CE30 - Physique de la matière condensée et de la matière diluée

Désorption induite par les photons UV-X et les électrons sur les surfaces de glace – PIXyES

Photodésorption induite par les UV, rayons X et électrons sur les surfaces de glaces

Le projet PIXyES propose de mettre en synergie différentes approches expérimentales et théoriques pour lever le voile sur le phénomène de photodésorption, un mécanisme mal compris d’un point de vue fondamental, mais dont l’importance est cruciale pour comprendre et exploiter les observations des molécules dans les régions les plus froides du milieu interstellaire, à savoir les régions de formation d’étoiles et de planètes.

Enjeux et objectfs

Les objectifs du projet PIXyES consistent en l’apport de nouveaux résultats, tant expérimentaux que théoriques, concernant les processus photo-induits dans les solides moléculaires pouvant avoir un impact important sur la physique et la chimie du milieu interstellaire. Le projet se focalise sur les phénomènes de désorption photo-induite, centraux pour expliquer les abondances en phase gazeuse des molécules, tant simples que « complexes », détectées dans les zones de formation d’étoiles et de planètes, et dont l’origine reste méconnue. La finalité est de pouvoir, en contraignant mieux notre compréhension des mécanismes de désorption dans des solides-modèles reflétant la composition des glaces interstellaires, proposer et prédire des rendements quantitatifs de désorption pour un grand nombre d’espèces moléculaires détectées dans les régions froides de l’espace, et ainsi, en lien avec la communauté des observateurs et des modélisateurs, permettre d’expliquer les abondances moléculaires de ces régions.

La stratégie choisie s’axe sur le travail collaboratif mené par les trois partenaires du projet. Des expériences menées au synchrotron permettront de mesurer des taux absolus de photodésorption pour un grand nombre d’espèces moléculaires, incluant des petites molécules organiques, pures et dans des solides riches en H2O et CO, dans les domaines des UV du vide (5-14 eV) et des rayons X « mous » (300-800 eV). Les mêmes systèmes seront également étudiés, par une méthodologie similaire, par l’irradiation d’électrons de haute (300-500 eV) et basse (5-20 eV) énergie, permettant ainsi de mieux contraindre le rôle joué par les photoélectrons ou électrons secondaires dans les processus de photodésorption, et d’accéder à des paramètres intrinsèques tels que la section efficace de diffusion inélastique des électrons dans les glaces. Parallèlement à cette activité, les mécanismes microscopiques de la photodésorption seront étudiés pour des systèmes simples, telles que les solides de CO ou mixtes CO:N2, à la fois expérimentalement par une méthode laser alliant source pulsée VUV et détection par ionisation laser REMPI, permettant de fait d’avoir accès aux distributions d’énergie cinétique et interne des espèces désorbées, et théoriquement par le biais de calculs de dynamique moléculaire. La comparaison entre les deux approches permettra de comprendre en particulier les phénomènes de désorption indirecte et de transfert d’énergie entre une molécule excitée et une molécule de surface, dont l’importance est cruciale pour mieux contraindre la photodésorption dans les systèmes complexes.

Lors de la première partie du projets (2020-2022), un certains nombres d’objectifs ont été menés à bien. Les mécanismes de photodésorption dans les glaces de molécules de CO ont été mis en lumière, par l’approche combinée de nouvelles expériences laser au LERMA – une source laser VUV basée sur le mélange de fréquence de deux lasers accordables dans une cellule de gaz rare, et une méthode de sonde basée sur la spectroscopie d’ionisation multiphotonique résonante menée à l’aide d’une troisième laser accordable et d’un spectromètre masse – et de simulations théoriques au PhLAM de dynamique moléculaire basée sur la méthode AIMD. Le caractère indirect du phénomène, jusqu’alors jamais montré par les approches théoriques, mais également la distribution d’énergie cinétique et interne des désorbats, ont permis d’établir la dynamique du processus, déclenché par la génération dune molécule dans un état vibrationnel fortement excité. Les rendements de photodésorption d’espèces moléculaires « simples », telles N2, et plus complexes, telles NH3, HCOOCH3, HCOOH ou encore CH3CN, ont été mesurés et étudiés dans des glaces pures et riches en H2O ou CO, soit, dans des systèmes mimant la composition des véritables glaces interstellaires. Ces études ont été menées à la fois dans les UV du vide et X mous, deux gammes d’énergie particulièrement pertinentes dans les régions de formation stellaire et planétaire, par le biais de campagnes de mesure sur le synchrotron SOLEIL. Le rôle prépondérant joué par la photodissociation de ces espèces a en particulier été mis en lumière lors du mécanisme de désorption, mais également, dans le cas de la photodésorption X, l’importance cruciale de la thermalisation des électrons Auger a été mise en évidence expérimentalement. Ces études ont été dirigées conjointement par les équipes du LERMA et du l’ISMO. Parallèlement, des études comparatives de désorption induite, menées sur les même systèmes, mais en utilisant des électrons comme particules primaires, ont été réalisées à l’ISMO. Les excellents accords obtenus entre les rendements de désorption par photon ou par électron ouvrent la voie vers des études comparatives plus systématiques, qui permettront à terme soit d’évaluer des rendements de photodésorption X grâce à des mesures par électrons, plus simples à mettre en œuvre, ou d’accéder à des grandeurs intrinsèque jusqu’alors mal connues telle la section efficace de diffusion inélastique des électrons de basse énergie dans les glaces.

Lors de la deuxième phase du projet, les études comparatives menées par les expériences laser et les simulations théoriques continueront, et s’axeront sur les systèmes binaires (CO:N2) et les systèmes dans lesquels la photodissociation peut jouer un rôle important (H2O). Parallèlement, les expériences de désorption induites par électrons seront systématiquement réalisées sur les systèmes déjà étudiés par photon au synchrotron. L’étude de facteurs jusqu’alors peu étudiés sur le mécanisme de photodésorption, à savoir le rôle joué par le flux et la fluence du rayonnement, sera l’objet d’études menées sur synchrotron, et permettra une meilleure extrapolation des données expérimentales vers les modèles astrochimiques. Enfin, le développement d’un détecteur permettant de résoudre la distribution des vecteurs vitesse des molécules désorbées (détecteur VMI, jusqu’alors jamais appliqué dans le cadre de molécules désorbées à partir de glaces physisorbées) sera de plus mise en œuvre.

R. Basalgète, D. Torres-Diaz, A. Lafosse, L. Amiaud, G. Féraud, P. Jeseck, L. Philippe, X. Michaut, J.-H. Fillion & M. Bertin
Indirect X-ray photodesorption of 15N2 and 13CO from mixed and layered ices
Journal of Chemical Physics 2022 – accepted for publication

J.-H. Fillion, R. Dupuy, G. Féraud, C. Romanzin, L. Philippe, T. Putaud, V. Baglin, R. Cimino, P. Marie-Jeanne, P. Jeseck, X. Michaut & M. Bertin
Vacuum-UV photodesorption from compact amorphous solid water: photon energy, isotopic and temperature effects
ACS Earth and Space Chemistry 6 (2022), 100-115

R. Basalgète, A.J. Ocaña, G. Féraud, C. Romanzin, L. Philippe, X. Michaut, J.-H. Fillion & M. Bertin
Photodesorption of Acetonitrile CH3CN in UV-irradiated Regions of the Interstellar Medium: Experimental Evidence
The Astrophysical Journal 922 (2021), 213

Le projet PIXyES consiste en la mise en place d’un consortium de physique moléculaire, de chimie physique et d’astrophysique de laboratoire. L’objectif est d’apporter de nouveaux résultats sur les interactions photon-molécules physisorbées (souvent appelées glaces moléculaires) qui impactent profondément la physico-chimie des régions de formation d’étoiles et de planètes dans le milieu interstellaire. Le projet se focalise sur les phénomènes de désorption induite par photons - dans le domaine des ultraviolets du vide VUV (7-14 eV) et des rayons X « mous » (0,5-1,5 keV) – et par électrons dans les molécules condensées. Ces études expérimentale et théoriques vont apporter de nouvelles perspectives sur les mécanismes de désorption induite, qui permettront d’accéder à des données à l’échelle moléculaire qui ont un impact conséquent aux échelles macroscopiques du milieu interstellaire (rapports d’abondances gaz-solides, localisation des lignes de condensations…).
A l’heure actuelle, les études quantitatives de la désorption induite sont limitées à des mesures de rendements absolus à partir d’un nombre limité de systèmes, pour la plupart des glaces pures, et le manque de compréhension des mécanismes moléculaires impliqués empêche de mettre en lumière des tendances générales et de prédire les efficacités de désorption à partir des glaces complexes du milieu interstellaire. La détection d’un nombre sans cesse croissant de nouvelles espèces moléculaires gazeuses dans les régions les plus froides de l’espace entraine cependant un besoin urgent pour ces données de laboratoire, qui sont centrales à la compréhension des observations du milieu interstellaire. Cette tendance est d’ailleurs appelée à accélérer de façon sensible suite au lancement futur du nouveau télescope spatial JWST (James Webb Space Telescope). La stratégie actuelle pour l’estimation des rendements de photodésorption en laboratoire doit donc être repensée. C’est une nouvelle approche que nous nous proposons de développer avec le projet PIXyES.
En identifiant, et en comprenant, les principaux mécanismes de désorption à partir de systèmes modèles, à l’aide d’une approche concertée mêlant expériences et simulations numériques, nous visons à proposer à la communauté astrochimique des rendements de photodésorption applicables à n’importe quelle espèce moléculaire coadsorbée dans des glaces composées à majorité d’eau et de CO/CO2, qui sont les espèces largement majoritaires des glaces astrophysiques. Notre hypothèse, basée sur des études récentes, est que les radiations interagiront principalement avec les composants majoritaires des glaces interstellaire, et que la désorption est ainsi une conséquence de la dissipation de l’énergie déposée dans ces matrices, menant à l’éjection des coadsorbats. Si cette hypothèse se confirme, l’étude des mécanismes de redistribution de l’énergie nous permettra alors d’être à même de prédire les rendements de photodésorption à partir de glaces réalistes, pour n’importe lequel de ses constituants, ce qui implique également les molécules organiques coadsorbées, sans avoir à étudier chacun des possibles systèmes de façon isolée, ce qui, au regard du nombre de molécules potentiellement présentes, serait virtuellement impossible.
Pour ce faire, des approches complémentaires expérimentales et théoriques seront utilisée en synergie, à savoir des études résolue en énergie des photons menées à l’aide du rayonnement synchrotron, dans les domaines VUV et des rayons X « mous », le développement d’une méthode d’étude de la désorption basée sur l’emploi d’une source laser VUV et d’une détection des désorbats résolue en énergie cinétique, interne, et en vecteur vitesse, la modélisation théorique des processus de dissipation d’énergie dans des glaces modèles, et des expériences comparées entre les processus de photodésorption et de désorption induite par les électrons.

Coordination du projet

Mathieu Bertin (Laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CNRS-ISMO Institut des Sciences Moléculaires d'Orsay
PhLAM Physique des lasers, atomes et molécules
LERMA Laboratoire d'étude du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères

Aide de l'ANR 509 716 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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