CE03 - Interactions Humains-Environnement

Evaluer le Risque Amiante à SibatE – ERASEd

ERASEd

Évaluer le risque amiante à Sibaté

Documenter des modalités originales d'exposition environnementale à l'amiante et mesurer la connaissance du risque

La municipalité de Sibaté est situé dans le département du Cundinamarca, au sud de Bogotá. Sa population totale est d’environ 38 000 habitants. Aux marges de cette municipalité est installée – depuis une cinquantaine d’année – une usine d’amiante-ciment qui fabrique désormais des toitures. Cette usine a été (et continue d’être) un important pourvoyeur d’emploi pour les populations riveraines. Il semble évident que les expositions générées par cette usine aient été multiples : professionnelles évidemment, mais certainement environnementales et para-professionnelles. Depuis décembre 2014, les médias locaux relaient des cas de maladies liées à l’amiante dans cette municipalité : aussi bien chez d’anciens travailleurs de l’usine que chez des personnes ayant simplement vécues à proximité. Les soupçons d’une contamination environnementale sont bien réels : plusieurs personnes sont d’ores et déjà décédées de mésothéliomes, de cancers du poumon voire d'asbestoses à proximité de cette usine. Consécutivement à des entretiens réalisés avec des proches de victimes, une forte suspicion de pollution environnementale émergea : une probable pollution massive des sols à l’amiante.<br />C’est la nécessité de spatialiser l’aléa « cancérogène » de manière indirecte qui constitue le socle d’ERASEd (objectif 1). Cette nécessité est doublée de celle, connexe, de mesurer le niveau réel d’imprégnation « sociale » de ce risque à différentes échelles (objectif 2). Ces objectifs principaux se déclinent en tâches spécifiques :<br />- reconstituer l’extension du bâti sur la commune au cours de la deuxième partie du XXème siècle,<br />- affiner les zones de danger à l’aide d’un géoradar,<br />- mobiliser la connaissance des habitants pour aboutir à une cartographie des secteurs remblayés à dires de riverains,<br />- mesurer la connaissance du risque au sein des différents groupes concernés,<br />- diffuser nos résultats.

La localisation des zones de danger passera par une série de trois grands travaux :
1) Nous réaliserons tout d'abord un important travail de compilation de cartes topographiques et de planches cadastrales disponibles mais - en grande partie - non numérisées à l’Institut Codazzi de Bogota pour retracer l’évolution du bâti à différentes époques et délimiter une zone « sûre » (construite avant l’apport des matériaux amiantés) et des zones de danger potentiel.
2) Nous proposons ici de mobiliser une technique de géophysique : le géoradar ou ground penetrating radar (GPR). Le radar à pénétration de sol est une technique qui utilise des impulsions électromagnétiques pour produire une image du sous-sol. La réalisation de mesures ponctuelles et régulières (définies à l’aide d’une grille produite dans un système d’information géographique) et/ou continues le long de transects déterminés nous permettra de borner ce remblai pollué.
3) Nous mobiliserons la connaissance des habitants pour aboutir à une cartographie des secteurs remblayés à dires de riverains. La mobilisation d’habitants au profil particulier (au moins une cinquantaine d’années et ayant vécu toute leur vie à Sibaté) sera assurée par les partenaires colombiens. Nous aboutirons, suite à la production de cartes mentales réalisées au cours d'ateliers, à une cartographie de la fréquence de mention – par les habitants – des secteurs remblayés.

La mesure de la connaissance du risque au sein des différents groupes concernés passera par :
1) Une analyse textuelle de la presse colombienne. La presse reflète l’existence d’un débat, le surgissement d’une question sur la place publique ou la scène urbaine. Tout comme les différents acteurs, la presse privilégie certains foyers de menace, certaines populations affectées, certaines actions spécifiques qui montreraient l’existence d’un risque même s’il n’est pas formulé. L’objectif de la recherche est donc de réaliser une analyse lexicale et de constituer une base de données géoréférençant des mots-clés permettant de montrer l’association qui est faite entre la menace (en particulier l’amiante), le risque ou encore la crise sanitaire et des lieux ou des territoires urbains.
2) Un travail d'enquête en population générale en utilisant les «cartes mentales«. Les cartes mentales des menaces auront pour but d’identifier les menaces majeures perçues par les acteurs.

Enfin, deux nouveaux objectifs connexes ont émergé :
1) la cartographie des toitures en amiante-ciment par l'emploi du plugin RoofClassify (sous QGIS) en utilisant l'imagerie Satellitaire haute-résolution (Worldview 3),
2) l'évaluation des effectifs d'habitants qui sont rentrés en contact direct avec l'amiante des remblais par le développement d'un modèle à base d'agents (sous GAMA).

A mi-parcours du programme ERASEd, la cartographie préliminaire des remblais contenant de l’amiante (réalisée grâce à l'utilisation de l'information géographique disponible et au savoir des habitants mobilisé) documente désormais de manière inédite une modalité de contamination environnementale très peu étudiée dans la littérature scientifique. La diffusion atmosphérique des fibres d’amiante a, jusqu’à présent, principalement été étudiée à partir d’un point source généralement industriel (usine ou mine). Notre travail contribue à documenter l’existence de sources d’expositions environnementales « secondaires » liées à l’activité industrielle. Ce premier travail peut permettre d’expliquer l’existence de cas de mésothéliomes particulièrement jeunes dans la municipalité de Sibaté.

Les perspectives à venir correspondent aux objectifs à remplir au cours de la seconde partie du programme ERASEd :
- documenter la connaissance du risque amiante en population générale à Sibaté,
- cartographier les toitures en amiante-ciment de la municipalité,
- évaluer les populations en contact avec l'amiante au moment de la création des remblais,
- communiquer les résultats à la municipalité dans le but de l'aider à mettre en place un plan de gestion des risques.

A mi parcours, 2 communications scientifiques ont été réalisées ainsi que 2 conférences de vulgarisation scientifique (en anglais et en espagnol).
Un article associant les partenaires français et colombiens a, par ailleurs, été publié dans la revue Environmental Research (Lysaniuk B., Cely-García M.F., Mazzeo A., Marsili D., Pasetto R., Comba P., Ramos-Bonilla J.P., Where are the landfilled zones? Use of historical geographic information and local spatial knowledge to determine the location of underground asbestos contamination in Sibaté (Colombia). Environmental Research, 2020, doi.org/10.1016/j.envres.20110182

Projet ERASEd – Evaluer le risque amiante à Sibaté

L’amiante est un terme générique renvoyant à des silicates de texture fibreuse tous classés « cancérogènes certains », depuis 1977, par le Centre International de Recherche sur le Cancer (rattaché à l’Organisation Mondiale de la Santé). Moins de soixante-dix pays ont – en 2019 – interdit l’utilisation et la commercialisation de produits à base de ces fibres. En silence, la Colombie reste un pays producteur et consommateur d’amiante quand, dans le même temps, les grands pays de la région bannissent, les uns après les autres, son usage.

La municipalité de Sibaté est située dans le département du Cundinamarca, à une vingtaine de kilomètres au Sud de la capitale colombienne Bogotá. Sa population totale est d’environ 38 000 habitants. Aux marges de cette municipalité est installée – depuis une cinquantaine d’année – une usine d’amiante-ciment fabriquant aussi bien des plaques de couverture que des conduites d’eau. Cette usine a été – et reste – un important pourvoyeur d’emploi pour les populations des alentours. Malgré cela, il est clair que les expositions cancérogènes générées par cette usine aient été multiples : professionnelles évidemment, mais certainement environnementales et para-professionnelles. Il semblerait également – aux dires d’habitants rencontrés par les chercheurs colombiens – qu’une partie de la municipalité ait été construite sur des remblais fournis par l’usine en question. Depuis décembre 2014, les médias locaux relaient des cas de maladies liées à l’amiante dans cette municipalité : aussi bien chez d’anciens travailleurs de l’usine que chez des personnes ayant simplement vécues à proximité. Les soupçons d’une contamination environnementale sont bien réels : plusieurs personnes sont d’ores et déjà décédées d’un cancer spécifique de l’amiante (le mésothéliome), de cancers du poumon ou sont atteintes d'asbestoses à proximité de cette usine. La rumeur relative à la constitution d’un remblai amianté, à partir de matériaux fournis par l’usine, fut confirmée au cours de travaux menés par des partenaires de ce projet. Plusieurs échantillons de sol ont ainsi confirmé la présence d’amiante friable dans le sol de Sibaté. Alors que le risque n’est pas encore socialement construit, le danger – i.e. la présence d’amiante à des niveaux superficiels du sol – est lui bien réel. Par la constitution d’une équipe pluridisciplinaire et internationale associant géographes (UMR PRODIG, France) et spécialistes d’ingénierie environnementale (Universidad de Los Andes, Colombie), nous proposons de répondre à deux objectifs principaux : borner le remblai amianté à l’aide de méthodes non-invasives ; mesurer la connaissance du risque et identifier les menaces majeures telles que perçues par des groupes d’acteurs spécifiques de cette communauté. Plusieurs approches seront mobilisées pour répondre à ces objectifs : analyse de l’évolution de l’occupation des sols, reconstitution des changements topographiques, recherche d’une strate polluée à l’aide de méthodes géotechniques, cartographie à dires de riverains et cartes mentales lors d’ateliers, analyse textuelle de la presse, enquête et entretiens.

La portée scientifique de ce projet est protéiforme : analyse d’une situation inédite non-documentée, mobilisation cohérente d’un ensemble de méthodes mixtes dans un nouveau contexte. Le principal apport d’ERASEd serait la prise en compte de ses résultats dans la mise en place d’un véritable plan de gestion du risque tant du point de vue de la cartographie des zones de danger que du choix dans la manière d’informer la population.

Coordination du projet

Benjamin Lysaniuk (PRODIG)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

PRODIG PRODIG
Uniandes Universidad de Los Andes - Facultad de Ingenieria / Departamento de Ingenieria Civil y Ambiental

Aide de l'ANR 91 346 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2019 - 36 Mois

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