CE03 - Interactions homme-environnement

Antimicrobiens en agriculture : acteurs, pratiques, conflits – AMAGRI

La profession vétérinaire au cœur de la lutte contre l’antibiorésistance

Le régime de régulation des usages d'antibiotiques en élevage à l'épreuve du problème de l'antibiorésistance

1. Les transformations du marché du médicament vétérinaire en France : entre dynamiques professionnelles et action publique

Le problème de l’antibiorésistance repose en partie sur la surutilisation et le mésusage des antibiotiques en élevage. Les politiques de lutte contre l’antibiorésistance se sont surtout focalisées sur les pratiques de prescription et d’utilisation des antibiotiques, sans s’intéresser aux déterminants structurels du marché du médicament vétérinaire. Or, il y a un lien évident entre l’actuelle baisse de l’utilisation des antibiotiques et les recompositions en cours du marché du médicament, qu’il importe de mieux comprendre pour encourager une réduction pérenne et de long terme des antibiotiques.<br />Les résultats préliminaires du projet montrent une transformation des modèles à la fois professionnels et économiques des cabinets vétérinaires ruraux qui accompagne les changements de pratiques. Les approches préventives de la santé animale, souvent considérées comme une solution contre l’antibiorésistance, reposent sur une modification des savoirs vétérinaires, de leur organisation du travail et de leurs relations au client et, in fine, de la structure du marché du médicament. De larges entreprises vétérinaires se développent et occupent une position non seulement de prescripteurs/délivreurs de médicaments mais aussi de distributeur. C’est cette dynamique, dans son ensemble, qui favorise la réduction de l’utilisation des antibiotiques en élevage.

Ces résultats (encore préliminaires) sont obtenus par la combinaison de plusieurs enquêtes et approches méthodologiques. Une recherche historique sur les politiques de régulation du marché du médicament vétérinaire permet de comprendre les raisons de la dépendance économique des cabinets vétérinaires à la vente de médicaments. Des travaux de science politique étudient comment ont été conçues et mises en œuvre les politiques publiques récentes de lutte contre l’antibiorésistance et leur impact sur le marché et les pratiques des acteurs. Enfin, des enquêtes de sociologie et d’économie permettent d’analyser finement les transformations en cours des modèles professionnels et économiques des cabinets vétérinaires afin de comprendre, à une échelle intermédiaire, quels sont les leviers principaux pour encourager une baisse pérenne de l’usage des antibiotiques en élevage.
La combinaison de ces approches est particulièrement innovante dans le champ des recherches sur l’antibiorésistance. Non seulement les sciences économiques et sociales y sont rarement mobilisées, au détriment des sciences techniques et biologiques, mais, quand elles le sont, elles sont souvent limitées à des approches comportementalistes ou culturalistes sur les représentations des acteurs, tandis que les phénomènes structurels tels que les marchés, les professions, les institutions sont laissés de côté. Le projet AMAGRI prend le contre-pied de cette démarche afin de proposer des résultats

Un site internet à destination de publics multiples a été lancé en septembre 2020. Celui-ci offre différents types de ressources, référence les actualités de l’équipe de recherche et propose des billets réguliers à travers lesquels les chercheur.e.s exposent leurs travaux ou réagissent à un sujet d’actualité lié à l’antibiorésistance.
Un séminaire va aussi être lancé à partir de janvier 2021 où les recherches du projet seront présentées et mises en discussion avec les travaux d’autres chercheur.e.s sur des sujets proches. Cet espace est aussi lié à l’élargissement (en cours et à venir) de l’équipe du projet qui a obtenu d’autres contrats de recherche (H2020, DIM Île de France) et candidate actuellement à de nouveaux financements (PPR Antibiorésistance).
Le coordinateur du projet et deux autres membres du projet ont été invités à prendre part à une expertise de l’Anses sur l’antibiorésistance, pour le Ministère de l’Agriculture. Les résultats du projet sont donc directement mobilisés pour éclairer la décision publique.

Le projet AMAGRI est le fer de lance d’un collectif de recherche qui a initié des travaux innovants en sciences sociales de l’AMR, comblant un manque évident de la littérature (et une demande des pouvoirs publics comme des stakeholders) sur ces questions. Ce collectif contribue aussi grandement au développement de collaborations interdisciplinaires avec les sciences vétérinaires, et s’inscrit dans des réseaux académiques internationaux. L’objectif est désormais d’assurer la pérennité de ce collectif pour les prochaines années, via de nouveaux financements, afin de capitaliser sur les résultats obtenus et d’élargir les recherches.

Plusieurs articles en lien avec ce projet, et en synergie avec les autres projets du collectif de recherche, ont déjà été publié ou sont en cours de publication. Une liste complète figure en annexe mais on peut notamment mentionner la coordination de deux numéros spéciaux sur la profession vétérinaire et sur l’usage des antibiotiques en élevage, à la fois dans le domaine des sciences sociales et dans le cadre d’approches interdisciplinaires.

L’objectif d’AMAGRI est de favoriser la réduction de l’utilisation des antibiotiques en élevage afin de répondre au problème de l’antibiorésistance dans le secteur agroalimentaire, en contribuant au développement d’innovations socioéconomiques en matière de prescription, délivrance et usage raisonné des antibiotiques en médecine vétérinaire. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la santé publique, la sécurité alimentaire et la gestion des écosystèmes, car la réduction de l’utilisation des antibiotiques constitue l’une des clés pour encourager le développement de modèles de production durables. En cherchant à comprendre, d’une part, comment s’est installé le modèle dominant d’un élevage intensif soutenu par un recours accru aux antibiotiques, et en encourageant, d’autre part, les dynamiques actuelles qui s’efforcent de réduire cette dépendance technique, économique et culturelle au médicament vétérinaire, AMAGRI contribue à la transition vers un modèle de production « agroécologique » permettant une meilleure maitrise des risques sanitaires et environnementaux posés par le phénomène de l’antibiorésistance.
Si l’usage des antibiotiques en élevage tend aujourd’hui à diminuer en France et en Europe, il reste à identifier les déterminants structurels et les leviers d’action qui permettent cette tendance, afin de la renforcer et la soutenir durablement. En effet, jusqu’à présent les recherches se sont surtout penchées sur la perception des acteurs et les alternatives techniques aux antibiotiques, mais ne questionnent pas les effets des politiques publiques de régulation du médicament vétérinaire ni les dynamiques professionnelles et économiques du secteur de la santé animale. Nous posons au contraire l’hypothèse que la transformation des pratiques, des savoirs et des modes de travail et d’organisation de la médecine vétérinaire, en lien avec les politiques du médicament vétérinaire, joue un grand rôle sur l’évolution des modes d’utilisation des antibiotiques en élevage et le développement de modèles de production agroalimentaires innovants.
AMAGRI est un projet interdisciplinaire de sciences sociales qui articule des travaux d’histoire et de science politique sur l’évolution de la réglementation du médicament vétérinaire et des débats publics sur l’antibiorésistance, et des travaux de sociologie et d’économie sur les transformations contemporaines du modèle professionnel et économique des structures vétérinaires rurales. Il s’agit de produire, pour la première fois en France, une analyse globale de la question de l’usage des antibiotiques en élevage. Le projet retrace d’une part la genèse de ce problème public et des politiques publiques sensées le prendre en charge, et évalue d’autre part l’impact des mesures récentes et leur articulation avec les dynamiques socioéconomiques en cours contribuant à la transition vers une médecine vétérinaire préventive et un usage raisonné des antibiotiques.
AMAGRI est conduit par une équipe de chercheurs spécialistes des questions relatives à la santé animale, la profession vétérinaire et au médicament vétérinaire. Il apportera une contribution significative à la littérature de sciences sociales et aux approches interdisciplinaires qui n’ont que trop peu abordé le problème de l’antibiorésistance jusqu’à présent, et favorisera par ailleurs le développement de réseaux académiques nationaux et internationaux sur cet enjeu majeur. Par ailleurs, AMAGRI aura un fort impact sociétal grâce à ses interactions tout au long du projet et au-delà avec les organisations professionnelles vétérinaires et l’administration vétérinaire du ministère de l’Agriculture. Les travaux conduits au sein du projet seront en adéquation avec les préoccupations des parties prenantes concernées par le problème de l’antibiorésistance et favoriseront la mise en œuvre de solutions socioéconomiques innovantes pour la réduction de l’usage des antibiotiques en élevage.

Coordination du projet

Nicolas Fortané (Institut de recherche Interdisciplinaire en Sociologie, Economie et Science Politique (IRISSO))

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IRISSO Institut de recherche Interdisciplinaire en Sociologie, Economie et Science Politique (IRISSO)

Aide de l'ANR 208 770 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2018 - 36 Mois

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