Dynamique interdépendante des systèmes de failles sujets aux séismes – IDEAS
IDEAS
Dynamique interdépendante des systèmes de failles sujets aux séismes
Contexte, positionnement et objectifs de la proposition
Les données géophysiques ont documenté la forte variabilité spatio-temporelle du mode de glissement de faille. D'autres études ont également mis en évidence le fort couplage existant entre le plan principal de glissement et le milieu environnant. Ces observations suggèrent qu'en plus du «cycle sismique«, il existe un «cycle« superposé où les propriétés de la zone de faille évoluent en fonction de la dynamique de glissement, ce qui à son tour influence le mode de déformation. Cependant, les modèles numériques de cycle sismique existants ne prennent pas en compte cette dynamique interdépendante. Je propose d’aborder ce problème en étudiant l’évolution des propriétés thermo-hydro-mécaniques en fonction du glissement et l'impact en retour sur le mode de déformation. En me basant sur mes travaux antérieurs et sur ceux de l’ISTeP, les développements théoriques seront testés en fonction de leur capacité à reproduire les données de terrain.
TÂCHE #1 - Variation des propriétés de friction avec la température
Les modèles existants ne tiennent pas compte des variations que les ruptures passées ont pu occasionner (les paramètres de friction sont définis a priori). Par conséquent, son impact sur le cycle sismique global et sur l'évaluation de l'aléa sismique reste à explorer. En implémentant une nouvelle loi de friction dépendant de la température dans le code BICycle, nous visons à quantifier son effet sur la taille, la magnitude, la fréquence et la propagation de rupture des tremblements de terre et son influence sur la relaxation post-sismique.
TÂCHE #2 - Évolution des propriétés de l'encaissant entre les séismes majeurs
Les changements dans les propriétés de l'encaissant ont non seulement un impact sur la rupture sismique, mais également sur le glissement postsismique. Cependant, ils restent à intégrer dans les modèles numériques de cycle sismique. Sur la base de ces observations, nous proposons d'aborder ce problème en combinant deux stratégies de modélisation. En utilisant le code micromécanique que j'ai développé, nous allons implémenter une loi de cicatrisation des fissures qui dépend de la contrainte différentielle et de la température. Les résultats seront ensuite traduits en termes de loi d'évolution temporelle des modules élastiques en fonction de la profondeur, qui sera intégrée dans BICycle. Cela permettra d'explorer l'effet de premier ordre de l'endommagement sur l'afterslip, les variations temporelles de couplage qui en résultent ainsi que l'impact sur les répliques, puisque la taille de la nucléation ne dépend pas seulement du frottement mais aussi des modules élastiques.
TASK#3 - Variation temporelle de la perméabilité et de la pression des fluides avec endommagement
En utilisant le code micromécanique, en plus de la loi de cicatrisation des fissures (tâche 2), nous relierons la perméabilité à la densité des fissures en implémentant le modèle mécanique de Gueguen & Dienes (1989). Il sera utilisé pour déterminer l'évolution temporelle de la pression interstitielle dans la zone de faille. Cela permettra de calculer l'évolution de la pression du fluide dans le cœur de la faille après un séisme et le rôle qu'elle peut jouer sur le comportement sismique et antisismique.
TASK#4 - Etudes de cas/observation et contraintes sur les modèles
Les modèles seront testés selon leur capacité à reproduire les données géophysiques et à produire des structures observables sur le terrain. Celle-ci s'appuiera sur mes précédents travaux et projets en cours (Taiwan, Philippines) et les nombreuses études de mes collègues sur la région égéenne.
Ce projet vise à déterminer les propriétés physiques et les mécanismes sous-jacents qui contrôlent le comportement des failles, pour la large gamme de taux de glissement enregistrés par les réseaux géophysiques. La voie proposée consiste à adopter une approche pluridisciplinaire pour comprendre les processus en jeu sur la faille et dans l'encaissant lors d'événements sismiques et durant l'intersismique. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire d'avoir une double approche observation/modélisation pour lier l'étude des cas naturels aux modèles basés sur les lois microphysiques. En nous appuyant sur la mobilité thématique que j'ai développée et sur l'expertise reconnue des chercheurs de l'ISTeP en géologie de terrain, nous sommes aujourd'hui en mesure d'aborder cette problématique. Cette étude unique rassemblera les connaissances de la mécanique des fractures, de la géologie structurale, des expériences en laboratoire et de l'analyse géodésique des failles actives au sein d'un même projet. Cela ajoutera à notre compréhension de la physique des tremblements de terre et de la déformation sismique, fournissant ainsi une interprétation mécanique du comportement des faille. En cas de succès, les résultats pourraient avoir un impact sociétal important en améliorant notre capacité à évaluer l'aléa sismique et en définissant de nouvelles orientations de recherche, comme la définition des paramètres pertinents à documenter sur le terrain ou l'utilisation de la géodésie. Ce projet correspond au domaine 7.2 du « Plan d'action ANR 2019 ». Il comblera le vide mis en évidence par la « prospective nationale Terre Solide 2016-2020 » de l'INSU sur les « outils puissants pour modéliser la rupture sismique le long de structures complexes en milieux hétérogènes ».
Par la suite, une extension naturelle de ce projet sera de mettre en œuvre un modèle théorique qui intègre les différents développements mis en évidence ci-dessus dans un modèle qui peut produire plusieurs cycles sismiques. Ce problème est complexe et nécessite des développements numériques pour inclure la dynamique des vitesses de déformation lente et rapide dans un seul modèle micromécanique, tout en gardant un temps de calcul raisonnable. Ce plan à long terme débouchera sur la prochaine génération de modèles de cycle sismique, où les simulations dynamiques seront soigneusement calibrées en faisant des allers-retours entre la modélisation physique et les observations sur les failles naturelles. De tels modèles physiques permettront une nouvelle évaluation de l'aléa sismique, bien au-delà du recours aux statistiques des tremblements de terre passés, et seront utilisés pour relier les études de terrain, à la géodésie et la sismologie. En explorant indépendamment l'effet des différents facteurs physiques sur les diverses phases du cycle sismique, ce projet apporte progressivement de nouvelles complexités et constitue donc une étape essentielle pour un tel plan à long terme.
L. Jeandet Ribes, M. Y. Thomas, and H. S. Bhat (in revision). Initial stress state for 2D Plane Strain simulation of a strike-slip fault.
J. Jara, L. Bruhat, M. Y. Thomas, S. Antoine, K. Okubo, E. Rougier, A. J. Rosakis, C. G. Sammis, Y. Klinger, R. Jolivet, H. S. Bhat, 2021. Signature of transition to supershear rupture speed in the coseismic off-fault damage zone. Proceedings of the Royal Society A..477:20210364. 20210364. doi: 10.1098/rspa.2021.0364
S. A. M. den Hartog, M. Y. Thomas, and D. R. Faulkner, 2021. How do Laboratory Friction Parameters Compare With Observed Fault Slip and Geodetically Derived Friction Parameters? Insights From the Longitudinal Valley Fault, Taiwan, Journal of Geophysical Research: Solid Earth, v. 126, e2021JB022390. doi: 10.1029/2021JB022390
A. Canitano, M. Godano, and M. Y. Thomas, 2021. Inherited state of stress as a key factor controlling slip and slip mode: inference from the study of a slow slip event in the Longitudinal Valley, Taiwan, Geophysical Research Letters, v. 48. doi: 10.1029/2020GL090278
J. D. B., Dianala, R. Jolivet, M. Y. Thomas, Y. Fukushima, B. Parsons, and R. Walker, 2020. The relationship between seismic and aseismic slip on the Philippine Fault on Leyte Island: Bayesian modeling of fault slip and geothermal subsidence, Journal of Geophysical Research: Solid Earth, v. 125, p2169-9313. doi: 10.1029/2020JB020052
Une zone de faille active est un objet aux propriétés et au comportement complexes, en perpétuelle évolution face aux contraintes mécaniques externes. Dans la partie cassante de la croûte, on observe du glissement sur le plan de faille principal en réponse à ces forçages. Les outils géodésiques et sismologiques ont permis de documenter la variabilité des vitesses de déformation qui couvrent un continuum allant du mm/an au m/s. Ces conditions peuvent par ailleurs changer au cours du temps. Les études de terrain (observations directes et géophysiques), ainsi que les expériences en laboratoire, ont également montré l'existence d'un fort couplage entre l'histoire des déplacements sur le plan de faille principal et l'évolution des propriétés physiques du milieu environnant. Ces observations suggèrent que la dynamique de glissement et l'évolution de l'organisation (au sens thermo-mécanique) du milieu qui l'entoure exercent l'un sur l'autre une forme de rétrocontrôle. Dans le cadre d'une amélioration de l'aléa sismique, ces deux objets doivent donc être étudiés comme un système unique d'accommodation des contraintes et non plus comme deux entités distinctes. Il reste cependant beaucoup à apprendre sur les facteurs et la physique des processus qui contrôlent le comportement des zones de failles, et comment ils varient dans le temps et dans l'espace. Ceci limite considérablement notre capacité à évaluer la taille, la magnitude et la récurrence des séismes.
Pour résoudre ce problème, les modèles numériques actuels qui reproduisent le cycle sismique ne peuvent pas être utilisés. La vision usuelle cantonne la déformation dans la partie cassante de la croûte à un glissement le long d'une interface (plan de faille), chargée par le fluage en profondeur, et dont le comportement est contrôlé par les propriétés de l'interface uniquement. De plus, en attribuant des propriétés constantes (pression, température, pétrologie, microstructure) qui n'évoluent pas avec la déformation, ces modèles ignorent l'impact des variations temporelles des propriétés physiques du volume et de l'interface sur le comportement sismique/asismique des failles. Ce constat appel au développement d’une nouvelle génération de modèles qui prend en compte ces deux dynamiques imbriquées.
Avec l’aide du programme de financement ANR, nous proposons d'étudier l'évolution des propriétés mécaniques, thermiques et hydrauliques du milieu en fonction du glissement sur le plan de faille principal et leur impact en retour sur le mode de déformation. Afin de déterminer l'effet au premier ordre de ces différents facteurs sur le cycle sismique, l'effet de la température, de la pression de pore, et des variations des propriétés élastiques seront étudiés séparément dans un premier temps. Pour valider les développements numériques, les résultats seront confrontés à des exemples de terrain, pour lesquels on connait à la fois l'histoire de glissement et les propriétés constitutives qui caractérisent cette faille et le milieu environnant. Pour cette partie du projet, nous nous appuierons sur les projets en cours et les nombreux travaux déjà publiés par les membres de l’équipe (Taiwan, Philippines, région égéenne). Les modèles permettront également de déterminer les observables pertinentes à documenter sur le terrain, appliquant ainsi une vrai démarche aller-retour terrain/modèles. Cet effort concerté permettra de réunir des connaissances issues de la mécanique, de la géologie structurale, des expériences de laboratoire et de l'analyse géodésique des failles actives au sein d’un unique projet. Cela contribuera à notre compréhension des processus sismiques et asismiques, fournissant une interprétation physique et mécanique du comportement des failles, qui aujourd’hui fait défaut.
Coordination du projet
Marion Thomas (Institut des sciences de la Terre Paris)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
ISTEP Institut des sciences de la Terre Paris
Aide de l'ANR 291 600 euros
Début et durée du projet scientifique :
December 2019
- 36 Mois