Le projet DePhi vise à explorer et à révéler la chimie des ions phosphiranium de façon très approfondie avec l'objectif de faire reconnaître et adopter par la communauté scientifique ces synthons très attrayants et fascinants mais jusqu'alors ignorés,
Les enjeux principaux sont de mettre au point des méthodes de synthèse de phosphiranes et de phosphiraniums faciles à mettre en oeuvre, fiables, efficaces et générales, puis de réussir à maitriser des réactions d'ouvertures C-centrées de phosphiraniums par la plus large gamme possible de nucléophiles, de manière rationalisée et prédictive.
La méthode adoptée pour mener à bien cette étude exploratoire est d'adosser de façon concertée des investigations approfondies de chimie physique organique avec le développement d'une variété de transformations synthétiques inédites, couvrant la mise au point de méthodes d’accès fiables aux phosphiranes et phosphiraniums, et le développement des réactions d’ouverture C-centrées ambitieuses des phosphiraniums, en situations catalytiques polaires ou photorédox. Les études physicochimiques visent principalement à déterminer les paramètres de nucléophilie des phosphiranes et d'électrophilie des atomes de P et de C des phosphiraniums, et à étudier le comportement rédox sous conditions photocatalytiques des phosphiranes et phosphiraniums. L'étude des réactions d'ouverture s'appuie, en adéquation avec les données des études physico-chimiques, sur la préparation exhaustive d’une variété d’ions phosphiraniums et par un screening méthodique de divers blocs de nucléophiles répondants à des critères prédéfinis, et ce au travers de l’évaluation de divers paramètres et conditions conçues de manière rationnelle pour faciliter le processus d’ouverture.
1-L’identification de nouveaux partenaires réactionnels capables d’ouvrir les sels de phosphiranium avec une sélectivité C-centrée est au cœur du projet DephI. Dans cette optique, nous avons pu démontrer à partir de quelques phosphiraniums modèles que des processus d’ouvertures s’effectuant avec de bonnes à excellentes C-sélectivités étaient possibles par d’autres nucléophiles azotés que les dérivés d’aniline, notamment les dérivés d’hydroxylamines O-protégés.
2-L’approche d’accès aux phosphiraniums retenue et utilisée à ce jour nécessite une synthèse puis une quaternarisation de phosphiranes, qui sont obtenus au départ d’une phosphine primaire. La diversification des phosphiranium apportée par modulation de la phosphine primaire s’est rapidement avérée limitée ; à l’inverse, une stratégie complémentaire basée sur une diversification par la quaternarisation s’est avérée fructueuse et nous a permis d’accéder rapidement, au départ de la mésityl phosphine, à un ensemble relativement exhaustif de sels de phosphiranium de structures variées et présentant un spectre de réactivité étendu que nous avons pu commencer à cartographier. L’un des faits marquants est l’identification d’une catégorie d’agents de quaternarisation provoquant une réactivité exacerbée des phosphiraniums correspondants vis-à-vis des nucléophiles d’intérêt.
3-Durant cette étude, nous avons également développé des séquences monotopes triflation/quaternarisation et ouverture in situ, qui permettent d’accéder très rapidement et de façon avantageuse aux phosphines beta-fonctionnalisées, mais surtout de surmonter de fortes limites rencontrées à divers stades des approches classiques étapes par étapes.
• Etudes synthétiques :
- Approfondissement de la stratégie basée sur des séquences quaternarisation / ouverture «de seconde génération«
- Intensification concomitante de l’exploration de la gamme des partenaires nucléophiles
- Evaluation de partenaires dipolaires pour le développement de séquences cascades de quaternarisation/ouverture
• Etudes physicochimiques des phosphiranes et phosphiraniums modèles :
-Spectroscopie UV/Visible, fluorescence et photolyse par impulsion laser (prise en main de l’appareil et études préliminaires)
-Evaluation de la nucléophilie des phosphiranes par réaction polaire avec des espèces électrophiles de type iminium a,ß-insaturés
-Etude de la réactivité des phosphiranes par catalyse photorédox
Rien à signaler à ce jour
La chimie du phosphore occupe une place centrale en chimie organique moderne mais des défis subsistent. Le projet DePhi s’attaque à l’un d’entre eux en ciblant une classe ignorée de composés phosphorés dotés d’un potentiel synthétique indéniable pour l’introduction rapide de motifs phosphino éthylène : les phosphiranes et sels de phosphiraniums. Contrairement à leurs analogues aziridiniums, qui sont des intermédiaires synthétiques de stabilité raisonnable et qui subissent toujours des ouvertures nucléophiles sélectives sur les carbones du cycle, les ions phosphiranium, dans les rares publications relatant leur formation, se sont avérés être plus instables et enclins aux attaques nucléophiles P-sélectives. Le projet DePhi vise donc à explorer et révéler la chimie des ions phosphiranium de façon complète, en associant des investigations approfondies de chimie physique organique au développement d'une variété de transformations synthétiques inédites, couvrant la mise au point de méthodes d’accès fiables aux phosphiraniums et le développement de leurs réactions d’ouverture C-centrées ambitieuses, en situations catalytiques polaires ou photorédox. Nous espérons ainsi inverser la tendance pour faire des ions phosphiraniums une cible beaucoup plus prisée tant pour le monde universitaire que pour l'industrie.
Dans une phase préliminaire nous planifions de préparer une gamme étendue d’ions phosphiranium qui seront utilisés dans des études physicochimiques et mécanistiques approfondies. De cette approche expérimentale/mécanistique duelle devrait émerger de nouvelles combinaisons de phosphiraniums et de nucléophiles, attendus pour bien fonctionner dans l'ouverture de cycle d'intérêt, qui seront testées.
La phase suivante du projet abordera plusieurs stratégies complémentaires pour diversifier les possibilités d'ouvertures des phosphiraniums, avec les trois objectifs principaux suivants: résoudre la question de la régiosélectivité (attaque C-centrée -vs P-centrée) de certains nucléophiles réactifs, permettre les réactions de nucléophiles plus faibles affichant normalement une faible réactivité, et enfin proposer des processus d'annélation novateurs. Les réactions d'ouvertures de cycle intermoléculaires devant être examinées mettront essentiellement en scène la vectorisation de nucléophiles par des organocatalyseurs ou des groupements directeurs judicieusement choisis selon la nature du nucléophile. Pour les réactions d’annélation, nous proposons une diversité de séquences comprenant la quaternarisation des phosphiranes par une sélection de partenaires dipolaires 1,n, suivie de l'ouverture de cycle intramoléculaire des phosphiraniums générés in situ, par le fragment nucléophile des dipôles.
Dans une prochaine phase nous aborderons le potentiel des phosphiranes et des phosphiraniums en catalyse photorédox. En premier lieu et dans un souci de complémentarité avec nos approches polaires habituelles, nous proposons la synthèse originale d'ions phosphiranium par quaternarisation arylante et alkylante de phosphiranes en conditions de catalyse photorédox. Ensuite, considérant que les phosphiraniums possèdent des arguments pour participer dans des fragmentations radicalaires, nous explorerons une variété de séquences radicalaires/polaires croisées d’ouverture de cycle /annélation avec des partenaires insaturés. De façon intéressante, ces processus photorédox devraient fournir un nouvel accès catalytique à divers cycles phosphorés d'une façon complémentaire aux méthodes polaires considérées précédemment. Une tâche finale aura pour ultime objectif d’illustrer le potentiel synthétique et applicatif de la chimie des ions phosphiranium développée tout au long du projet DePhI.
Monsieur Vincent DALLA (UNITE DE RECHERCHE EN CHIMIE ORGANIQUE ET MACROMOLECULAIRE - EA 3221)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
URCOM UNITE DE RECHERCHE EN CHIMIE ORGANIQUE ET MACROMOLECULAIRE - EA 3221
LHFA LABORATOIRE HETEROCHIMIE FONDAMENTALE ET APPLIQUEE
Aide de l'ANR 349 729 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2019
- 48 Mois