FRAL - Programme franco-allemand en Sciences humaines et sociales

Aversion à l'incertitude stratégique: Mesure et implications de politique économique – ASUR

Aversion à l'incertitude stratégique : Mesure et implications de politique économique

L'incertitude stratégique est l'incertitude d'un joueur sur les stratégies choisies par les autres. Alors que la théorie économique applique principalement des concepts d'équilibre basés sur l'absence d'incertitude stratégique, des expériences ont indiqué que la plupart des humains renoncent à une partie substantielle de leur gain espéré pour éviter que celui-ci ne dépende des décisions des autres. Cette aversion à l'incertitude stratégique a des conséquences sur l'efficacité économique.

Enjeux et objectifs

Notre projet vise d'abord à développer une méthode de mesure de l'aversion stratégique à l'incertitude stratégique. Notre idée principale est de mesurer la volonté à payer des agents pour participer à un jeu et les probabilités subjectives des gains potentiels dans ce jeu. La différence entre le gain attendu et la volonté à payer est le montant auquel un sujet est prêt à renoncer pour éviter l'incertitude stratégique. Cela définit une prime pour l'incertitude stratégique.<br /><br />Deuxièmement, nous voulons savoir comment l'aversion à l'incertitude stratégique est affectée par les caractéristiques du jeu, et comment elle se compare à l'aversion au risque et à l'aversion à l'ambiguïté. Pour cela, nous voulons comparer les primes d'incertitude stratégique dans différents jeux avec les primes de risque et les primes d'ambiguïté (qui sont définies de manière similaire pour les loteries sans probabilités connues).<br /><br />L'aversion à l'incertitude stratégique pouvant conduire à des résultats inefficaces, notre troisième objectif est d'analyser par quels moyens l'incertitude stratégique peut être réduite. Ici, nous voulons analyser les implications politiques de l'aversion à l'incertitude stratégique. En particulier, nous envisageons des applications à l'économie monétaire et aux crises financières, où les banques centrales et les régulateurs des marchés financiers peuvent changer les caractéristiques du jeu. Nous nous intéressons également à la manière dont les agents peuvent eux-mêmes réduire l'incertitude stratégique par la communication et par l'acquisition d'informations sur ce que les autres savent. Dans ce but, nous analyserons en particulier comment différents canaux de communication et d'information affectent la prime d'incertitude stratégique.

En termes de méthodes, nous recourrons principalement à l'économie expérimentale.

A ce jour, un projet mené par l'équipe franco-allemande a été accepté pour publication dans le Journal of Economic Behavior and Organization. Ce premier article est le fruit d'une collaboration entre C. Cornand et A. Zylbersztejn du côté français et M. Bulutay du côté allemand.
L'article répond au troisième objectif du programme de recherche, car il présente un exemple dans lequel la réduction de l'incertitude stratégique peut améliorer les résultats économiques.
Le point de départ de l'article est le fait que l'hypothèse d'anticipations rationnelles ne parvient pas à caractériser le retour vers l'équilibre après un choc exogène lorsque les actions des agents sont des compléments stratégiques. En revanche, en présence de chocs identiques, la répétition permet un apprentissage adaptatif, de sorte que l'inertie dans l'ajustement devrait s'estomper avec l'expérience. Si ce constat s'avère robuste, l'inertie dans l'ajustement pourrait ne pas être pertinente chez des agents expérimentés. La conjecture dans la littérature est que l'inertie persisterait, peut-être indéfiniment dans le monde réel où les chocs ne sont pas identiques.
Notre contribution a consisté à tester la conjecture selon laquelle l'inertie dans l'ajustement est plus persistante si les chocs sont non identiques. À cette fin, nous avons fait une série d'expériences en laboratoire en octobre 2019.
Pour les chocs identiques et non identiques, nous trouvons une inertie persistante. Nous montrons notamment qu'une règle d'apprentissage basée sur la similarité est à même de rendre compte des observations.

Un deuxième projet répondant aux premier et deuxième objectifs du programme de recherche a été re-soumis à la revue Experimental Economics. Ce deuxième projet est une collaboration entre l'équipe française (C. Cornand et A. Zylbersztejn) et l'équipe allemande (F. Heinemann et M. Bulutay). Il développe une méthode pour mesurer les attitudes d'incertitude stratégique et les distinguer des attitudes de risque et d'ambiguïté. Nous attendons maintenant la décision finale de la revue et la réouverture des laboratoires expérimentaux pour réaliser les expériences.

Enfin, un troisième projet a également dû être reporté en raison de la crise sanitaire. Ce troisième projet est une collaboration entre l'équipe française (C. Cornand, M. A. Erazo et A. Zylbersztejn) et l'équipe allemande (M. Bulutay). Il est étroitement lié au premier papier et propose d'affiner l'analyse de la formation des anticipations.

Bulutay M., Cornand C. and Zylbersztejn A. (2020), «Learning to deal with repeated shocks under strategic complementarity: An experiment«, Journal of Economic Behavior and Organization, Sous presse. doi.org/10.1016/j.jebo.2020.05.02

Bruttel L., Bulutay M., Cornand C., Heinemann F., Zylbersztejn A. (2020), «Measuring strategic uncertainty attitudes«. [registered report, révisé et resoumis à Experimental Economics]

Bulutay M., Cornand C., Erazo M. A., Zylbersztejn A. (2020), «Bubbles, Expectations and Attention«. [En cours]

L'incertitude stratégique est l'incertitude à laquelle les agents sont soumis lorsqu’ils font face aux stratégies choisies par les autres agents. Alors que la théorie économique applique généralement des concepts d'équilibre comme l’équilibre de Nash ou des équilibres en anticipations rationnelles basés sur l'absence d'incertitude stratégique, les expériences de laboratoire montrent que les agents sont en réalité sensibles à l'incertitude stratégique : la plupart des sujets humains renoncent à une part substantielle de leurs gains escomptés afin d'éviter que celui-ci ne dépende des décisions prises par d'autres, ce qui s’apparente à de l’aversion à l'incertitude stratégique. Cette aversion a des conséquences importantes en termes d'efficacité économique car elle peut générer des défauts de coordination et des niveaux d'investissement et de prise de risque sous-optimaux.
Premièrement, notre projet vise à développer une méthode de mesure de l'aversion à l'incertitude stratégique. Il s’agit de collecter des données relatives à la volonté à payer des agents pour participer à un jeu et les probabilités subjectives qu’ils assignent aux gains potentiels dans ce jeu. La différence entre le gain subjectif escompté et la volonté à payer correspond au montant auquel un sujet est prêt à renoncer pour éviter l'incertitude correspondante. Ceci détermine une prime pour l'incertitude stratégique dans la même veine que la prime de risque qui mesure la différence entre la volonté d'un sujet à payer pour participer à une loterie et le gain attendu de cette loterie.
Deuxièmement, nous chercherons à savoir comment l'aversion à l'incertitude stratégique est influencée par les caractéristiques du jeu et comment elle se compare à l'aversion au risque et à l'aversion à l'ambiguïté au sens classique du terme. Pour cela, nous comparerons les primes pour l'incertitude stratégique dans différents jeux avec les primes de risque et les primes d'ambiguïté (qui sont définies de manière similaire pour les loteries sans probabilités connues).
Dans la mesure où l'aversion à l'incertitude stratégique peut mener à des résultats inefficaces, notre troisième objectif est d'analyser par quels moyens l'incertitude stratégique peut être réduite. Nous examinerons les applications à l'économie monétaire et aux crises financières, dans lesquelles les banques centrales et les régulateurs sur les marchés financiers peuvent modifier les caractéristiques du jeu. Nous nous intéresserons également à la façon dont les agents peuvent eux-mêmes réduire l'incertitude stratégique par la communication et l'acquisition d'informations sur ce que savent les autres. A cette fin, nous analyserons comment les différents canaux de communication influencent la prime pour l'incertitude stratégique.
Pour communiquer nos résultats, en plus de participer à des conférences et de publier nos travaux dans des revues de premier plan, nous prévoyons d’organiser un workshop sur l'incertitude stratégique à mi-parcours.

Coordination du projet

Camille CORNAND (GROUPE D'ANALYSE ET DE THEORIE ECONOMIQUE)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

GATE - CNRS GROUPE D'ANALYSE ET DE THEORIE ECONOMIQUE
Technische Universität Berlin

Aide de l'ANR 176 710 euros
Début et durée du projet scientifique : août 2019 - 36 Mois

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