Absentéisme : pratiques d’entreprises et politiques publiques – APEPP

Nos évaluations empiriques ont recours à des données administratives de grande taille sur les populations visées par les politiques publiques et à des enquêtes en population générale décrivant les comportements des organisations et de leurs employés. Ainsi sont utilisées le panel administratif Hygie appariant les données de carrière et de santé de bénéficiaires du régime général de la sécurité sociale, les données de la Caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, recensant les causes d’absence dans la fonction publique territoriale et enfin les données employeurs-employés des enquêtes Conditions de travail décrivant les pratiques productives des employeurs et l’état de santé des employés.
Nos procédures d’évaluation des réformes publiques utilisent la méthode des doubles différences qui mesure l’effet causal sur les individus concernés au moyen de la comparaison de leurs résultats avec ceux d’individus non concernés avant et après la réforme. Cette méthode s’applique aussi pour évaluer l’impact des changements organisationnels sur la santé des salariés. Pour les deux dernières de nos tâches, l’évaluation des pratiques des entreprises sur l’absentéisme et le présentéisme repose sur la méthode des variables instrumentales pour gérer l’endogénéité du choix de ces pratiques.

Les politiques publiques ont un impact significatif sur l’absence au travail : la hausse en 2008 de l’indemnité d’absence maladie a accru le nombre de jours d’arrêt maladie, tandis que l’instauration d’un jour de carence en 2018 l’a diminué pour les agents territoriaux. En incitant à l’emploi les seniors, le recul de l’âge de la retraite en 2010 a engendré une augmentation sensible de leurs arrêts maladie, dont le surcoût serait de 68 millions d’euros. Les pratiques des entreprises privées ont des effets différenciés : le cumul de changements organisationnels majeurs accroît les risques professionnels, alors que ces risques sont réduits par le recours à des dispositifs de prévention. Toutefois, ces mesures préventives restent encore l’apanage des plus grandes entreprises.

Deux nouveaux projets de recherche avec la chaire partenariale « Entreprise et Santé » Cnam-Malakoff dans la continuité des travaux menés dans le projet APEPP : effets indirects de réforme des retraites de 2023 et allongement de la vie professionnelles et actions de préventions.
Un nouveau projet en collaboration avec les laboratoires Lép de l'Université de Poitiers et le laboratoire LEMNA de l'Université de Nantes : évaluation de l'impact causal du départ en retraite anticipée sur les dépenses de santé des seniors.

Le projet Apepp a produit 6 documents de travail dont quatre ont été publiés dans des revues référencées, deux internationales et deux nationales. Les résultats de ces travaux ont été présentés dans 19 conférences et séminaires, dont 7 à l’international. Nous avons organisé une conférence finale autour des thèmes abordés dans le projet. Trois intervenantes extérieures ont été invitées à présenter leurs communications et trois expert(es) ont animé les échanges lors d’une table ronde. Plus de 100 personnes se sont inscrites à cette conférence.

L’objectif affiché de notre projet est d’apporter des éléments nouveaux de compréhension du phénomène de l’absentéisme pour maladie des travailleurs. Dans un contexte social de maîtrise des dépenses d’assurance maladie mais aussi d’innovations managériales bousculant l’organisation des entreprises et les façons de travailler pour mieux répondre aux impératifs de la concurrence, il est fondamental d’expliquer la croissance récente de l’absentéisme au travail. C’est également important pour les enjeux de santé et bien-être et les objectifs de travail soutenable affichés par les pouvoirs publics, au travers des mesures de prévention préconisées, dans les Plans Santé-Travail notamment.
Pour satisfaire cet objectif, nous proposons un projet articulé en deux parties distinctes. L’objet de la première partie est d’évaluer les effets des réformes de la couverture de l’absentéisme maladie et de l’âge de départ à la retraite dans les secteurs privé et public sur l’absentéisme des individus.Ces réformes ont pour but affiché de maîtriser les dépenses d’assurance sociale et de promouvoir l’équité. Pour le secteur privé, l’Accord National Interprofessionnel de janvier 2008 a changé les règles relatives au délai de carence pour le versement des indemnités complémentaires en cas d’arrêt maladie, les rendant plus favorables aux salariés. La réforme des retraites de 2010 prévoit un recul de l’âge légal de retraite, provoquant un allongement sensible des carrières.Enfin, dans le secteur public, deux réformes successives en 2012 et 2014 ont institué puis supprimé le jour de carence en cas d’arrêt maladie. Nous disposons donc d’un cadre législatif idéal pour mesurer les effets de ces réformes sur l’absentéisme. Cette partie s’articulera en trois tâches. En premier lieu, seront évalués les deux volets de la réforme ANI 2008 sur le niveau d’absentéisme des salariés, à savoir la réduction du délai de carence pour le versement d’indemnités et la réduction de l’ancienneté pour y prétendre. En second lieu, on mesurera l’impact du jour de carence sur les arrêts maladie dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Enfin, sera examiné l’impact de la réforme des retraites de 2010 sur les arrêts maladie.
La seconde partie est elle aussi articulée en trois tâches. Elle est centrée sur l’impact des pratiques organisationnelles des employeurs sur l’absentéisme des individus, mesuré par le nombre et la durée de leurs arrêts, liés à la maladie, aux accidents du travail ou aux maladies professionnelles. Plusieurs aspects de ces pratiques seront pris en compte. Tout d’abord, on examinera les conséquences des changements organisationnels menés dans les entreprises sur les arrêts de travail. Ces changements ayant entre autres pour but l’efficacité du travail, ont-ils aussi un effet vertueux sur la santé des individus ? Ensuite, on analysera comment sont protégées la santé et la sécurité des salariés dans les entreprises privées, selon leurs choix managériaux. On se propose ici de dresser une typologie des mesures de prévention mises en place selon les contextes organisationnels et d’en mesurer les effets sur le niveau d’accidents du travail et de maladies professionnelles constaté. Pour la dernière tâche, nous nous intéressons à un phénomène moins étudié et apparemment plus coûteux que l’absentéisme, le présentéisme, défini comme la présence au travail d’un individu alors qu’il est malade. Une première étape consistera en l’analyse des déterminants organisationnels du présentéisme, la seconde en celle des effets de ce dernier sur les absences pour maladie des individus.
L’ensemble de ces travaux sera réalisé par une équipe appartenant à trois centres de recherche. Plusieurs étapes de validation des travaux sont prévues sur la durée du projet, via un comité de suivi, la soumission des travaux à des conférences et enfin la tenue d’un workshop en fin de projet. Chaque tâche pourra être l’objet d’un ou plusieurs articles dans des revues académiques.