CE30 - Physique de la matière condensée et de la matière diluée

Ion hydrogène moléculaire et constantes fondamentales – HYMPE

Tester le modèle standard de la physique avec des ions hydrogène moléculaires

Les ions hydrogène moléculaires H2+ ou HD+ sont des systèmes quantiques suffisamment simples pour permettre des comparaisons entre théorie et expérience à un extraordinaire niveau de précision. Cela rend possible une meilleure détermination de certaines constantes fondamentales, mais aussi la recherche d’effets nouveaux au-delà du modèle standard de la physique des particules.

Mesurer et calculer la fréquence de vibration de H2+ avec 12 chiffres significatifs

Le spectre de l’ion H2+, bien qu’étant l’espèce moléculaire la plus simple, constituée de deux protons et d’un unique électron, a été jusqu’ici très peu étudié expérimentalement. L’enjeu du projet HYMPE est d’exploiter le fort potentiel de ce système pour la métrologie fondamentale. L’objectif est, d’une part, de réaliser une expérience de spectroscopie vibrationnelle à haute résolution sur des ions H2+ piégés et refroidis à très basse température via l’interaction coulombienne avec des ions atomiques refroidis par laser ; et d’autre part, d’améliorer la précision théorique sur les niveaux d’énergie de H2+ en affinant le calcul des corrections due à l’interaction avec le champ électromagnétique du vide (effets d’électrodynamique quantique). Le niveau de précision visé, de l’ordre de 10-12, permettra d’améliorer significativement la détermination du rapport des masses du proton et de l’électron mp/me. Au-delà, la comparaison avec les valeurs obtenues par d’autres méthodes fournira un test très précis du modèle standard.

Un dispositif expérimental permettant de produire, piéger et refroidir des ions H2+, ainsi qu’une source laser ultrastable dans l’infrarouge moyen (laser à cascade quantique) pour sonder la transition vibrationnelle fondamentale de H2+, sont opérationnels. Le projet HYMPE vise à développer le dernier élément manquant : un banc de mesure de fréquences absolues dans la gamme de l’infrarouge moyen, utilisant la technologie des peignes de fréquences optiques basés sur des lasers femtosecondes. Le peigne sera comparé à la référence de fréquence absolue fournie par le réseau REFIMEVE+ (Réseau Européen Fibré à Vocation Européenne). Sur le plan théorique, l’objectif consiste à repousser les limites actuelles des calculs de corrections d’électrodynamique quantique en adoptant une nouvelle approche. Celle-ci consiste à intégrer dès le départ les effets relativistes en résolvant l’équation de Dirac pour l’électron lié de H2+. Jusqu’ici, les effets relativistes ont été inclus dans la cadre d’un développement perturbatif, prenant l’équation de Schrödinger comme point de départ (approche dite de l’électrodynamique quantique non relativiste).

Ce projet crée une synergie naturelle avec les équipes travaillant sur la spectroscopie à haute résolution de HD+ pour des objectifs similaires. En collaboration avec le groupe de J. Koelemeij et W. Ubachs (Amsterdam VU), nous avons réalisé en 2020 une détermination très précise du rapport de masses du proton et de l’électron par spectroscopie de HD+, en combinant les résultats expérimentaux néerlandais et les calculs de notre groupe (S. Patra et al., Science 369, 1238-41 (2020)).
Une nouvelle piste de recherche prometteuse renforçant encore l’intérêt de la spectroscopie de H2+ a été récemment proposée par E. Myers (université de Tallahassee, Floride). Il s’agit de comparer des résultats de mesures spectroscopiques sur H2+ et sur son équivalent d’antimatière H2- pour tester avec une précision inégalée la symétrie entre matière et antimatière. Une collaboration avec E. Myers a démarré pour étudier théoriquement la faisabilité de l’expérience.

Le test très précis du modèle standard que nous souhaitons réaliser aura un impact fort pour la physique fondamentale - bien au-delà de la communauté de physique atomique et moléculaire, en particulier s’il met en évidence une déviation entre résultats expérimentaux et prédictions théoriques. Le projet HYMPE posera également les premiers jalons pour des expériences à ultra-haute résolution grâce à la spectroscopie par logique quantique. Celles-ci permettront de réaliser un autre test fondamental : celui d’une éventuelle variation temporelle du rapport mp/me, prévue par certaines extensions du modèle standard. Enfin, les avancées des calculs des corrections d’électrodynamique quantique pourront être étendues à d’autres systèmes moléculaires simples sur lesquels des projets de spectroscopie à haute résolution sont en cours.

La finalisation du montage expérimental (hors mesure de fréquence) a été marquée par une publication démontrant le piégeage et le refroidissement d’ions H2+ produits dans un état ro-vibrationnel sélectionné : J. Schmidt et al., Phys. Rev. Appl. 14, 024053 (2020).
Du point de vue théorique, le calcul des fréquences de transition a été réexaminé et mis à jour en tenant compte des derniers progrès théoriques sur les corrections de QED et des valeurs les plus récentes des constantes fondamentales : V.I. Korobov et J.-Ph. Karr, Phys. Rev. A 104, 032806 (2021). La description de la structure hyperfine a également été améliorée : J.-Ph. Karr et. al., Phys. Rev. A 102, 052827 (2020) et pourra être testée avec une grande précision dans le cadre du projet HYMPE.

Les ions moléculaires hydrogène (IMH) H2+ ou HD+ sont des systèmes quantiques simples calculables à un très haut degré de précision, dont le spectre présente de nombreuses raies étroites pouvant être sondées avec une haute résolution. Le projet HYMPE a pour objectif d’exploiter ce fort potentiel métrologique pour améliorer la détermination de constantes physiques fondamentales, en poussant à leurs limites les techniques expérimentales et théoriques. Les principaux résultats attendus sont une détermination du rapport des masses de l’électron et du proton me/mp à un niveau de précision de 6 ppt - soit un progrès de près d’un ordre de grandeur - et une détermination indépendante de la constante de Rydberg et du rayon de charge du proton, permettant de contribuer à résoudre l’actuelle « énigme du rayon du proton ».
Le projet repose sur la mesure de transitions à deux photons sans effet Doppler dans le moyen infrarouge (MIR), entre les niveaux vibrationnels v=0 et v=1 de H2+. L’expérience est réalisée sur des ions H2+ sélectionnés en état interne, piégés et refroidis sympathiquement par des ions Be+ refroidis pas laser. La détection des transitions utilise la technique REMPD (Resonance-Enhanced Multi Photon Dissociation). L’objectif est d’observer et mesurer les fréquences de transition avec 12 chiffres significatifs.
Pour cela, le dernier investissement nécessaire à l’achèvement d’un montage expérimental complexe est la mise en place d’un peigne de fréquence entre 1500 et 1900 nm stabilisé sur les références (à 100 MHz pour commencer, puis à 1542 nm) délivrées par fibre optique par le laboratoire SYRTE. Ce peigne, associé à des techniques de conversion non-linéaire de fréquence, permettra de mesurer la fréquence du laser MIR avec une exactitude de 12 à 13 chiffres (tâche 1).
La tâche 2 consiste tout d’abord à mettre en œuvre l’ensemble de l’expérience: création sélective des ions H2+ dans l’état ro-vibrationnel souhaité (v=0,L=0 ou 2), excitation à deux photons et dissociation, et mesure du nombre d’ions H2+, pour observer les transitions. Cela sera suivi d’une phase de prise de données au cours de laquelle l’influence de paramètres clés tels que la puissance du laser MIR, les conditions de piégeage, l’alignement des faisceaux, sera étudiée. Seule une compréhension fine de la forme des raies et des effets systématiques (déplacements lumineux, effet Zeeman…), en lien avec la modélisation théorique, permettra d’interpréter les résultats et d’en extraire en fin de projet une détermination de me/mp. L’une des forces du projet est l’interaction étroite et quotidienne entre théoriciens et expérimentateurs du groupe.
Grâce à la résolution très précise de l’équation de Schrödinger à trois corps, et au calcul de corrections de QED jusqu’à un ordre élevé dans le cadre de l’approche NRQED (Non Relativistic Quantum Electrodynamics), les fréquences de transition ro-vibrationnelles des IMH sont actuellement prédites avec une incertitude théorique de 7.6 ppt. Celle-ci représenterait malgré tout un facteur limitant pour la détermination de me/mp. L’objectif de la tâche 3 est de repousser cette limite à 3 ppt en améliorant le calcul de la correction de self-énergie à une boucle radiative. Une approche novatrice est proposée, qui consiste à effectuer un calcul non perturbatif sur la base d’une résolution numérique précise de l’équation de Dirac pour l’électron lié dans un potentiel à deux centres.
Une perspective à plus long terme du projet est d’étendre les techniques de spectroscopie par logique quantique (QLS) à l’ion moléculaire H2+ pour atteindre des résolutions allant jusqu’à 17 chiffres et ainsi améliorer les contraintes actuelles sur la dérive temporelle de me/mp. La tache 4 vise à démontrer une étape clé vers l’application du protocole de QLS ; à savoir le refroidissement des degrés de liberté externes d’une paire d’ions Be+/H2+ jusqu’à l’état quantique fondamental par la technique du refroidissement par bandes latérales Raman.

Coordination du projet

Laurent Hilico (Laboratoire Kastler Brossel)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LKB Laboratoire Kastler Brossel

Aide de l'ANR 344 860 euros
Début et durée du projet scientifique : février 2020 - 42 Mois

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