Transformation to Sustainability - T2S

Vers un développement plus durable en région de front pionnier : articuler microfrance et changements dans la gouvernance locale au Nicaragua – TRUEPATH

TRansforming UnsustainablE PATHways in agricultural frontiers: articulating microfinance plus with local institutional change for sustainability in Nicaragua

Le programme TruePATH porte sur l’étude des dynamiques agraires dans les régions du Rio Blanco et de la Miskitia au Nicaragua, sous l’influence de l’avancée d’un front de développement de l’élevage bovin depuis plusieurs décennies. Ce mouvement qui opère depuis le centre vers le nord du pays s’accompagne d’un déboisement particulièrement marqué, au profit de l’installation de prairies destinées au pâturage des bovins, y compris dans la région autochtone de Mosquitia.

Dynamiques agraires et différenciation sociale face à l’avancée de la frontière agricole au centre et nord Nicaragua. Quelle place pour des voies de développement plus durables ?

Analyse de l’avancée contemporaine de la frontière agricole au Nicaragua : processus productifs, inégalités et différenciation socio-spatiale<br />Le Nicaragua connaît depuis plusieurs décennies un fort développement de l’élevage bovin pour l’export de viande et de produits laitiers, notamment dans les régions du centre et du nord du pays. Cet essor s’accompagne de l’avancée de la frontière agricole et de la conversion progressive de forêts en terres agricoles, en particulier des prairies pour nourrir les troupeaux. Ce projet de recherche visait à étudier ces transformations agraires, à analyser leur impact en termes d’inégalités sociales, et à réfléchir à des alternatives possibles pour ralentir la progression de ce front, qui pénètre désormais dans les territoires autochtones du nord du pays de façon particulièrement conflictuelle. Mené en collaboration avec des équipes nicaraguayenne et belge engagées de longue date dans le développement rural local, ces analyses s’inscrivent également dans une réflexion sur les dispositifs d’appui qui pourraient être mis en œuvre afin d’infléchir ces dynamiques au service d’un développement agricole plus durable dans cette partie du Nicaragua.<br />Le programme réunit comme principaux partenaires l’Institute of Development Policy and Management (IOB) de l’Université d’Anvers (Belgique), l’Institut de Recherche et de Développement Nitlapan de l’Université CentroAméricaine (Nicaragua), AgroParisTech (France) (financé par l’ANR), l'organisation de microfinance Fondo de Desarrollo Local (FDL) et l'ONG environnementale Centro Humboldt (CH), toutes deux basées au Nicaragua.

Une recherche comparative de terrain, mettant en lien accès aux ressources, processus productifs et inégalités sociales
Ces travaux ont mobilisé les méthodes et concepts de l’Agriculture comparée (Cochet, 2015 ; Cochet et al., 2007), discipline à la croisée de la géographie, de l’agronomie et de l’économie. La recherche s’est centrée sur trois régions agraires du centre et nord Nicaragua, où la frontière agricole a commencé à se déployer respectivement dans les années 1950, 1970 et 1990 (Rio Blanco, Santa Rita (Mulukuku), Mosquitia (territoire autochtone). L’analyse a été conduite à différentes échelles (région agraire, village, exploitation agricole). Cela a permis de mettre en relief les dynamiques communes à ces trois régions, mais aussi les traits spécifiques des transformations à l’œuvre dans certains villages où, au cours de l’histoire, les règles d’accès au foncier et au capital ont été différentes, et d’explorer ainsi l’importance de ces conditions d’accès sur les inégalités sociales inter- et intra-villageoises. Grâce à l’étude croisée du fonctionnement technique des différents types d’exploitations agricoles, des revenus que les agriculteurs tirent de leur activité, et des facteurs limitants qui peuvent se présenter (capital, foncier), nous avons pu mettre en lien accès aux ressources, processus productifs et inégalités économiques. Cette recherche a pour cela reposé sur une collecte approfondie de données, basée sur 15 mois de travail de terrain et près de 250 entretiens auprès d’agriculteurs de ces régions.

Initialement forestier, le centre du Nicaragua a progressivement été défrichée à partir des années 1950. L’accroissement démographique dans la région a progressivement conduit, dans l’ensemble, à une réduction des surfaces agricoles disponibles par ménage à chaque génération. Parallèlement, la rente de fertilité de l’ancien couvert forestier s’est progressivement épuisée. Nous montrons que, pour cette raison, les agriculteurs ont mis en œuvre, depuis une vingtaine d’années et à rebours d’élevages bovins souvent qualifiés dans ces régions d’extensifs, une intensification en travail et en capital par unité de surface pour tenter d’accroître la production et la richesse créée par hectare. Se déploie ainsi une intensification fourragère qui permet de maintenir des agriculteurs sur des surfaces plus limitées et, potentiellement, de ralentir l’expansion spatiale de ces élevages bovins, mais dont les possibilités de déploiement sont directement liées au capital, inégal, dont disposent les producteurs.
En effet, notre recherche indique que la différenciation sociale est demeurée forte dans la région. Elle permet de se pencher de façon approfondie sur les modalités de reproduction sociale des différentes catégories de producteurs, et sur la manière dont elles s’inscrivent dans les migrations qui alimentent l’avancée de la frontière agricole. Nous montrons notamment que face à des prix du foncier qui n’ont eu de cesse de progresser et au coût du déploiement de l’intensification fourragère, les éleveurs patronaux sont les mieux placés pour acheter des terres dans le centre du Nicaragua sur lesquelles installer leurs enfants et leur éviter de migrer en Mosquitia. A l’inverse, et malgré le net accroissement de la production par hectare enregistré depuis trente ans, les producteurs familiaux, limités en terre mais encore plus en capital, dégagent de trop faibles surplus pour cela : une partie de leurs enfants n’ont donc toujours d’autres possibilités que de migrer pour trouver des terres plus au nord.
Même si l’intensification fourragère a été largement vulgarisée par les organismes de développement locaux, son déploiement échappe donc en partie aux producteurs familiaux faute de capital et d’appui ciblé. Nos enquêtes conduites dans le centre Nicaragua, nous ont permis de repérer des stratégies alternatives à ce type d’accroissement de la production par unité de surface qui repose avant tout sur le capital, mais aussi sur le rôle que peut jouer une répartition moins inégale du foncier, et ce aux différentes échelles d’analyse mobilisées. Par exemple, dans le village de San Ignacio où une histoire agraire particulière a conduit à une distribution du foncier en petits lots de taille homogène, l’agriculture est demeurée quasi exclusivement familiale et les écarts de revenus par actif familial entre producteurs ne dépassent pas un facteur 3, alors qu’ils atteignent un facteur 20 à 30 dans les autres villages marqués par une histoire foncière très inégalitaire.

Poursuite de la valorisation scientifique des résultats.

Cette recherche a conduit à la rédaction (pour certains en cours) de quatre articles scientifiques, qui portent sur : (1) l’étude comparée des stratégies d’intensification en capital ou en travail entre producteurs dans le centre Nicaragua et leurs conséquences en termes d’expansion spatiale ; (2) la différenciation socio-spatiale et les inégalités en Mosquitia (territoire autochtone) sous l’influence des accaparements fonciers liés à l’expansion de l’élevage bovin ; (3) l’analyse croisée de nos résultats et de ceux de notre partenaire nicaraguayen, ouvrant sur une réflexion en matière d’appui au développement. Les travaux conduits en Mosquitia ont également donné lieu à une communication, et ceux portant sur les dynamiques agraires dans le centre nord du Nicaragua font l’objet de deux rapports et de deux synthèses de capitalisation à des fins de recherche-développement.

Coordination du projet

Nadège GARAMBOIS (AgroParisTech)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

AgroParisTech AgroParisTech
University of Antwerp, Institute of Development Policy and Management (IOB)
Universidad Centroamericana, Nitlapan, Institute of research and Development

Aide de l'ANR 200 200 euros
Début et durée du projet scientifique : novembre 2018 - 36 Mois

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