CE43 - Bioéconomie : technologies (chimie, biotechnologie, procédés) spécifiques et approches système

Nanomatériaux fonctionalisés par des enzymes pour utiliser les réserves de P organique du sol en agriculture – FORAGE

Nanomatériaux fonctionnalisés par des enzymes pour utiliser les réserves de P organique du sol en agriculture

FORAGE vise à développer de nouveaux produits dans l'industrie des engrais à base de nanomatériaux fonctionnalisés avec des enzymes pour améliorer l'apport de phosphate à l'agriculture à partir des fortes réserves de P organique (Po) du sol, généralement inaccessibles aux plantes.

Quelle stratégie pour économiser les engrais phosphatés en agriculture ?

De nombreux auteurs ont attiré l’attention sur le risque d’une pénurie de production des engrais phosphatés à cause d’un épuisement prévisible des gisements de minéraux P. Le problème est mondial, mais est encore plus prégnant pour l’Europe qui compte très peu de gisements de P, ce qui rend son agriculture très dépendante des importations et l'éloigne d'un objectif d'autosuffisance alimentaire mondial dans un monde politiquement changeant.<br />Une des solutions pour résoudre ce problème consiste à mieux utiliser les réserves de P organique (Po) du sol qui sont importantes quantitativement mais généralement inaccessibles aux plantes. En effet, pour être accessibles, les diverses formes de Po doivent être hydrolysées par les enzymes du sol pour libérer le groupement orthophosphate (Pi), seule forme de P absorbée par les racines. Or ces enzymes qui sont des phosphatases ou des phytases sont (i) produites en cas de forte carence en Pi dans la solution du sol et (ii) surtout par les populations microbiennes qui séquestrent le Pi minéralisé dans leur biomasse, aux dépends de la plante. Ainsi, lorsque les conditions du sol sont favorables à la minéralisation du Po, les cultures ne peuvent en bénéficier et sont carencées en P, ce qui compromet la production agricole.<br />Ainsi, l’objectif général de FORAGE est de trouver les moyens d’accélérer la minéralisation du Po du sol au profit des cultures en court-circuitant la compétition des populations microbiennes pour le Pi minéralisé par l’apport d’enzymes protégées par des nanomatériaux.

Les résultats attendus du projet sont la production d’engrais « innovants » contenant une ou plusieurs enzymes selon le type de sol à « fertiliser » et les formes de Po qu’il contient.
La première étape consiste à produire de grandes quantités d’enzymes qui ne sont pas commercialisées. Pour cela, des technologies recombinantes seront utilisées. Puis, pour chaque enzyme candidate libre en solution, leurs spécificités de substrat seront établies, en présence et en absence de sol. Différents molécules d’inositol-phosphate, variant d’un groupement phosphate (IP1) à 5 groupements phosphate (IP5) sur les 6 positions possibles (IP6 = phytate, forme de réserve du P des graines et principale forme de Po du sol) seront synthétisées au cours du projet afin de mieux connaître la capacité des enzymes candidates à hydrolyser ces différents substrats. Différents procédés d’encapsulation des enzymes seront testés afin de trouver ceux qui seront (i) les plus efficaces pour protéger l’enzyme, (ii) qui permettront une activité enzymatique maximale en solution et en conditions de sol et (iii) qui permettront de conserver le plus longtemps possible l’activité de l’enzyme dans des conditions de stockage industriel. Enfin, de nouveaux procédés industriels seront mis au point afin de fabriquer des engrais innovants à partir d’enzymes encapsulées. L’étape finale du projet sera de tester l’efficacité de ces nouveaux engrais à base d’enzymes sur la nutrition P d’espèces d’intérêt agronomique, cultivées en pots.

Trois phosphatases provenant de différents microorganismes (bactéries, champignons …) avec des spécificités et des affinités vis à de leurs substrats différentes ont été produites avec succès. Une quatrième phytase d’origine végétale est en cours de production.
Parmi les résultats saillants, nous avons observé que deux dez enzymes sont très spécifiques du phytate alors que l’autre hydrolyse de nombreux composés de P organique, excepté le phytate. De plus, on observe que les différentes enzymes hydrolysent avec la même efficacité le phytate ou d’autres composés de P organique en présence de différents cations, ce qui n’avait jamais été montré. Ces résultats sont très importants pour l’hydrolyse du P organique dans les conditions de sol, car il est très probablement associé à des cations comme Ca.
Les trois enzymes ont été incorporées avec succès dans des matériaux hybrides (silice-phospholipides, brevet WO2017006046 – PCT/FR2016/051701) après des modifications du processus de fabrication des matériaux permettant de mieux accumuler et conserver l’enzyme dans le matériaux. Les matériaux produits ont ensuite été étudiés plus en détail. Parmi les propriétés étudiées, la capacité de ces matériaux à hydrolyser du phytate (exogène) en Pi dans des sols non-stérilisés a été quantifiée. Les premiers résultats obtenus montrent qu'il y a bien production de Pi (dosé en prélevant le Pi grâce à des résines échangeuses d'anions) dans les sols.
Enfin, deux premiers modèles d’inositols partiellement phosphorylés (IP2 et IP5) viennent juste d’être produits.

Les premiers résultats indiquent que la stratégie choisie – production d’enzymes recombinantes et encapsulation dans des nanomatériaux- permet effectivement de libérer du P minéral (Pi) à partir de P organique du sol qui pourrait donc être absorbé par les racines et donc contribuer à la nutrition P des cultures. Toutefois, il reste à valider la production d’engrais innovants sous forme de granulés à partir des nanomatériaux fonctionnalisés par les différentes enzymes.

Sans objet

FORAGE vise à développer de nouveaux produits dans l'industrie des engrais à base de nanomatériaux fonctionnalisés avec des enzymes pour améliorer l'apport de phosphate à l'agriculture à partir des fortes réserves de P organique (Po) du sol inaccessibles aux plantes. Pour être accessible, ces réseves de Po doivent être hydrolysées par les enzymes du sol pour libèrer le groupement orthophosphate (Pi),seule forme de P absorbée par les racines. Cette approche technologique est motivée par la pénurie prévisible de production de P minéral à partir de gisements de minéraux P à travers le monde. Le problème est mondial, mais est encore plus prégnant pour l’Europe qui compte très peu de gisements de P, ce qui rend son agriculture très dépendante des importations et l'éloigne d'un objectif d'autosuffisance alimentaire mondial dans un monde politiquement changeant. Comme le Po représente une fraction très importante du P total dans les sols (entre 30 et 90% selon le type de sol et l'occupation du sol), l'objectif principal de ce projet est d'accélérer le cycle biogéochimique du P par une efficacité accrue de la minéralisation du Po à Pi. Pour cela, nous utiliserons des technologies recombinantes pour produire 4 enzymes ciblant (i) une large gamme de composés de Po via une phosphatase fongique d’un champignons ectomycorhizien (Hebeloma cylindrosporum) ou (ii) le phytate, forme de Po principale du sol, via une phytase produite par un champignon (Aspergillus niger), une bactérie (Bacillus subtilis) ou une plante (Purple Acid Phytase) pour couvrir une gamme de complexes formés entre le phytate et les cations ou les métaux, et de pH du sol. Ces enzymes ne sont pas disponibles dans le commerce et leur production sera effectuée en fermenteurs, à l'aide de clones de Pichia pastoris sécrétant ces enzymes recombinantes, avant d'être réalisée dans une unité pilote industrielle. L'aspect le plus important de l'efficacité des enzymes sélectionnées sur l'hydrolyse de Po est la persistance à long terme de leur activité catalytique dans le sol. Notre approche de cet aspect clé du projet est d'étudier l'effet protecteur de l'adsorption / encapsulation des enzymes par des nanomatériaux minéraux ou organo-minéraux. Nous utiliserons des approches méthodologiques chromatographiques et la RMN, ainsi que l'utilisation de plusieurs substrats synthétiques de phytase spécifiquement étudiés (inositols partiellement phosphorylés ou phytate fluorescent) pour évaluer l'activité réelle de ces enzymes dans le sol, qu'elles soient libres ou associées à des nanomatériaux. L'optimisation de l'activité catalytique de ces nanomatériaux fonctionnalisés enzymatiques sera réalisée (i) par des études sur l'effet des surfaces minérales sur la modification potentielle de la conformation des enzymes qui pourrait diminuer leur efficacité à court et long terme, (ii) en tenant compte de la diffusion moléculaire à la fois du substrat et du produit de la catalyse enzymatique dans un état adsorbé ou encapsulé. La faisabilité industrielle et l'effet sur la nutrition des plantes de ces nouveaux engrais seront établis dans une expérience à grande échelle dans une plateforme de phénotypage en cultivant le blé, le pois et le ray-grass. La croissance des plantes, la teneur en phosphore, le rendement en grains et l'expression des gènes qui sont surexprimés dans les conditions de déficience en P seront quantifiés. Nous suivrons également un processus de propriété intellectuelle pour sécuriser ces nouveaux fertilisants à base d'enzymes. La rentabilité d'une telle technologie sera également évaluée, mais les premières estimations du coût de l'enzyme à l'échelle industrielle semblent raisonnables. A la fin du projet, nous espérons pouvoir proposer ces nouveaux nanomatériaux fonctionnalisés enzymatiques comme une solution pour faire face à la pénurie prédite de ressources minérales P mettant en danger l'agriculture européenne.

Coordination du projet

Claude Plassard (UMR Eco&Sols)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

AGRO INNOVATION INTERNATIONAL
ICMR - URCA Institut de Chimie Moléculaire de Reims - Université de Reims Champagne Ardenne
IATE Ingénierie des Agropolymères et Technologies Emergentes
ICGM Institut de chimie moléculaire et des matériaux - Institut Charles Gerhardt Montpellier
Eco&Sols UMR Eco&Sols

Aide de l'ANR 437 621 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2018 - 42 Mois

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