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CE28 - Cognition, éducation, formation tout au long de la vie

Apprentissage en mathématiques, stress et plasticité cérébrale chez les enfants d’âges scolaires issues de familles à faible revenu – StrApMat

StrApMat: Stress, Apprentissage, Mathématiques – Apprentissage en mathématiques, stress et plasticité cérébrale chez les enfants d’âges scolaires issues de familles à faible revenu

Même dans les pays développés, un faible Statut Socio-Économique (SSE) peuvent nuire de manière significative à l'apprentissage, notamment des mathématiques.Quels sont les facteurs qui ont un impact négatif sur l'apprentissage des mathématiques chez les enfants de faible SSE? Et quels sont les systèmes cérébraux les plus touchés?StrApMat a pour objectif d'enquêter les causes des difficultés d'apprentissage des mathématiques chez les enfants de faible SSE, afin de réduire les inégalités scolaires

Facteurs conduisant à un mauvais apprentissage des mathématiques chez les enfants de faible Statut Socio-Économique (SSE): une étude comportementale, physiologique et neuroscientifique à 360°

Une proportion alarmante (plus de 20%) des enfants de l'école élémentaire sont issus de familles de faible Statut Socio-économique (SSE). Par rapport aux enfants de SSE plus élevé, ils sont beaucoup plus susceptibles de présenter des déficits d'apprentissage, des résultats scolaires inférieur à la moyenne, et plus de problèmes comportementaux et émotionnels. Les mathématiques sont l'un des domaines scolaires dans lesquels les enfants de faible SSE présentent des déficits marqués. En France, par exemple, la probabilité accrue que les élèves se situent dans le quart inférieur pour les performances en mathématiques est de 2.56, ce qui les place en quatrième position derrière la Nouvelle-Zélande (2.61), la Hongrie (2.75) et la République Slovaque (2.98) (moyenne OCDE=2.15). Les différences de résultats scolaires liées au SSE existent dès les premières années scolaires et ont tendance à s'accentuer avec le temps. Par conséquent, les enfants issus d'un faible SSE sont plus susceptibles d'abandonner l'école secondaire, ce qui crée un énorme problème éducatif, sociétal et économique. Dans ce contexte, la recherche de moyens efficaces (et théoriquement fondés) pour remédier aux mauvaises compétences en mathématiques des enfants issus de milieux défavorisés a pris une grande importance. Il est important de souligner que les facteurs candidats conduisant à un apprentissage médiocre chez les enfants de faible SSE peuvent être multiples et concaténés. L'objectif de StrApMat est d'identifier -pour la première fois- les facteurs cognitifs, neurobiologiques et comportementaux qui peuvent contribuer aux mauvais résultats en mathématiques chez les enfants de l'école élémentaire issus d'un faible SSE. StrApMat vise également à évaluer les avantages cognitifs, neurobiologiques et comportementaux d'un nouveau programme d'intervention en mathématiques numérisé, développé spécifiquement pour améliorer les compétences arithmétiques des enfants de faible SSE. Le projet StrApMat met particulièrement l'accent sur les facteurs liés au stress, qui constituent une caractéristique importante de la vie quotidienne des enfants de faible SSE et qui n'a pas été étudié dans le contexte de l'apprentissage des mathématiques, ou en fonction du SSE. En bref, les objectifs de StrApMat sont de: 1) caractériser le profil neurocognitif, biologique et psychosocial des enfants de l'école élémentaire de faible SSE, en relation avec leurs compétences en mathématiques; 2) identifier les trajectoires d'apprentissage et les effets de la plasticité cérébrale des systèmes neurocognitifs dédiés à la résolution de problèmes mathématiques chez les enfants de faible SSE, suite à un entraînement arithmétique; et 3) évaluer les effets de ce nouveau programme d'entraînement arithmétique à partir de plusieurs niveaux d'analyse (c'est-à-dire comportemental, cognitif, neuronal), afin d'être en mesure de fournir des recommandations éducatives qui peuvent réduire les inégalités scolaires

StrApMat est une étude à plusieurs niveaux qui intègre théories neurobiologiques, pédagogiques et cognitives de l'apprentissage, avec des méthodes de neuro-imagerie, dans le contexte d'un paradigme d'entraînement (aux mathématiques). Un élément méthodologique clé de StrApMat est qu'il s'agit d'une étude longitudinale d'intervention en neuro-imagerie, dans laquelle nous évaluons un groupe d'enfants de l'école élémentaire de statut socioéconomique (SSE) faible et élevé au cours de 4 visites. Plus précisément, le protocole expérimental de StrApMat comprend: 1) une visite comportementale avant l’entraînement; 2) une visite de neuroimagerie avant l’entraînement; 3) une visite comportementale après l’entraînement; et 4) une visite de neuroimagerie après l’entraînement. Au cours des visites comportementales ou de neuro-imagerie nous acquérons aussi de données biologiques: des niveaux de cortisol à partir de follicules de cheveux – afin d'évaluer la contribution des marqueurs neurophysiologiques du stress à l'apprentissage des mathématiques et à la plasticité cérébrale chez les enfants de faible SSE. Les mesures comportementales de StrApMat comprennent des tests cognitifs d'arithmétique spécifiques à la tranche d'âge étudiée (7-9 ans), ainsi que des tests de QI et d'autres capacités cognitives tells que la mémoire, l'attention et la flexibilité cognitive. Ces dernières mesures permettent de rendre compte de l'hétérogénéité des profils cognitifs qui a été signalée dans les cohortes à SSE faible. Les mesures comportementales de StrApMat comprennent également des questionnaires et des nouvelles tâches expérimentales qui évaluent l'anxiété générale, et l'anxiété mathématiques. Le protocole StrApMat acquiert aussi des données sur les attitudes émotionnelles envers l'apprentissage en général, et envers l'apprentissage des mathématiques. Un protocole pour les parents est également en place, pour collecter des informations sur le SSE, sur l'environnement familial et les niveaux d'anxiété générale, ainsi que d'anxiété mathématiques. Au niveau de la neuro-imagerie, StrApMat utilise des séquences d'acquisition d'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) qui tiennent compte du rapport signal/bruit dans les enfants. Dans le scanner IRM, les enfants résolvent une série de problèmes arithmétiques, qui sont randomisés selon des ensembles de problèmes entraînés et non entraînés. Enfin, en ce qui concerne le programme d'entraînement, le Dr. Iuculano a mis au point, dans le cadre du projet StrApMat, un nouveau protocole d'entraînement numérique à l'arithmétique qui repose sur des théories neurobiologiques, pédagogiques et cognitives de l'apprentissage. L'intervention se fait à domicile, sur des tablettes et dure au total de 4 semaines. Les analyses de neuroimagerie comprendront des approches de modélisation pour évaluer les effets des variables susmentionnées sur l'apprentissage (des mathématiques) et la plasticité cérébrale chez les enfants de faible SSE

Les résultats préliminaires de StrApMat sont conformes à ses prédictions/hypothèses initiales. Plus précisément, nous montrons qu'au Temps 1 de la recherche (c'est-à-dire avant l’entraînement), parallèlement aux déficits de performance en mathématiques, les enfants issus d'un Status Socio-économique (SSE) défavorisé ont plus d'anxiété, tant généraux que spécifiques aux mathématiques, par rapport à leurs pairs de SSE plus favorisé. Il est intéressant de noter qu'une relation significative, et négative, entre l'anxiété et les performances en mathématiques a été mise en évidence uniquement dans le groupe de faible SSE: plus leur anxiété est élevée, plus leurs performances en mathématiques sont inférieurs. Le groupe des enfants de SSE élevé n'a pas montré cet effet, ce qui suggère que l'anxiété peut être un facteur important dans l'apprentissage (médiocre) des mathématiques dans les cohortes de SSE faible uniquement. Lorsque nous avons examiné différents indices de SSE, nous avons identifié le revenu de la famille comme le facteur le plus prédictif pour expliquer la relation entre l'anxiété et les performances en mathématiques. Le niveau d'éducation de de la mère ou du père - ou des deux - n'a pas joué de rôle médiateur dans cette relation. Au niveau du cerveau, au Temps 1, les résultats préliminaires indiquent que pour les enfants à faible revenu uniquement, une plus grande anxiété en mathématiques était associée à une activité plus élevée dans les régions de traitement des émotions situé dans l'amygdale. En outre, et conformément aux prédictions initiales, nous signalons que les enfants issus de familles à faible revenu présentent une hypo-activation dans les systèmes cérébraux important pour l'apprentissage des mathématiques, comprenant des régions du cortex préfrontal. Ce dernier résultat semble suggérer que chez les élèves de faible SSE, une plus grande anxiété et une activité aberrante de l'amygdale pendant la résolution de problèmes arithmétiques peuvent, à leur tour, perturber le fonctionnement d'autres régions cérébrales essentielles à l'apprentissage des mathématiques (c'est-à-dire le cortex préfrontal), conduisant à des performances inférieurese en mathématiques chez ces élèves. Les données de l’Objectif 2 et de l’Objectif 3 de StrApMat - toutes deux liées aux effets de l’entraînement - sont en cours d'acquisition. Les données sur le cortisol sont également en cours de collecte

CARACTÉRISTIQUES de StrApMat:
StrApMat est un projet de recherche fondamentale ayant d'importantes implications translationnelles. Au niveau fondamental, StrApMat vise à découvrir –pour la première fois– les caractéristiques uniques et particulières d'un faible SSE qui peuvent conduire à déficits en mathématiques. Ces caractéristiques comprennent des facteurs psychosociaux/comportementaux, ainsi que des facteurs neurocognitifs et neurophysiologiques. Outre le fait qu'elles constituent un programme de recherche (multidisciplinaire) innovant et captivant, ces connaissances fondamentales peuvent servir de base à des programmes (et des politiques) de prévention pour améliorer l'apprentissage des enfants défavorisés. Une autre caractéristique remarquable de StrApMat réside dans la nature de son design (c'est-à-dire de neuro-imagerie longitudinale et intervention) qui nous permet de recréer un environnement d'apprentissage écologiquement valide dans un laboratoire. Cela permet de découvrir les mécanismes fondamentaux de la dynamique de l'apprentissage (des mathématiques) –et pas seulement des performances– d'une manière bien contrôlée, tant au niveau du comportement que du cerveau. Au niveau translationnel, les données sur l'apprentissage du projet StrApMat permettront d'évaluer les avantages de notre intervention à plusieurs niveaux d'analyse: comportemental/cognitif, ainsi que neurologique et neurophysiologique.
PERSPECTIVES D'AVENIR:
Dans l'immédiat, nous évaluons les effets de notre nouveau programme d'entraînement numérique destiné aux élèves de l'école élémentaire issus de milieux défavorisés. La nouveauté de notre approche est que les effets de l’entraînement sont évalués à la fois au niveau comportemental et biologique. Dans un avenir plus lointain, nous souhaitons étendre le programme d'intervention à différentes écoles de Paris. En outre, nous prévoyons de poursuivre notre collaboration avec le professeur Chang, de l’Université Nationale de Chengchi, à Taïwan, afin de commencer à étudier les différences culturelles en fonction des différents profils socioéconomiques, des performances en mathématiques, ainsi que des indices d'apprentissage et de plasticité cérébrale. Dans un avenir plus lointain, cette collaboration et ces résultats ouvriront la voie à des collaborations plus nombreuses et plus larges avec d'autres laboratoires dans le monde

Jusqu'à présent, StrApMat a produit une série d'articles scientifiques bien accueillis dans des revues internationales prestigieuses (Neuropsychologia, Developmental Cognitive, Neuroscience, Clinical Psychological Science, Communications Biology) sur les thèmes de la plasticité cérébrale et des différences individuelles pendant l'apprentissage des mathématiques, avec un accent particulier sur les aspects méthodologiques typiques de ces études expérimentales. Les données de StrApMat ont également conduit à la publication d'une série de monographies (chapitres d’ouvrages) sur les thèmes de l'intervention et des inégalités éducatives; ainsi que de nombreux de communications à des congrès/conférences internationales et nationales. En conséquence directe de ce dernier, diverses publications sur les données du StrApMat sont en cours de préparation. La PI de StrApMat, Dr. Teresa Iuculano, a également lancé un vaste programme de sensibilisation/divulgation sur les thèmes de l'apprentissage des mathématiques, des inégalités scolaires et de la plasticité cérébrale, pour les enseignants et pour les écoles de la région parisienne. Depuis 2019, Dr. Iuculano est également consultante pour le programme soutenu par le Bureau International de l'Éducation (IBE)-International Brain Research Organization (IBRO), en partenariat avec l'UNESCO. Ce programme s’appelé «Science de l'apprentissage«, et il est destiné à sensibiliser et expliquer les résultats des neurosciences sur l'apprentissage aux les différentes personnalités travaillant dans le domaine de l'éducation afin d'améliorer les résultats scolaires, en particulier dans les cohortes vulnérables. Au cours de cette collaboration, une série de fiches techniques ont été publiées (https://solportal.ibe-unesco.org/ibe-author/teresa-iuculano/). Enfin, StrApMat a conduit au développement d'un nouveau logiciel d'entraînement à l'arithmétique (logiciel éducatif) qui s'appelle: «Jeux d'entraînement mathématique en ligne pour les enfants de faible SSE«, et qui devrait passer par une phase de brevetage/licence dans les prochains mois. Ce programme est innovant dans le sens où il est basé sur les résultats neuroscientifiques du StrApMat. En outre, il est hautement translationnel: il permettra une grande extensibilité, et donc d'atteindre un nombre significatif d'élèves et d'écoles, dans le but ultime de réduire de manière significative les inégalités scolaires (en mathématiques)

La proportion d'enfants issus de ménages à faible statut socio-économique (SSE) est aujourd’hui alarmante (~ 20%). De nombreuses données ont mis en évidence que les enfants issus de familles à faible revenu réussissent moins bien à l’école, ont de moins bonnes performances sur des tests cognitifs classiques, montrent plus de problèmes comportementaux et émotionnels, et présentent un taux de stress plus élevé que les enfants issus de familles à SSE élevé. Ces enfants présentent un risque élevé d’échec scolaire et donc d’échec professionnel, créant ainsi un réel enjeu éducatif, sociétal et économique. Malgré cela, les mécanismes cognitifs, comportementaux et neuronaux qui sous-tendent l'apprentissage chez les enfants issus de milieux à faible SSE restent à ce jour mal compris et très peu étudiés. L’apprentissage des mathématiques constitue l’un des apprentissages académiques fondamental puisqu’il est essentiel au succès académique et professionnel ainsi qu’au raisonnement quantitatif dans la vie quotidienne. De faibles compétences en mathématiques sont associées à une moins bonne utilisation des ressources sanitaires, à une moins bonne santé, à plus de criminalité et, dans l'ensemble, représentent un coût important pour les nations. Il est également essentiel de noter que les difficultés en mathématiques sont très répandues chez les enfants de milieux défavorisés, et l'identification précise des sources des difficultés pour la réhabilitation a pris une grande importance. Mieux caractériser les effets néfastes de facteurs biologiques et comportementaux, tel que le stress, qui peuvent altérer les mécanismes de plasticité du cerveau chez les enfants à faible SSE, pourrait à terme permettre d’améliorer les capacités d'apprentissage de ces enfants. Ainsi, l'objectif principal de notre projet est d'utiliser un modèle de recherche multimodal novateur combinant tests cognitifs et entraînement avec des mesures biologiques du stress, et des outils d'imagerie cérébrale de pointe pour étudier les mécanismes comportementaux, neuropsychologiques et neurocognitifs sous-jacents à l'apprentissage des mathématiques et à la plasticité cérébrale chez les enfants de milieux à faible SSE. Le travail proposé est ainsi parfaitement en accord avec la mission de l’ANR 2018 qui porte un intérêt particulier à «la lutte contre l'échec scolaire, l'échec dans l'enseignement supérieur et l'apprentissage tout au long de la vie». Par ailleurs, cette recherche fournira un aperçu sans précédent sur les bases comportementale, cognitive et neurobiologique de l'apprentissage des enfants de milieux défavorisés grâce à un programme de recherche novateur et hautement interdisciplinaire visant à améliorer les résultats scolaires des enfants à risque en ce qui concerne les troubles d'apprentissage. Les résultats de cette étude auront des implications majeures non seulement pour informer sur de meilleures pratiques pour remédier à un mauvais apprentissage dans les milieux défavorisés, mais également pour déterminer les sources de variabilité dans l'apprentissage des mathématiques avec de larges conséquences pour optimiser l'apprentissage chez tous les enfants et notamment chez ceux les plus vulnérables. Enfin, ce projet de recherche permettra de répondre à un formidable besoin sociétal et économique, car l'amélioration de l'éducation en mathématiques, en particulier pour les groupes traditionnellement désavantagés, est largement reconnue comme essentielle à la croissance économique et à la sécurité à long terme.

Coordination du projet

Teresa Iuculano (Laboratoire de Psychologie du Développement et de l'Education de l'enfant (LaPsyDE))

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenariat

UPDescartes - UMR 8240 Laboratoire de Psychologie du Développement et de l'Education de l'enfant (LaPsyDE)

Aide de l'ANR 209 693 euros
Début et durée du projet scientifique : janvier 2019 - 48 Mois

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