CE02 - Terre vivante

Evolution d'un système de reconnaissance de parentèle chez les insectes sociaux – EVOKIN

Résumé de soumission

En termes d’évolution, la vie consiste à se reproduire. Pourtant, certains animaux renoncent à leur propre reproduction pour soutenir les efforts de reproduction d’autres individus de la même espèce. Abeilles, fourmis et guêpes (hyménoptères) sont bien connues pour leur mode de vie «eusocial» où une reine contrôle la reproduction de nombreuses ouvrières. Comme Darwin lui-même l’a reconnu, ce sacrifice des ouvrières était un défi majeur pour sa théorie de la sélection naturelle. Cette énigme a trouvé une solution lorsqu’on a réalisé qu’aider un individu apparenté pouvait favoriser son propre succès reproducteur de manière indirecte. Cependant, une telle stratégie est vulnérable à l'exploitation, et nécessite de pouvoir distinguer entre les individus apparentés ou non. Comment l’eusocialité a pu évoluer neuf fois chez les seuls hyménoptères, alors qu’elle est absente chez la plupart des insectes ? On savait que les fourmis (eusociales) possèdent un sous-système olfactif spécialisé dans la reconnaissance de la parenté, permettant de détecter les parasites sociaux. Des structures sensorielles des antennes, les sensilles basiconiques (BaS), détectent les hydrocarbures cuticulaires (CHC), mélange d'indices chimiques révélant la colonie d’appartenance. Les neurones des BaS sont connectés à une région séparée du centre olfactif primaire du cerveau d’insecte et expriment un groupe de gènes de récepteurs olfactifs (OR) avec une structure à 9 exons. Étonnamment, un même ensemble de caractéristiques a récemment été observé chez des Vespidés (frelons), chez lesquels le mode de vie eusocial a évolué indépendamment. Cette découverte suggère que le système BaS peut avoir joué un rôle critique dans l'évolution convergente de l'eusocialité en permettant la reconnaissance de la parenté. Cependant, nous ne savons pas si ce système était présent chez les espèces solitaires ancestrales, s'il était pré-adapté pour permettre la reconnaissance de la parenté, ni comment il aurait pu être affiné pour cette tâche. Répondre à ces questions est essentiel pour comprendre la remarquable diversité des comportements sociaux chez les hyménoptères et expliquer pourquoi l'eusocialité, normalement si rare, a évolué tant de fois dans ce clade.

Le projet EVOKIN propose de résoudre cette question en collectant des données sur des espèces représentant toutes les principales lignées d'hyménoptères, une gamme variée d'organisations sociales et de multiples origines indépendantes de l'eusocialité. En combinant des données neuroanatomiques, chimiques et moléculaires avec des analyses comportementales et neurophysiologiques, nous testerons le lien évolutif existant entre le système BaS et l'eusocialité.
Précisément, nous allons:
Objectif 1: révéler comment l'organisation anatomique du système BaS varie d'un hyménoptère à l'autre. Nous testerons si cette variation est associée à l'organisation sociale et reconstruirons l'histoire évolutive des traits clés à travers la phylogénie, nous permettant de placer les changements comportementaux et neuronaux dans l'ordre chronologique.
Objectif 2: utiliser les répertoires d’OR d’un nombre important d’hyménoptères pour tester si le nombre de gènes d’OR à 9 exons co-évolue avec la complexité du profil cuticulaire de chaque espèce ainsi qu’avec le nombre d'unités anatomiques dans le système BaS.
Objectif 3: Confirmer la fonction du système BaS dans la reconnaissance de la parenté dans les lignées eusociales, et déterminer sa fonction ancestrale chez les espèces solitaires, en effectuant des expériences comportementales (e.g., rencontres dyadiques) et en enregistrant par imagerie optique in vivo l'activité neuronale du système BaS en réponse à des odeurs d’individus apparentés, conspécifiques ou à des odeurs environnementales.
Grâce à un échantillonnage et à l’utilisation d’une gamme d’approches expérimentales sans précédent, le projet EVOKIN découvrira les adaptations neuronales qui soutiennent le comportement social des hyménoptères.

Coordination du projet

Jean-Christophe SANDOZ (Évolution, génomes, comportement et écologie)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LEEC LABORATOIRE D'ÉTHOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET COMPARÉE
EBAB University of Bristol / Animal Behaviour and Sensory Biology, School of Biological Sciences
EGCE Évolution, génomes, comportement et écologie

Aide de l'ANR 528 033 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2020 - 48 Mois

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