouveau modèle numérique basé sur une théorie hydrodynamique réaliste des interfaces cellulaires afin de prédire la dynamique macroscopique des tissus épithéliaux. Du fait de l'activité métabolique cellulaire, je m’attends à ce que le choix de paramètres dynamiques puisse déterminer l'état d'équilibre atteint par le système. A l’aide de cet outil numérique, je propose d’identifier le rôle des fluctuations des contraintes mécaniques aux jonctions cellulaires dans la statistique des réarrangements cellulaires et, par conséquent, à plus grande échelle, dans l’établissement des propriétés mécaniques des tissus biologiques.
Notre deuxième objectif est d'étendre aux matériaux actifs le régime d'application d’une technique de caractérisation des matériaux passifs appelée micro-rhéologie. Basée sur le suivi de traceurs biologiques endogènes (par exemple, les noyaux ou les jonctions tri-cellulaires), cette technique non-invasive nous permettrait de déduire les propriétés mécaniques des tissus biologiques à partir de séquences d'images obtenues par microscopie optique.
Notre troisième objectif est de développer une théorie hydrodynamique covariante (c'est-à-dire valable en géométrie courbe) pour prédire la relation entre contractilité cellulaire et les écoulements tissulaires globaux. En particulier, dans le contexte de modèles in vitro de tissus épithéliaux de l'intestin (organoïdes), nous chercherons à établir le rôle de facteurs mécaniques dans le partitionnement d’événements cellulaires caractéristiques (division, extrusion cellulaire) dans des régions de courbure spécifique. Bien que l’étude du comportement des cellules individuelles sur des substrats courbes ait été le sujet de plusieurs publications récentes, la question des conditions d’apparition d’écoulement collectifs dans des tissus épithéliaux confluents courbés reste largement inexplorée ; une telle étude devient cependant possible grâce à la conception de nouvelles techniques de microfabrication et d'imagerie 3D. En outre, motivés par des observations expérimentales d’un processus de la morphogenèse de la drosophile indiquant qu’une augmentation caractéristique du niveau des fluctuations précède le déclenchement d’écoulements tissulaires globaux, nous examinerons l'impact mécanique d’un tenseur de stress actif fluctuant dans nos équations hydrodynamiques courbes. Ces fluctuations pourraient jouer un rôle inattendu dans un mécanisme de détection de la courbure locale permettant le déclenchement de processus d'organogenèse à des positions spécifiques et reproductibles de l'embryon.
La compréhension des mécanismes physiques contribuant à la reproductibilité de l'organogenèse est d'un intérêt majeur pour comprendre le développement normal ou pathologique des organes in vivo, mais aussi pour comprendre comment générer des organoïdes de manière reproductible dans le contexte médical de la conception d'organes artificiels.
Coordination du projet
Jean-François Rupprecht (Centre de physique théorique)
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Partenaire
CPT Centre de physique théorique
Aide de l'ANR 156 394 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 36 Mois