CE02 - Milieux et biodiversité : Terre vivante

Déclin des artiodactyles endémiques d'Europe – DEADENDER

Déclin des artiodactyles endémiques d’Europe : autopsie d'une extinction

Exploration des mécanismes d’extinction biologique à travers le cas des mammifères artiodactyles endémiques d’Europe ; réponse d’organismes étroitement apparentés lors de changements climatiques, et impact des facteurs biotiques et/ou abiotiques sur leur diversité

Enjeux et objectifs du projet

DEADENDER propose d’explorer les mécanismes d’extinction biologique à travers le cas des mammifères Artiodactyles Endémiques d’Europe (AEE) et d’observer la réponse de ces organismes lors de changements climatiques, ainsi que l’impact sur leur diversité, de facteurs biotiques (masse corporelle, régime alimentaire, complexité cérébrale, compétition, prédation) et/ou abiotiques sur une période de 25 millions d’années (Eocène-Oligocène). La plupart des AEE s’éteignent aux abords de la Grande Coupure – une extinction majeure à la transition Eocène-Oligocène – et n’ont pas d’équivalent écologique chez les artiodactyles actuels. DEADENDER va combiner le registre fossile exceptionnel du Quercy (France), avec des méthodes analytiques de pointe en matière d’études morphologiques et d’analyses de la dynamique de la diversité afin de réaliser l’autopsie de l’extinction des AEE. En outre, le contexte géologique et temporel des gisements étudiés est également au cœur du questionnement, avec notamment, la mise en œuvre exploratoire d’essais de datations absolues. <br />DEADENDER permettra : 1) de déterminer les taux de spéciation et d’extinction pour chaque clade d’AEE ; 2) d’identifier les effets des variables environnementales sur l’extinction ou la spéciation ; 3) d’identifier le rôle de la compétition, et 4) d’explorer l’évolution phénotypique en lien avec la réponse aux perturbations du milieu. Les résultats de DEADENDER documenteront directement le potentiel évolutif des espèces à s’adapter à des changements environnementaux, et les processus qui gouvernent la réponse biologique à des changements climatiques et à l’arrivée de compétiteurs.

DEADENDER comporte deux blocs de tâches complémentaires. Le premier a pour objectif de déterminer avec le plus de précision possible la diversité spécifique, la distribution temporelle et l’écologie des AEE – avant, pendant, et après la GC. Pour atteindre ces objectifs, une révision systématique sera mise en œuvre. Des campagnes de terrain (fouilles et prospection) viendront compléter le registre déjà disponible et seront couplées à des études stratigraphiques et radio- isotopiques, pour tenter de dater les gisements de façon absolue. L’écologie des EEA, des animaux sans analogues actuels, sera déterminée à partir de l’étude des structures endocrâniennes (organes des sens) et de la microtexture dentaire. Le second ensemble de tâches propose d’explorer le tempo de spéciation et d’extinction des clades d’AEE et la contribution des facteurs biotiques et abiotiques à la dynamique de leur diversité en mettant en œuvre des analyses de diversité. Il permettra également de suivre l’évolution phénotypique des clades d’AEE, et son rôle potentiel dans leur réponse au stress lié au changement de leur environnement en suivant l’histoire évolutive des traits d’histoire de vie.

Une première campagne de terrain a permis de compléter le maillage du registre paléontologique, de préciser l’âge de certains gisements, et de donner une image plus complète de l’assemblage faunique pour différentes périodes d’intérêt. Nous avons fait le choix d’étudier dans un premier temps la dynamique de la diversité d’une famille en particulier : les Cainotheriidae. Le focus sur un groupe taxonomique restreint, diversifié et bien documenté, nous a permis d’affiner notre démarche et notre protocole de séquences d’analyses avant de mettre en œuvre l’étude de la dynamique de la diversité à l’échelle de l’ordre. Nous avons mis en évidence une diversification taxonomique locale des Cainotheriidae après la Grande Coupure, et clarifié les relations phylogénétiques au sein de la famille et sa position controversée au sein des Artiodactyla. Nous avons également documenté l’histoire évolutive précoce de la famille en identifiant un nouveau genre et une nouvelle espèce qui représente le premier rameau de leur histoire. Cela permet de suivre la mise en place de leur morphologie dentaire singulière. Les analyses de diversité des Cainotheriidae indiquent un faible rôle de la température et un rôle prépondérant de la compétition dans l’évolution de la dynamique de leur diversité. Afin de préciser le contexte stratigraphique, temporel, et la dynamique sédimentaire des sites d’intérêt en lien avec le paléoenvironnement, de nombreuses analyses géochimiques et minéralogiques ont été mises en œuvre. Les résultats indiquent que les changements climatiques lors de la Grande Coupure ne s’expriment qu’à travers les structures sédimentaires fossilisés dans les remplissages (chenaux et fentes de dessiccations), et conduisent à envisager un rôle important des mécanismes bactériens dans la mobilisation et la précipitation du phosphate.

La première période aura été dévolue, pour l’aspect paléontologique, à tester et affiner le protocole d’analyse sur un groupe d’AEE en particulier, la famille des Cainotheriidae. Il s’agit désormais d’appliquer ces analyses à plus grande échelle et d’englober le groupe d’intérêt dans son ensemble. Les analyses de microtexture de l’émail dentaire, en cours de réalisation, nous fourniront des informations précieuses sur le régime alimentaire des AEE. Parallèlement à cela, l’étude des structures endocrâniennes, également déjà initiée, fournira d’autres indicateurs de leur paléobiologie tels que leur capacité auditives ou leur complexité cérébrale. Les analyses de diversité seront menées à l’échelle des Artiodactyla, à partir d’un registre paléontologique complété et d’une taxonomie révisée. Un aspect complémentaire sera d’explorer l’effet potentiel de certaines adaptations des AEE sur l’évolution de leur phénotype. Cela permettra de tester l’effet de traits discrets comme le régime alimentaire, sur des traits continus comme les paramètres liés à la spécialisation sensorielle (par exemple, la taille relative des bulbes olfactifs ou le volume de la cochlée) ou aux capacités cognitives (comme la complexité néocorticale).

Trois articles sont disponibles dans des revues à comité de lecture :

Weppe R. et al. 2020 Cainotheriidae (Mammalia, Artiodactyla) from Dams (Quercy, SW France); phylogenetic relationships and evolution around the Eocene-Oligocene transition (MP19-MP21). Journal of Systematic Palaeontology 18(7), 541-572. DOI: 10.1080/14772019.2019.1645754

Assemat A. et al. 2020. The ossicular chain of Cainotheriidae (Mammalia, Artiodactyla). Journal of Anatomy 1-13. (first online) DOI: 10.1111/joa.13190

Assemat A. et al. 2020. 3D models related to the publication: The ossicular chain of Cainotheriidae (Mammalia, Artiodactyla). MorphoMuseuM (first online) DOI:10.18563/journal.m3.110

Les résultats des campagnes de terrains, et des études paléontologiques ont également été présentés lors de 4 communications lors de deux congrès internationaux :
- Congrès de l’Association Paléontologique Française, Aix-en-Provence, 2019

Weppe R. et al. Les Cainotheriidae (Mammalia, Artiodactyla) de Dams (Quercy, SW France); relations phylogénétiques et évolution de leur diversité à la transition Eocène-Oligocène (MP19-MP21).

Orliac M. et al. La phosphatière de Dams (Quercy), un nouveau site fossilifère majeur encadrant la Grande Coupure de Stehlin (transition Eocène-Oligocène).

Assemat A. et al. 2019. La chaîne des osselets de l’oreille moyenne des Cainotheriidae (Mammalia, Artiodactyla)

- Congrès PalEurAfrica, Bruxelles, Belgique 2019

Weppe R. et al. Cainotheriidae (Mammalia, Artiodactyla) from Dams (Quercy, SW France); phylogenetic relationships and evolution around the Eocene-Oligocene transition (MP19-MP21).

Comprendre les mécanismes de l’extinction biologique est une préoccupation primordiale en biologie évolutive et en paléontologie. Au même titre que l’extinction de masse des dinosaures non-aviens il y a 66 millions d’années (Ma), la période autour de la limite Eocène-Oligocène (~33.9–33.5 Ma), considérée comme une transition climatique majeure du Cénozoïque, coïncide avec une grave extinction faunique en Europe : la Grande Coupure (GC). DEADENDER propose de réaliser une dissection du processus biologique d’extinction en s’intéressant aux mammifères Artiodactyles Endémiques Européens (AEE) afin d’étudier la réponse d’animaux phylogénétiquement proches à des modifications de leur environnement, et l’impact des facteurs biotiques et abiotiques sur leurs diversité spécifique et déclin final. DEADENDER propose une approche innovante associant un registre fossile particulièrement complet et continu, avec des méthodes analytiques de pointe en matière d’études morphologiques et d’analyses de la dynamique de la diversité. Ce projet exploite le registre fossile unique des phosphorites du Quercy, en France (certifié Geopark Global UNESCO) pour tester l’impact de facteurs biotiques (e. g., masse corporelle, régime alimentaire, complexité cérébrale, compétition, ou prédation), et abiotiques (température, niveau marin) sur la dynamique de la diversité des AEE.

DEADENDER comporte deux volets complémentaires. Le premier a pour objectif de déterminer avec le plus de précision possible la diversité spécifique, la distribution temporelle et l’écologie des AEE – avant, pendant, et après la GC. Pour atteindre ces objectifs, une révision systématique sera mise en œuvre. Des campagnes de terrain ciblées (fouilles et prospection sur des sites précis) viendront compléter le registre déjà disponible et seront couplées à des études stratigraphiques et radio-isotopiques, pour mieux contraindre encore le cadre temporel des localités étudiées. L’écologie des AEE (ongulés sans analogues actuels stricts) sera déterminée par l'étude 3D de la micro-usure dentaire (3D-DMTA ; régime alimentaire) et à partir des caractéristiques du cerveau et de l'oreille interne (reconstruits virtuellement sur la base de données CT-Scan). Le second volet propose d’explorer le tempo de spéciation et d’extinction des clades d’AEE et la contribution des facteurs biotiques et abiotiques à la dynamique de leur diversité. Il permettra également de suivre l’évolution phénotypique des clades d’AEE, et son rôle potentiel dans leur réponse au stress lié aux changements locaux de leur environnement.

DEADENDER permettra : 1) de résoudre les relations de parenté des AEE au sein des Artiodactyla ; 2) de déterminer les taux de spéciation et d’extinction pour chaque clade d’AEE ; 3) d’identifier les effets des variables environnementales sur l’extinction ou la spéciation ; 4) d’identifier le rôle de la compétition, et 5) d’explorer l’évolution phénotypique en lien avec la réponse aux perturbations du milieu. Cela permettra une meilleure compréhension de l’extinction des AEE incluant les spécificités des taxons victimes, des survivants, des remplaçants, les liens potentiels entre les traits d’histoire de vie et le taux de survie/d’extinction au sein de chaque clade.
Les résultats de DEADENDER documenteront directement le potentiel évolutif des espèces à s’adapter à des changements environnementaux, et les processus qui gouvernent la réponse biologique à des changements climatiques et à l’arrivée de compétiteurs. Ce sujet est particuliérement d'actualité dans le contexte actuel d'érosion de la biodiversité à l'échelle mondiale. Ce sujet est particuliérement d'actualité dans le contexte actuel d'érosion de la biodiversité à l'échelle mondiale. A ce titre, au delà de la communauté scientifique, les résultats de DEADENDER auront un intérêt pour le grand public et les scolaires et bénéficieront du réseau de diffusion des parc naturel et réserve géologique des Causses du Quercy et du Lot.

Coordination du projet

Maeva Orliac (Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ISEM Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier

Aide de l'ANR 178 308 euros
Début et durée du projet scientifique : octobre 2018 - 42 Mois

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