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Batteries à flux redox pour le stockage durable des énergies intermitentes – Energy-4S

Les batteries redox flow pour le stockage durable des énergies renouvelables

La transition énergétique soutenue par les énergies renouvelables réussira grâce à l’émergence de solutions de stockage. Dans ce contexte les batteries redox en flux peuvent jouer un rôle important. L’un de leur avantage est que la matière active constituée de molécules organiques redox est dissoute dans une solution électrolytique. En fonction du volume des réservoirs cette technologie devient pertinente pour atteindre une capacité électrique allant du kilowatt heure au Mégawatt heure.

Solubilisation de molécules organiques redox

Les batteries redox à flux développées par la start-up Kemiwatt ne contiennent aucun métal noble ou toxique. Seul les cations métalliques issus du fer sont présents dans les solutions électrolytiques pour le fonctionnement de la batterie. Cette technologie impacte très peu les ressources minières ce qui leur confère une place de choix dans le soutien aux énergies renouvelables. Le fonctionnement des batteries redox à flux repose sur une particularité essentiel qui est le découplage entre la puissance et la capacité électrique. La puissance est fonction de la nature des couples redox et la capacité électrique est liée à leur concentration et au volume du réservoir dans lequel les molécules redox sont dissoutes. Compte tenu de ce fait, pour se positionner sur le marché du stockage de l’énergie les batteries redox doivent atteindre une valeur minimale en énergie de l’ordre de 10 Wh.L-1. Cet ordre de grandeur est obtenu pour un échange d’une mole d’électron par litre de solution. Or, les molécules redox étudiées appartiennent à la famille des anthraquinones qui échangent chacune deux électrons. En conclusion, l’objectif est d’atteindre une solubilité en anthraquinone de 0,5 mol.L-1. En règle générale la solubilité des molécules organiques est difficile et plus particulièrement dans les solutions très chargées en ions dont la finalité est d’assurer une excellente conductivité ionique. Pour augmenter la solubilité la principale stratégie est de modifier chimiquement une anthraquinone commercialement accessible en lui ajoutant une ou plusieurs fonctions solubilisantes (-COOH, -OH, -SO3H ) facilement ionisable dans un milieu basique. Mais cette stratégie s’avère couteuse et altère souvent le comportement électrochimique de la molécule. La stratégie proposée dans ce projet consiste à étudier la solubilité d’une anthraquinone peu soluble en tenant compte de son environnement ionique d’un par et d’autre par en ajoutant un adjuvant solubilisant pour la molécule.

Les anthraquinones étudiées dans le projet Energy_4S portent une variété de fonctions acides (carboxylique, sulfonique, phénolique). En fonction de la valeur du pH le degré d’ionisation des anthraquinones varient et modifient plus ou moins favorablement la solubilité de la molécule. Pour évaluer le comportement de chaque anthraquinone dans une solution aqueuse un modèle prédictif sera développé pour modéliser les diagrammes potentiel vs pH (diagramme de Pourbaix) de chaque molécule. La précision des prédictions sera affinée en s’appuyant sur des résultats expérimentaux issus de la littérature ou bien obtenus dans le cadre de cette ANR (analyse électrochimique, mesure expérimentale de pKa accessible). En s’appuyant sur ces modèles deux stratégies de solubilisation sont envisagées. La première consiste à étudier l’influence de la nature des cations environnants l’anthraquinone. La solubilité d’une espèce ionisée anionique tel qu’une anthraquinone est liée aux forces coulombiennes entre les charges (anions/cations), lesquelles s’affaiblissent avec l’utilisation de cations volumineux (faible densité de charge). En tenant compte de ce fait théorique l’utilisation de cations alcalin volumineux (exemple du césium en approche académique) ou l’utilisation de cations de type ammonium secondaire tertiaire ou quaternaire devrait augmenter la solubilité des anthraquinones dans les milieux ionisant (basique). La deuxième stratégie consiste à utiliser des adjuvants très soluble capable d’interagir spécifiquement avec l’anthraquinone. En s’appuyant sur une approche fine par modélisation (COSMO-RS) et les données issues de la littérature l’objectif sera de définir la structure moléculaire la plus compatible avec les anthraquinones.

Le projet Energy_4S a débuté avec l’établissement d’un modèle prédictif des diagrammes potentiel vs pH. Ce modèle c’est bâti par comparaison avec des valeurs connues de constantes d’acidité (Ka) et de potentiels standards (E°). A l’issu de ce travail le modèle proposé prédit avec une excellente précision le potentiel standard et les pKa appartenant à une anthraquinone non référencée.
A la mi parcours du projet un travail conséquent a mis en évidence les interactions entre l’anthraquinone et les cations l’environnant. Dans un milieu basique, le plus propice pour être utilisé en mode batterie, les anthraquinones portent plusieurs charges négatives. Les interactions anthraquinones/cations engagent des forces coulombiennes qui selon la nature des cations entraînent la formation de paires d’ions et limite la solubilisation. Pour affaiblir ces interactions l’idée est d’utiliser des cations volumineux de façon à diminuer leur densité de charge. Cette démarche est efficace. Par exemple, la 1,2-dihydroxy-anthraquinone, dont la solubilité est de l’ordre de 0,1 mol.L-1 dans un environnement en K+, atteint une solubilité de 1 mol.L-1 dans un environnement en tri ou tétraméthylammonium. Parallèlement à ce travail des études expérimentales ont montrés une dépendance de la mobilité des ions ammoniums avec la structure de la membrane cationique (Nafion, Fumatech). Suite à ces résultats les tests laboratoires de ces solutions concentrées en mode batteries ont débutés.
Une seconde stratégie de solubilisation porté par des travaux de modélisation (COSMO-RS) met en avant l’utilisation d’adjuvant soluble capable d’interagir avec les anthraquinones. Les premiers résultats orientent le choix vers des adjuvants polarisés provoqué par la présence d’un groupement hydrophobe situé sur la structure moléculaire à l’opposé d’un groupement hydrophile. Les expérimentations concernant cette famille d’adjuvant seront évaluées au cours des dix huit mois restant.

Deux stratégies de solubilisation sont développées dans le projet.
La première stratégie utilise des cations volumineux pour exacerber la solubilité des anthraquinones. Deux voies sont préférentiellement explorées. La première voie (à finaliser) consiste à utiliser des ammoniums quaternaires issu d’une base forte (ex : tétramethyl hydroxyde). Le pH de la solution électrolytique sera bloqué naturellement à une valeur de l’ordre de 13 à 14 selon la quantité en base forte ajoutée. La deuxième voie (à développer) consistera à utiliser des ammoniums secondaires ou tertiaires et de les utiliser dans un second rôle comme tampon. Par exemple un mélange R-NH3+/R-NH2 tamponnera la solution vers des pH de 9 à 10 selon la nature du groupement R (methyl, ethyl..). Ce mélange permettra d’exacerber la solubilité de l’anthraquinone tout en imposant un environnement moins basique. Concernant ces deux voies une attention particulière sera faite sur l’évolution de la solubilité lorsque des cations exacerbant (ammonium, Cs+ ..) sont mélangé avec des cations alcalins classique, non exacerbant (K+, Na+ et Li+).
La deuxième stratégie basée sur l’utilisation d’adjuvants a débute en montrant quelques résultats positifs. Une première approche consistera à modéliser le mode de fonctionnement des adjuvants. La solubilisation peut-être obtenue grâce à une interaction adjuvant/anthraquinone qui peut-être réalisée par du pi-stacking ou des liaisons hydrogène ou des interactions entre charge positive et négative. Une seconde voie consistera à étudier la formation d’oligomère correspondant à l’assemblage d’unité « adjuvant ». Idéalement cette voie aboutirait à la formation d’une couronne autour de l’anthraquinone. Ces deux voies sont portées par un travail de modélisation (COSMO-RS) et s’appuie également sur des données expérimentale de solubilisation de molécules organique / solvant organique.

Les résultats concernant l’augmentation de la solubilisation des anthraquinones en fonction de la nature des cations les environnants se sont avérés très positifs. Une méthodologie efficace a été développée pour appliquer ces résultats aux batteries redox en flux. L’ensemble de ce travail mettant en commun les trois parties (ISCR/UCCS/Kemiwatt) a fait l’objet d’une première déclaration d’invention destinée à être brevetée.
La proposition d’un brevet bloque la communication des résultats concernant les méthodes de solubilisation des anthraquinones. Néanmoins concernant le travail de modélisation les communications suivantes ont pu être réalisées :
1. JTMS 2020 : Journées « Théorie, modification et Simulation », T.Gaudin (poster)
2. Current Trends in Electrochemistry, Paris, T.Gaudin (2 posters)
3. Atelier redox flow, T. Gaudin (communication orale / visio)

En 2018, l’investissement dédié aux capacités électriques pour les énergies renouvelables a dépassé celui des énergies fossiles pour la 9ème année consécutive. Cette augmentation de la capacité de production d’énergie renouvelable conduit naturellement à la question du stockage de l’énergie. Le projet Energy-4S (Safety, Sustainability, Solubility, Storage) concerne le stockage durable de l'énergie intermittente en batteries redox à flux comprenant des électrolytes organiques aqueux. Dans ce domaine de recherche très actif, le projet combine plusieurs aspects originaux à la fois fondamentaux et appliqués pour développer ces batteries particulièrement prometteuses. La stratégie est basée sur le choix judicieux d'hydrotropes et d'électrolytes de manière à augmenter notablement la solubilité dans l'eau de quinones, très peu solubles mais très électro-réversibles, tout en diminuant le pH, en augmentant la durabilité des systèmes et en minimisant les coûts des composés. Energy-4S Acronyme du projet : ENERGY-4S est un projet innovant, qui implique deux équipes très complémentaires, l'une spécialisée en électrochimie (ISCR - MaCSE - Université de Rennes), l'autre en physico-chimie des systèmes dispersés (UCCS - CISCO - Université de Lille) ainsi que la société KEMIWATT (Start-up française) qui réalisera les tests à plus grande échelle afin de valider la viabilité industrielle des nouveaux systèmes développés dans le cadre du projet Energy-4S. Ainsi, ce projet permettra à des scientifiques de domaines différents de travailler ensemble pour résoudre un problème sociétal important pour le stockage de l’énergie.

Coordination du projet

DIDIER FLONER (INSTITUT DES SCIENCES CHIMIQUES DE RENNES)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

KEMIWATT
ISCR INSTITUT DES SCIENCES CHIMIQUES DE RENNES
UCCS Unité de Catalyse et de Chimie du Solide

Aide de l'ANR 549 439 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2020 - 36 Mois

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