CE14 - Physiologie et physiopathologie

Le rôle de la mini-puberté dans la programmation de la fonction de reproduction – REPROFUN

Le rôle de la mini-puberté dans la programmation de la fonction reproductive chez la femelle

Juste après la naissance, les taux de stéroïdes sexuels et d'hormone anti-müllérienne (AMH) produits par l'ovaire sont similaires, voire supérieurs, à ceux des femmes adultes. Cette phase, appelée mini-puberté, est conservée chez les mammifères, mais son rôle physiologique reste inconnu. Notre hypothèse est qu'il s'agit d'une phase critique pour l'action des hormones ovariennes sur des neurones hypothalamiques impliqués dans la régulation de la fertilité et du comportement reproducteur.

Etude de l'action des stéroïdes sexuels et de l'AMH produits à la minipuberté sur les performances reproductive et les modifications génétiques et épigénétiques des neurones hypothalamiques impliqués

Le laboratoire du partenaire 1 et d'autres laboratoires ont montré que les niveaux de gonadotropines hypophysaires, d'œstradiol ovarien (E2), de testostérone (T) et d'hormone anti-müllérienne (AMH) sont similaires, voire même plus élevés pendant la mini-puberté (12-17 jours postnatals chez la souris, premiers mois après la naissance chez la fille) qu'à l'âge adulte. La conservation de ce processus physiologique chez les mammifères, des rongeurs à l'Homme, soutient l'idée qu'il joue un rôle physiologique essentiel, mais sa signification reste inconnue. Sur la base d'observations suggérant un rôle clé de l'ovaire avant la puberté pour la mise en place de la fonctionnalité de l'HPO, et en particulier pour l'ovulation à chaque cycle sexuel et le comportement reproducteur, notre hypothèse est que la mini-puberté est essentielle à la programmation de la fonction reproductive et de la fertilité féminine. Dans ce contexte, les objectifs de ReproFun sont d'étudier l'action des stéroïdes sexuels et de l'AMH au moment de la mini-puberté sur des facteurs déterminants de la fertilité féminine, c'est-à-dire la puberté, la cyclicité sexuelle, les comportements reproducteurs, ainsi que les modifications génétiques et épigénétiques survenant dans les neurones hypothalamiques impliqués dans la reproduction. L'un des défis de ce projet réside dans l'utilisation de modèles expérimentaux pertinents pour répondre à ces questions. Dans ce contexte, les objectifs de ce projet sont: 1/ de dévopper des modèles murins permettant de manipuler les taux de ces hormones ovariennes ou de bloquer leurs actions, exclusivement au moment de la mini-puberté, 2/ d'étudier sur ces modèles le rôle respectif de chaque hormone sur la reproduction, par des approches physiologiques et comportementales et par des études moléculaires sur les populations neuronales.

Les modèles murins utilisés dans ReproFun permettent une suppression réversible de l'activité ovarienne, de manière contrôlée dans le temps. Ces modèles, obtenus par approches pharmacologiques, se caractérisent soit par la diminution globale de l'activité endocrine ovarienne induite par un antagoniste du GnRHR (modèle 1), soit par le blocage spécifique des voies de l'oestradiol (modèle 2) ou de la testostérone (modèle 3), à la mini-puberté. La plupart de ces modèles ont été établis et caractérisés dans le laboratoire du partenaire 1. Le modèle 1 permet d'étudier le rôle de l'activité endocrine de l'ovaire au moment de la mini-puberté et de préciser les rôles respectifs de l'AMH, de la T et de l'E2 grâce à la supplémentation des souris par chacune de ces hormones. En complément, les modèles 2 et 3 affinent l'analyse de l'action de l'œstradiol et de la testostérone pendant la mini-puberté.
Les méthodes suivantes sont utilisées:
-Détermination du début de la puberté par le suivi quotidien de l'ouverture vaginale, la détection des premiers œstrus et diestrus sur frottis vaginaux quotidiens, et l'analyse morphométrique des ovairespour détecter la 1ère ovulation.
-Évaluation des cycles oestriens par frottis vaginaux quotidiens chez des femelles adultes.
-Test de la capacité reproductive (délai de conception, nombre de portées, taille de la portée) par accouplement continu des femelles avec des mâles WT pendant 12 mois. Ces paramètres sont complétés par l'analyse des ovaires pour évaluer la croissance folliculaire et l'ovulation, et par la mesure des taux sériques de différentes hormones témoignant de la fonction HPO (LH, FSH, E2, progestérone, collaboration Dr F. Giton, IMRB, Créteil).
-Activité de l'hypothalamus, par l'analyse du nombre de neurones immunoréactifs à la GnRH et à la kisspeptine dans l'aire préoptique et RP3V, la densité de fibres dans l'ARC et les appositions de fibres de kisspeptine aux corps cellulaires de la GnRH chez les femmes prépubères et adultes sur des coupes cérébrales (immunofluorescence, microscopie confocale).
-Comportement sexuel: les souris naïves et sexuellement expérimentées sont analysées pour leur préférence olfactive et de partenaire, leur posture de lordose, en présence de mâles sexuellement expérimentés.
-Comportement maternel: les mères sont analysées pour les comportements d'allaitement, liés au nid et autodirigés.
- Circuits neuronaux impliqués dans les comportements sexuels et maternels: analyses par immunohistochimie de l'expression de ER et de ses gènes cibles (récepteurs à la progestérone et à l'ocytocine).
- Régulations génétiques & épigénétiques induites par les hormones ovariennes lors de la mini-puberté: analyses ARN-seq sur noyau unique couplées à l'ATAC seq sur des prélèvements de RP3V et de l'ARC de souris prépubères et adultes, suivies par la recherche de marques d'histones et de méthylation de l'ADN dans les gènes signatures, menées avec succès dans l'équipe du Partenaire 1.

Le partenaire 1 a déjà optimisé 3 des 4 modèles murins, en terme de durée de traitement et de doses de médicaments, afin qu'ils soient adaptés au projet, comme prévu dans la tâche 1. La caractérisation du quatrième modèle (modèle 3, inhibiteur d'aromatase) sera lancé le mois prochain.
Le partenaire 1 a analysé les paramètres de reproduction sur le modèle 1 dans deux souches de souris (Swiss et C57BL/6). Seules les souris C57BL/6 ont été supplémentées ou non en hormones ovariennes au moment de la mini-puberté. Nous avons observé que le traitement par l'antagoniste du GnRHR induit un léger retard de l'apparition de la puberté dans la souche Swiss (P < 0,05), mais pas dans la souche C57BL/6. Notre étude complémentaire par des analyses histologiques d'ovaires (PubScore) pour préciser l'âge des premières ovulations, n'a pas révélé de différences significatives entre les groupes. Nous avons observé une altération de la cyclicité sexuelle chez les souris Swiss traitées (allongement du temps passé en diestrus 2) mais pas chez les souris C57BL/6. Conformément à ces résultats, le partenaire 2 a observé une diminution du nombre de neurones ir-kisspeptine dans l'AVPV au moment de la décharge ovulante chez les souris Swiss. Des analyses sur des souris C57BL/6 sont en cours.
Il n'y a eu aucun changement dans la fertilité au cours des trois premiers mois de vie reproductive dans les deux souches de souris (P>0,05, n=12-20 souris/groupe). Cette étude de la fertilité, initialement prévue pour une durée de 3 mois, a été poursuivie pour mettre en évidence d'éventuels effets à long terme. Il est important de noter que la durée de vie reproductive peut être prolongée chez les souris Swiss traitées, car à 10 mois, 50 % d'entre elles étaient gestantes, contre 16 % des femelles témoins (P < 0,05 ; n = 16-17 souris/groupe). Ces résultats indiquent que la sénescence reproductive, observée à 10 mois chez les femelles témoins, est retardée chez les femelles traitées de souche Swiss. L'étude de la longévité reproductive de la souche C57BL/6 est toujours en cours puisque ces souris n'étaient âgées que de 9 mois au moment de la rédaction de ce rapport. Nos études de différents marqueurs ovariens (sous-unités bêta A et bêta B de l'inhibine, aromatase, AMH) chez des souris Swiss âgées montrent que leur longévité reproductive ne serait pas due à une amélioration de leur fonction ovarienne. Nous avons observé que ces femelles présentaient de faibles concentrations basales de LH, similaires à celles des jeunes femelles adultes (4 mois), tandis que les femelles témoins présentaient des taux de LH significativement plus élevés. Ces résultats suggèrent que la prolongation de la vie reproductive chez les souris traitées par l'antagoniste du GnRHR au moment de la mini-puberté ne résulterait pas d'un retard dans le vieillissement ovarien, mais plutôt d'un retard de vieillissement de l'hypothalamus.

Les données du projet ReproFun font ressortir un résultat tout à fait inattendu: la suppression de l’activité gonadotrope hypophysaire, et donc de l’activité ovarienne globale, spécifiquement au moment de la mini-puberté entraînerait un allongement de la vie reproductive chez la souris femelle.
L’étude des mécanismes en jeu suggère que cette « longévité » reproductive n’est pas due à un ralentissement du vieillissement ovarien, mais plutôt au ralentissement du vieillissement hypothalamique. Le vieillissement «central« est considéré comme étant la cause principale de la sénescence reproductive chez les rongeurs, mais on ne connaît pas les mécanismes qui le déclenchent. Nos analyses ultérieures identifieront la ou les hormones ovariennes impliquées au moment de la mini-puberté, et devraient permettre de mettre en évidence des modifications génétiques et épigénétiques régulées hormonalement au moment de la mini-puberté et ayant un impact sur la durée de vie reproductive.

1 Article de revue dans journal comité de lecture:

Deciphering the roles & regulation of estradiol signaling during female mini-puberty: insights from animal models. Marie M Devillers, Sakina Mhaouty-Kodja, Céline J Guigon. Accepté 4 Nov2022, IJMS

3 colloques/congrès scientifiques:
1. 64ème Journées Internationales d’Endocrinologie clinique Henri-Pierre Klotz, Paris Juin 2022.
2. 22ème Congrès international de neuroendocrinology (ICN), Aout 2022, Glasgow, Ecosse
3. Journées scientifiques de la Société Française de Neuroendocrinologie (, Lyon, septembre 2022

De façon surprenante, l'axe hypothalamo-hypophyse-ovaire s’active fortement pendant une courte période de la vie infantile appelée mini-puberté. Les taux des stéroïdes sexuels et de l'hormone anti-Müllerienne (AMH) produits par l’ovaire sont alors similaires, voire supérieurs, à ceux de l’adulte. Bien que conservée chez les mammifères femelles, le rôle physiologique de cette phase reste méconnu. Notre hypothèse est qu’elle est critique pour la différenciation des circuits neuronaux régulant l'ovulation et le comportement reproducteur. Notre objectif est de rechercher l’effet exercé par ces hormones au cours de la minipuberté, sur des déterminants clés de la fertilité. Nous étudierons leur action sur la fonction de reproduction et le comportement associé ainsi sur les modifications épigénétiques des circuits neuronaux sous-jacents, grâce à de nouveaux modèles murins. Ce projet permettra de mieux comprendre les mécanismes de la reproduction humaine et l’origine de ses dysfonctionnements.

Coordination du projet

CELINE GUIGON (Physiopathologie et pharmacotoxicologie placentaire humaine : Microbiote pré & post natal)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

3PHM Physiopathologie et pharmacotoxicologie placentaire humaine : Microbiote pré & post natal
NPS Neurosciences Paris-Seine

Aide de l'ANR 439 844 euros
Début et durée du projet scientifique : mars 2021 - 36 Mois

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