hydroxylation indépendante d'O2 et synthèse anaérobie d'ubiquinone – O2-taboo
Les quinones isoprénoides sont essentielles à la physiologie cellulaire en transférant des électrons et protons dans les chaines respiratoires génératrices d’énergie et en fonctionnant dans des processus clés tels que la synthèse de l’hème ou de l’uracile. Escherichia coli et de nombreuses protéobactéries possèdent deux types de quinones isoprénoides : l’ubiquinone (UQ) et la (démethyl)ménaquinone (D)MK. Typiquement, UQ est considérée comme une quinone “aérobique” car elle participe à la respiration aérobique et sa biosynthèse dépend du dioxygène (O2) pour trois réactions d’hydroxylation. Au contraire, (D)MK est considérée comme une quinone “anaérobique”.
Au cours du projet AnaeroUbi financé par l’ANR (2015-2019), notre consortium a découvert qu’E. coli peut synthétiser UQ par une voie indépendante d’O2. Nous avons identifié trois gènes ubiT, ubiU et ubiV qui sont essentiels à la biosynthèse d’UQ en conditions anaérobiques. De plus, nous avons montré que la voie de biosynthèse d’UQ indépendante d’O2 est largement conservée chez les protéobactéries. Ainsi, nos résultats montrent qu’UQ n’est pas seulement une quinone aérobique puisque de nombreuses bactéries sont capables de synthétiser UQ quelle que soit la concentration environnementale en O2. Notre projet pluridisciplinaire O2-taboo est basé sur cette découverte et se structure autour de quatre tâches pour aborder des problématiques importantes :
1) Nous proposons d’évaluer la régulation de la biosynthèse d’UQ indépendante d’O2 et sa contribution à la physiologie bactérienne. Pour cela, nous cultiverons E. coli en laboratoire à différents niveaux d’O2 et aussi au sein d’un hôte naturel dans lequel les concentrations en O2 sont faibles. Nos résultats seront probablement applicables, au moins en partie, à de nombreuses bactéries anaérobies facultatives dont plusieurs sont pathogènes pour l’homme.
2) La nouvelle voie de biosynthèse d’UQ nécessite trois réactions d’hydroxylation indépendantes d’O2. Nous avons obtenus des résultats préliminaires qui suggèrent qu’UbiU et UbiV représentent une nouvelle classe d’hydroxylases indépendantes d’O2. Nous proposons d’élucider leur structure, leur mécanisme catalytique, le rôle de leurs centres Fe-S et d’identifier le donneur d’OH des réactions d’hydroxylation.
3) Dans la cellule, la biosynthèse d’UQ fait intervenir des substrats hydrophobes qui sont modifiés séquentiellement par plusieurs enzymes. Nous avons récemment montré que la biosynthèse d’UQ dépendante d’O2 prend place à l’intérieur d’un complexe multiprotéique dans lequel UbiJ et son domaine SCP2 lie les intermédiaires de biosynthèse hydrophobes. Nos données préliminaires suggèrent que la voie de biosynthèse d’UQ indépendante d’O2 s’organise elle aussi au sein d’un complexe multiprotéique avec la protéine UbiT et son domaine SCP2. Nous proposons de caractériser les composants du complexe et de définir leurs interactions en combinant des approches biochimiques et bioinformatiques.
4) Finalement, nous comptons étudier l’évolution de la voie UQ indépendante d’O2 pour évaluer si elle est apparue avant ou après la voie dépendante d’O2. Nos résultats pourraient remettre en cause la théorie actuelle selon laquelle l’apparition d’UQ sur Terre il y a environ 2,4 milliards d’années a nécessité des habitats riches en O2.
En combinant des approches complémentaires, le projet O2-taboo adresse des questions de premier ordre en physiologie microbienne, en biochimie cellulaire et en biologie évolutive. Globalement, nos résultats permettront des avancées significatives en élucidant (i) la régulation et l’importance physiologique d’une nouvelle voie conservée chez les protéobactéries, (ii) la fonction moléculaire et l’organisation supramoléculaire des protéines UbiT,U,V, (iii) une nouvelle chimie pour des réactions d’hydroxylation indépendantes d’O2, (iv) la distribution et l’évolution des voies de biosynthèse d’UQ chez les protéobactéries.
Coordinateur du projet
Monsieur Fabien Pierrel (TIMC-IMAG)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
TIMC-IMAG TIMC-IMAG
LCPB (Collège de France) Laboratoire de Chimie des Processus Biologiques
IP INSTITUT PASTEUR
Aide de l'ANR 558 081 euros
Début et durée du projet scientifique :
décembre 2019
- 48 Mois