CE04 - Innovations scientifiques et technologiques pour accompagner la transition écologique

Imagerie RMN hors du laboratoire : vers de nouveaux horizons pour les agro-écosystèmes – OutLabMRI

L’IRM in situ pour mieux caractériser le stockage du carbone par les agroécosystèmes

Pour mieux comprendre la séquestration du carbone par les agroécosystèmes terrestres, il est indispensable de mesurer localement les quantités d’eau et les flux de sèves montant (xylème) et descendant (phloème). Pour cela, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est un outil de choix si elle est portable. Ce projet a pour but de développer un tel capteur pour réaliser des mesures non-invasives, localisées et applicables directement sur les plantes dans leur environnement naturel (in situ).

Comment mesurer de manière non-invasive et localisée les quantités et flux d’eau in situ dans les plantes ?

Les écosystèmes prairiaux et forestiers sont les deux principaux écosystèmes terrestres permettant de limiter le réchauffement climatique grâce à leur forte capacité à séquestrer le carbone. Les flux de sèves ascendant et descendant jouent un rôle primordial respectivement en amenant l’eau nécessaire pour réaliser la photosynthèse, puis en transportant les produits carbonés vers les puits de carbone que sont par exemple le bois, les racines ou le sol. En raison du changement climatique, une meilleure compréhension des mécanismes de transport est indispensable. Malheureusement aucun capteur permettant d’étudier ces mécanismes directement sur la plante et in situ n’existe actuellement.<br />Pour mesurer des flux d’eau de manière non invasive et localisée, l’IRM à haut champ magnétique est la méthode analytique de référence. Cependant, un tel instrument ne peut être déplacé et seules des mesures de laboratoire peuvent être réalisées. Ces dernières années, des capteurs IRM portables ont été développés. Pour rendre portable l’instrument, le champ magnétique de l’appareil (et donc sa sensibilité) a été fortement diminué. Grâce à une astuce de conception, le signal peut être enregistré localement, c’est à dire dans une coupe de quelques dizaines de micromètres d’épaisseur. Le déplacement précis de l’aimant permet alors de choisir la profondeur de mesure. <br />L’objectif de ce projet est de s’appuyer sur cette technologie pour développer un capteur IRM permettant de mesurer la quantité et les flux d’eau sur des plantes directement dans leur agroécosystème. La sensibilité de ce nouveau capteur sera évaluée dans différentes conditions environnementales, notamment le stress hydrique, sur différentes plantes et différents organes (tiges, racines).

Le capteur IRM proposé présente une grande versatilité qui sera démontrée par la mise en œuvre d’études sur les deux principaux agroécosystèmes terrestres ; les forêts et les prairies. Nous nous intéresserons aux parties aériennes sur les arbres, tandis que les systèmes racinaires seront étudiés sur un modèle de prairie dans des rhizotrons, c’est-à-dire en milieu modèle.
Dans un premier temps, les résultats obtenus avec le capteur IRM seront comparés avec les méthodes de référence pour chacun des agroécosystèmes. Les mesures globales in situ du flux de xylème dans les parties aériennes des arbres étant clairement établies (dissipation thermique, impulsion de chaleur, bilan d’énergie), il sera facile de valider les mesures réalisées avec l’IRM en les comparant à celles de référence. Aucune méthode de mesures du flux de phloème in situ n’existant actuellement, la validation des valeurs obtenues avec le capteur IRM se fera grâce à une IRM de laboratoire dédiée à l’étude des arbres. La validation de la mesure sur les parties souterraines des plantes sera réalisée en combinant plusieurs mesures (microcapteurs de flux, de potentiel hydrique) et en modélisant les données.
Ce travail de validation effectué, il est indispensable de caractériser ensuite la sensibilité de ce capteur IRM pour permettre les mesures dans des conditions imposées par le changement climatique. Elle sera estimée en faisant subir un stress hydrique aux systèmes biologiques étudiés afin de mimer une période de sécheresse. Les résultats obtenus démontreront si un tel capteur peut apporter des informations complémentaires aux méthodes analytiques actuelles.

Les premiers travaux ont porté sur des optimisations du capteur IRM. En effet, la profondeur à laquelle la mesure est effectuée est dépendante de la température de l’aimant. Or, en extérieur, la température de l’aimant sera forcément soumise à des variations. Nous avons travaillé en parallèle sur deux solutions. La première consiste à isoler thermiquement le capteur pour limiter les fluctuations thermiques. La seconde mesure la température de l’aimant pour corriger en temps réel la position de la coupe de mesure.
Les travaux sur les systèmes racinaires ont démontré que le signal IRM dans les racines présente une variation circadienne lorsque la plante est correctement hydratée. Ceci s’explique par l’utilisation de l’eau pour réaliser la photosynthèse. Ces mesures sont cohérentes avec celles réalisées par les méthodes de référence : potentiel hydrique ou humidité du sol par exemple. Lorsque la plante manque d’eau et ne réalise plus de photosynthèse, la variation circadienne du signal IRM n’est plus observée. Nous avons également démontré que l’intensité du signal IRM était directement proportionnelle à la quantité d’eau présente dans les racines et ce, indépendamment de l’espèce. Nous avons démontré que l’IRM portable apporte une information complémentaire aux techniques actuelles permettant d’affiner la compréhension des stratégies d’utilisation de l’eau par les herbacées.
Nous avons démontré sur des mesures au laboratoire qu’il existait une relation linéaire entre le signal IRM et la quantité d’eau. Des mesures ont ensuite été réalisées sur des arbres en extérieur et nous avons confirmé qu’il existait la même relation. Cette relation est indépendant de l’espèce ou du type fonctionnel. Avant de mesurer les flux dans les parties aériennes des plantes (tronc, branches), il est indispensable de savoir identifier à partir de l’image IRM les zones dans lesquelles le xylème et/ou le phloème passent. Les résultats montrent que nous pouvons différencier le bois de cœur (duramen), qui est la partie morte, de l’aubier qui contient le flux de xylème. De plus, grâce au changement dans les propriétés magnétiques du xylème et du phloème (via le temps de relaxation transversal T2), il est possible de distinguer spatialement ces deux flux.

Le développement de ce nouveau capteur permettra à la communauté scientifique d’avoir un nouvel outil analytique pour caractériser les agroécosystèmes. Cette IRM portable, avec une utilisation à plus grande échelle, pourrait permettre d’acquérir de nouvelles connaissances dans le processus du stockage de carbone.
Ces expériences in situ ouvrent de nombreuses perspectives d’utilisation de la RMN à l’extérieur du laboratoire, dès lors que les difficultés techniques liées à l’utilisation de cet instrument dans des conditions non standardisées auront été levées au cours du projet. Au-delà des applications sur les agroécosystèmes, il sera alors plus facile de décliner l’utilisation d’un tel instrument pour caractériser les matières premières au cours des procédés de transformation dans un large spectre d’environnements.
Ce capteur pourrait accompagner la révolution industrielle et scientifique qui s’opère dans le domaine de la microfluidique. En effet, cette spécialité s’inspire des flux de liquides et de leurs échanges dans la faune et la flore ; caractérisation abordée dans le cadre de ce projet chez les végétaux.

Les travaux menés sur les racines dans un état hydraté ont fait l’objet d’une publication dans Plants (doi : 10.3390/plants10040782). Diverses communications ont été réalisées sur les développements méthodologiques IRM et sur l’étude des systèmes racinaires. La liste complète est disponible dans le lien vers HAL-ANR dans la section liens utiles de cette page.

Les écosystèmes prairiaux et forestiers sont les deux principaux écosystèmes terrestres permettant de limiter le réchauffement climatique grâce à leur forte capacité à séquestrer le carbone. Les flux de sèves ascendant (xylème) et descendant (phloème) jouent un rôle primordial en amenant l’eau nécessaire pour réaliser la photosynthèse puis en transportant les produits carbonés vers les puits de carbone que sont, par exemple, le bois, les racines ou le sol. Dans le contexte actuel de changement climatique, une meilleure compréhension des mécanismes de transport est indispensable pour s’assurer que ces écosystèmes puissent continuer à jouer ce rôle tampon fondamental. Malheureusement aucun capteur permettant d’étudier ces mécanismes directement sur la plante dans son environnement naturel n’existe actuellement.

Dans le cadre de ce projet, nous proposons de développer et valider un nouvel instrument de mesure hors du laboratoire basé sur le principe de l’IRM. Cette approche dispose d’avantages uniques : elle est non invasive, capable de mesurer les quantités et les flux et d’effectuer ces mesures dans des parties très spécifiques de la plante. Le but de ce projet sera de valider cet appareil sur les deux agroécosystèmes : prairiaux et forestiers. Pour chacun d’eux, nous démontrerons l’intérêt de ce nouveau capteur par rapport aux techniques de mesure in situ de référence (lysymétrie, capteurs de flux de sève, balances, …). Ce nouveau capteur sera évalué au regard de sa capacité à :
(1) fournir des informations pertinentes spatialement (spécificité), c’est-à-dire mesurer les flux de xylème et de phloème qui ne transitent pas par les mêmes canaux dans la plante, ou discriminer l’hétérogénéité des espèces racinaires directement dans le sol ;
(2) donner des mesures fiables dans différentes conditions environnementales (sensibilité). La sensibilité de l’instrument sera étudiée en induisant des stress hydriques dans le but de détecter la cavitation dans les flux de sève ou la reprise de croissance d’herbacées ;
(3) évaluer le stockage de carbone par les écosystèmes en étudiant la capacité de l’IRM in situ à mesurer des concentrations de sucres.

Pour maximiser les chances de réussite de ce projet, une équipe pluridisciplinaire, alliant des compétences allant de la physiologie végétale en passant par les mathématiques appliquées et la modélisation, a été réunie. De plus, Carel Windt, reconnu internationalement pour sa compétence dans la mise en place de capteur RMN in situ, suivra l’avancement du projet et apportera son expertise tout au long de ce programme.

A l’issu de ce projet, le potentiel quantitatif de ce nouveau capteur sera démontré et l’IRM in situ pourra donc être déployée à plus grande échelle pour mieux comprendre les mécanismes de capture du carbone. Pour cela, un réseau innovant de capteurs d’IRM in-situ pourrait être déployé. Les mesures seraient alors réalisées à la fois à l’échelle individuelle pour une caractérisation totale de la plante mais également collective pour une compréhension de l’écosystème. De nouvelles applications pour étendre le champ d’application de l’instrument développé pourraient également être testées. Ce capteur intéresserait également des domaines à haute-valeur ajoutée comme la micro-fluidique ou les bio-industries. Pour assurer une dissémination maximale de nos résultats, nous communiquerons vers les différentes sociétés scientifiques susceptibles d’être intéressées par le projet (IRM, écologie fonctionnelle), vers le grand public à travers d’actions de vulgarisations (journée de la science, communication dans des journaux grands publics) et mettrons à disposition des communautés scientifiques l’IRM in situ grâce à des réseaux d’instruments analytiques tels qu’AnaEE.

Coordination du projet

Guilhem Pages (Qualité des Produits Animaux)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

EMMAH Environnement Méditerranéen et Modélisation des Agro-Hydrosystèmes
UREP Unité Mixte de Recherche sur l'Ecosystème Prairial
QuaPA Qualité des Produits Animaux
PIAF Physique et Physiologie Intégratives de l'Arbre en environnement fluctuant

Aide de l'ANR 487 527 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2019 - 48 Mois

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