Du manque d'argent aux inégalités de revenus : comment la pauvreté affecte l'attention cognitive et la prise de décision – COGPOV
De nombreux travaux en sciences sociales et en économie suggèrent que la pauvreté est un phénomène qui tend à se reproduire et à persister (i.e., le « cercle vicieux de la pauvreté). Tandis que les recherches en sciences sociales se focalisent sur les facteurs structurels et politiques qui sous-tendent le cercle vicieux de la pauvreté, les recherches en économie comportementale et en psychologie, elles, sont davantage centrées sur les comportements individuels qui contribuent à la perpétuation de la pauvreté. Le projet COGPOV a pour ambition de connecter les différentes traditions de recherches autour de la problématique du cercle vicieux de la pauvreté. Combinant les apports de la psychologie sociale et cognitive, des neurosciences et de l’économie comportementale, COGPOV vise à mettre en lumière le fardeau cognitif que la pauvreté impose et qui pourrait, de façon chronique détériorer l’attention et la prise de décision des individus. Organisé en 3 axes et au travers de 10 études quantitatives (corrélationnelles et expérimentales), le projet articule des phénomènes et mécanismes allant du niveau structurel au niveau psychologique (y compris cérébral). Plus particulièrement, COGPOV cherche à montrer comme un facteur structurel tel que le niveau des inégalités de revenus dans une société donnée influence l’expérience psychologique de la pauvreté et détermine ainsi les comportements et prises de décision des individus en situation de vulnérabilité économique. Dans la plupart des pays industrialisés, la persistance de la pauvreté est effectivement accompagnée d’inégalités de revenus croissantes (selon le World Economic Forum Global Risks Report 2019). Le premier axe du projet cherche à étudier, d’une part, comment le vécu psychologique de la pauvreté est modulé par le niveau d’inégalités de revenus et perturbe le fonctionnement cognitif des individus. Grâce à des tâches traditionnellement utilisées en psychologie, 3 études testeront l'hypothèse selon laquelle être (ou se sentir) pauvre est une entrave pour la performance intellectuelle, et ce particulièrement lorsque l'expérience de la pauvreté s'inscrit dans un contexte de fortes inégalités de revenus. De plus, et afin de mieux appréhender le vécu psychologique de la pauvreté, une échelle de Perception de Précarité Economique (1 étude) sera construite et validée. Le deuxième axe du projet cherchera à examiner en profondeur les processus cognitifs, et en particulier attentionnels, perturbés par l'expérience de la pauvreté et par la perception de fortes inégalités de revenus dans la société. 3 études testeront l'hypothèse selon laquelle se percevoir comme relativement pauvre dans une société marquée par les inégalités de revenus déclenchent des pensées anxiogènes qui capturent une partie de l'attention des individus. Dès lors, moins d'attention serait allouée à la réalisation de tâches requérant pourtant une grande concentration et la performance qui en résulte s'en trouverait diminuée. Une étude impliquera le recours à l'EEG pour mesurer plus finement la présence de pensées interférentes chez des participants placés dans des conditions expérimentales induisant la perception des inégalités de revenus comme fortes. Le dernier axe du projet aura pour objectif d'étendre les résultats obtenus dans les deux premiers axes à la question de la prise de décision financière. Trois études chercheront à tester l'hypothèse selon laquelle les perturbations intellectuelles (axe 1) et plus particulièrement attentionnelles (axe 2) pèse sur le processus décisionnel des individus. Prises ensemble, les 10 études du projet COGPOV devrait apporter à une compréhension "intégrée" des phénomènes psychologiques en jeu dans la reproduction de la pauvreté en montrant comment des facteurs structurels peuvent entraver le fonctionnement cognitif des individus les plus vulnérables sur un plan économique et contribuer ainsi à l'émergence de comportements aggravants pour la pauvreté.
Coordination du projet
Alice Normand (LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE SOCIALE ET COGNITIVE)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
LAPSCO LABORATOIRE DE PSYCHOLOGIE SOCIALE ET COGNITIVE
Aide de l'ANR 172 357 euros
Début et durée du projet scientifique :
février 2021
- 42 Mois