CE20 - Biologie des animaux, des organismes photosynthétiques et des microorganismes

Effecteurs déclenchant la nodulation chez les légumineuses – ET-Nod

Effecteurs déclenchant la nodulation chez les légumineuses

Les légumineuses jouent un rôle agronomique et écologique majeur grâce à leur capacité à fixer l'azote atmosphérique lors de la symbiose avec les rhizobia. Dans le cadre du projet ANR SymEffectors (2016-2020), nous avons révélé un processus symbiotique alternatif qui ne repose pas sur les facteurs Nod synthétisés par le rhizobia mais par la sécrétion d'effecteurs par le T3SS. Parmi ces effecteurs, nous avons identifié l'effecteur nucléaire ErnA comme un acteur clé de l'organogenèse des nodules.

Caractérisation des mécanismes moléculaires par lesquels ErnA et d'autres effecteurs (ET-Nod) activent la nodulation chez les légumineuses

Notre objectif principal dans ce projet est de déchiffrer les mécanismes moléculaires par lesquels ErnA active la nodulation chez les légumineuses et de caractériser l'importance de cette famille d'effecteurs (ET-Nod) dans l'efficacité symbiotique de légumineuses importantes sur le plan agronomique.<br />Ce projet est divisé en 3 tâches parallèles : dans la tâche 1, nous caractériserons la(les) cible(s) nucléiques d'ErnA et son protéome proximal en combinant des approches biochimiques, génétiques et omiques. Ces informations permettront de caractériser les mécanismes moléculaires par lesquels ErnA peut activer le programme de nodulation chez Aeschynomene. Dans la tâche 2, nous explorerons, au niveau du genre Bradyrhizobium, la prévalence à utiliser le processus de nodulation Facteur Nod-indépendant et T3SS-dépendant en examinant la capacité d'une très grande diversité de souches séquencées à noduler A. indica. De plus, par une analyse génomique comparative couplée à une approche de mutagenèse, nous identifierons les effecteurs (ci-après dénommés effecteurs ET-Nod) qui déclenchent la nodulation indépendamment des NFs, comme ErnA. Dans la tâche 3, nous étudierons l'importance d'ErnA et des ET-Nods pendant la symbiose de légumineuses importantes sur le plan agronomique. À cette fin, les gènes ernA et et-nod identifiés au cours de la tâche 2 seront mutés dans plusieurs souches représentatives et les propriétés symbiotiques des mutants seront testées sur le soja, l'arachide, le niébé, le haricot mungo et le haricot noir. En parallèle, des lignées transgéniques d'espèces de légumineuses cultivées surexprimant ernA ou et-nod seront générées et analysées pour leur capacité à induire des structures de type nodule ou à activer les gènes marqueurs canoniques de la symbiose.<br />Les connaissances acquises au cours de ce projet pourraient être utilisées en agronomie pour améliorer le rendement de plusieurs cultures de légumineuses et pour concevoir de nouvelles stratégies visant à transférer la symbiose fixatrice d'azote aux céréales.

Pour les différents objectifs du projet, notre consortium, impliquant des spécialistes de la symbiose et de la pathogenèse végétale, va i) combiner des approches biochimiques, génétiques et omiques (RNAseq, ChIP-seq RIP-seq, DAP-seq, Co-IP et marquage de proximité en utilisant Turbo-ID) pour caractériser les cibles moléculaires et l'interactome d'ErnA, ii) développer au niveau du genre Bradyrhizobium une analyse génomique comparative couplée à une approche de mutagenèse sur les candidats émergents pour identifier de nouveaux effecteurs ET-Nod et iii) étudier, en utilisant la génétique bactérienne et végétale, le rôle joué par ErnA et les effecteurs ET-Nod dans diverses souches de Bradyrhizobium lors de l'interaction avec les cultures de légumineuses (soja, arachide, niébé .... ) en analysant les propriétés symbiotiques de divers mutants dans les gènes nod ou ET-Nod.

Pour la mise en place des différentes approches (ChIP-seq, DAP-seq, Co-IP, marquage de proximité) que nous envisageons de développer pour avancer dans la caractérisation des cibles d'ErnA, il est nécessaire de disposer de formes étiquetées d'ErnA. Malheureusement, nous avons observé que l'ajout d'un tag en C-ter de ErnA compromet souvent sa fonctionnalité. Pour surmonter ce problème, nous devons travailler avec des lignées transgéniques d’A. evenia surexprimant les protéines étiquetées en N-ter, bien que cela rende la génération du matériel biologique plus laborieuse. Par cette approche, nous avons validé qu’ErnA est toujours fonctionnelle après l'ajout d'épitopes 3xHA ou 3xFlag en N-ter permettant le développement des approches ChIP-seq, DAP-seq, et Co-IP, qui sont en cours. Les constructions contenant la biotine ligase Turbo en N-ter sont actuellement testées et le marquage de proximité sera initié si les données sont positives.
Pour les tâches 2 et 3, nous avons rassemblé une collection de 200 souches de Bradyrhizobium dont le génome est disponible ou que nous avons séquencé dans le cadre du projet ET-Nod (pour 9 souches). Les propriétés symbiotiques de la plupart de ces souches ont été testées sur A. indica et plus d'un tiers s'est avéré capable d'induire des nodules, bien qu'avec une efficacité variable. A l'exception des Bradyrhizobia photosynthétiques, toutes ces souches possèdent un T3SS, ce qui renforce l'idée que ces souches utilisent un processus dépendant du T3SS pour induire les nodules. Il est intéressant de noter que parmi ces souches, 12 ne possèdent pas d'homologue d'ErnA, ce qui suggère l'implication de nouveaux ET-Nod(s) pour déclencher la nodulation. La prédiction de l'effectome de ces souches et leur comparaison avec celui de souches voisines incapables de noduler, a mis en évidence quelques T3E candidats en cours d’étude. Par cette approche, nous avons identifié un nouvel effecteur dans les souches Nas96-2 et WSM1744 codant pour une SUMO-Protease putative qui est nécessaire pour la nodulation d'Aeschynomene. De plus, l'introduction du gène sup3 de NAS96-2 ou WSM1744 dans le mutant ORS3257?ernA restaure la capacité à noduler A. indica, ce qui valide Sup3 comme un ET-Nod. D'autre part, parmi le groupe de 12 souches nodulantes ci-dessus, certaines, dont LMTR13, ne possèdent pas d'homologues d'ErnA ou de Sup3, ce qui indique l'existence d'autres ET-Nods non encore identifiés. Nous avons concentré pour l'instant nos recherches sur la souche LMTR13 et avons montré que la mutation de deux effecteurs précédemment inconnus (nommés U1 et U3) avait un impact considérable sur la capacité de la souche à noduler (chaque mutant induit 70% de nodules en moins). Il est donc possible que ces deux nouveaux effecteurs agissent en synergie pour activer le processus de nodulation.

Malgré un démarrage lent, des avancées importantes ont été réalisées au cours de cette période. Le matériel biologique pour l'exécution de la tâche 1 a été largement construit et validé fonctionnellement. Le développement des approches prévues (ChIP-seq, DAP-seq, et Co-IP) pour avancer dans la caractérisation des cibles d'ErnA est ainsi en cours. Si nous ne validons pas la possibilité d'utiliser l'approche de marquage Turbo-ID pour identifier l'interactome d'ErnA, nous prévoyons de développer une approche double hybride en levure.
Pour le développement de l'approche RNA-seq, nous avons décidé d'utiliser un système d'expression inductible par la dexaméthasone pour identifier les gènes précoces sous le contrôle d’ErnA. La construction générée fournit dans les lignées transgéniques d'A. evenia un haut niveau d'induction d'ernA dans les heures qui suivent l'ajout de dexaméthasone, validant ainsi son utilisation. L'analyse RNA-seq à des temps courts après le traitement de l'inducteur sera effectuée dans les prochains mois. Dans une approche ciblée (avec a priori), nous allons tester si ErnA interagit avec les protéines de la voie de symbiose commune qui sont présentes chez A. evenia, y compris Pollux, CaCMK, cyclops et NIN. Les interactions putatives d'ErnA avec ces protéines de signalisation seront testées par Co-IP et par double hybride en levure. Actuellement, les constructions requises pour ces expériences sont en cours de préparation.

Concernant les nouveaux ET-Nods putatifs (U1 et U3) identifiés, nous les validerons en testant leur capacité à compléter pour la nodulation le mutant ORS3257?ernA. De façon très intéressante, nous avons identifié que la région C-ter d’ErnA est bien conservée dans les effecteurs U1 et U3. En particulier, cette région contient le motif HILV prédit comme un motif d’interaction avec le peptide SUMO (SIM). Par mutagenèse dirigée, nous avons confirmé que ce motif est nécessaire à la fonctionnalité d'ErnA. Il est donc possible qu’ErnA et les effecteurs U1 et U3, ainsi que la SUMO-protéase Sup3, interagissent avec un ou plusieurs partenaires SUMOylés de la plante hôte pendant la signalisation de la nodulation. Cette hypothèse, qui indiquerait un lien fonctionnel possible entre ces différents ET-Nods, est actuellement évaluée par des approches biochimiques.
Pour la tâche 3, les premières données obtenues sur la souche ORS3257 n'ont pas confirmé un rôle d'ErnA lors de l'interaction symbiotique d'ORS3257 avec 3 espèces de Vigna mais cela ne permet pas de statuer si les ET-Nods sont dispensables dans toutes les symbioses impliquant les facteurs Nod (FNs). Il est en effet possible que cette classe d'effecteurs renforce ou remplace le signal FN dans certaines conditions ou lors d'interactions avec des hôtes particuliers. Ainsi, comme prévu initialement, nous continuerons à étudier les propriétés symbiotiques des différentes souches et mutants qui ont émergé au cours de la tâche 2 sur différentes légumineuses cultivées.

• Busset N, Gully D, Teulet A, Fardoux J, Camuel A, Cornu D, Severac D, Giraud E, Mergaert P. (2021) The Type III Effectome of the Symbiotic Bradyrhizobium vignae Strain ORS3257. Biomolecules. 11(11):1592. doi: 10.3390/biom11111592.
• Teulet A, Camuel A, Perret X, Giraud E. (2022) The Versatile Roles of Type III Secretion Systems in Rhizobia-Legume Symbioses. Annu Rev Microbiol. 2022 Apr 8. doi: 10.1146/annurev-micro-041020-032624.
• Songwattana P, Chaintreuil C, Wongdee J, Teulet A, Mbaye M, Piromyou P, Gully D, Fardoux J, Zoumman AMA, Camuel A, Tittabutr P, Teaumroong N, Giraud E. (2021) Identification of type III effectors modulating the symbiotic properties of Bradyrhizobium vignae strain ORS3257 with various Vigna species. Sci Rep. 11(1):3266. doi: 10.1038/s41598-021-82751-x.
• Tighilt L, Boulila F, De Sousa BFS, Giraud E, Ruiz-Argüeso T, Palacios JM, Imperial J, Rey L. (2021)The Bradyrhizobium Sp. LmicA16 Type VI Secretion System Is Required for Efficient Nodulation of Lupinus Spp. Microb Ecol. 2021 Oct 25. doi: 10.1007/s00248-021-01892-8. Online ahead of print.
• Nouwen N, Chaintreuil C, Fardoux J, Giraud E. (2021) A glutamate synthase mutant of Bradyrhizobium sp. strain ORS285 is unable to induce nodules on Nod factor-independent Aeschynomene species. Sci Rep. 2021 Oct 22;11(1):20910. doi: 10.1038/s41598-021-00480-7.
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Les légumineuses jouent un rôle agronomique et écologique majeur en raison de leur capacité à fixer l'azote atmosphérique lors de la symbiose avec les rhizobia. Les principales cultures de légumineuses sont des espèces tropicales (soja, arachide, niébé ...) qui représentent plus de 85% de la production de légumineuses à graines. Ces espèces sont toutes nodulées par des souches de Bradyrhizobium qui contiennent des gènes de nodulation (gènes nod) nécessaires à la synthèse de signaux symbiotiques clés, appelés facteurs Nod (FN), mais aussi des gènes T3SS qui codent pour le Système de Sécrétion de Type 3 (T3SS). Le T3SS, initialement identifié chez des pathogènes bactériens animaux et végétaux, permet l’injection de protéines effectrices à l'intérieur des cellules hôtes pour favoriser l’infection en interférant avec divers processus de l'hôte, notamment la suppression des réponses immunitaires. Pendant longtemps, il a été supposé que la nodulation reposait absolument sur les FNs pour déclencher l'organogenèse des nodules et l'infection. La machinerie T3SS, en revanche, était considérée comme un équipement accessoire modulant l’efficience et le spectre d’hôte de la bactérie. Cependant, il a été démontré que certaines espèces de légumineuses du genre Aeschynomene mais aussi le cultivar Glycine max cv. Enrie sont nodulées par des souches de Bradyrhizobium en l'absence de synthèse de FNs. Dans ce cas, l'établissement de l'interaction nécessite que la bactérie possède un T3SS fonctionnel, ce qui indique que des effecteurs spécifiques de Type 3 peuvent activer directement la voie de signalisation de la nodulation chez les légumineuses, en contournant la perception des FNs.
Nous avons démontré récemment que chez la souche de Bradyrhizobium ORS3257, cette symbiose dépendante du T3SS repose sur un cocktail d'au moins cinq effecteurs jouant des rôles synergiques et complémentaires dans l'organogenèse des nodules, l'infection et la répression de la réponse immunitaire de la plante. Parmi eux, nous avons identifié l'effecteur nucléaire ErnA, très conservé chez les bradyrhizobia, comme un acteur clé de l'organogenèse des nodules. En outre, les données préliminaires indiquent que d'autres souches de Bradyrhizobium peuvent utiliser d'autres effecteurs de type 3, distincts d’ErnA, pour déclencher la nodulation.
Notre découverte récente qu'une seule protéine effectrice suffit à induire l'organogenèse des nodules sans avoir besoin de FNs est un changement de paradigme dans le domaine et indique que les programmes de nodulation des légumineuses ne sont pas exclusivement contrôlés par les FNs.
Nos principaux objectifs dans le cadre du projet ET-Nod sont : i) de déchiffrer les mécanismes moléculaires par lesquels ErnA active la nodulation chez Aeschynomene, ii) d'identifier de nouveaux effecteurs (appelés ET-Nods) se comportant comme ErnA dans le déclenchement de la nodulation et iii) de caractériser l'importance de cette famille d'effecteurs dans l'efficacité symbiotique des légumineuses d'intérêt agronomique.
À cette fin, notre consortium, auquel participent des spécialistes de la symbiose végétale et de la pathogenèse, i) combinera des approches biochimiques, génétiques et omiques pour caractériser les cibles moléculaires d'ErnA (nucléiques et protéiques), ii) développera chez le genre Bradyrhizobium une analyse génomique comparative couplée à une approche de mutagenèse pour identifier de nouveaux effecteurs ET-Nod et iii) étudiera par des approches de génétique, le rôle joué par les effecteurs ErnA et ET-Nod dans différentes souches de Bradyrhizobium lors de symbioses avec des légumineuses cultivées (soja, arachide, niébé …).
Les connaissances acquises au cours de ce projet pourraient être exploitées en agronomie pour améliorer le rendement de plusieurs légumineuses cultivées et pour concevoir de nouvelles stratégies visant à transférer la capacité symbiotique fixatrice d'azote aux céréales.

Coordination du projet

Eric GIRAUD (Laboratoire des Symbioses Tropicales et Méditerranéennes)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LSTM Laboratoire des Symbioses Tropicales et Méditerranéennes
I2BC Institut de Biologie Intégrative de la Cellule
LIPM Laboratoire des Interactions Plantes - Microorganismes

Aide de l'ANR 589 914 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2020 - 48 Mois

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