FRAL - Programme franco-allemand en Sciences humaines et sociales

La transition énergétique dans les débats publics en Allemagne et en France. Saisir les transformations écologiques en croisant deux approches sociologiques des discours – ENERGICORPUS

La Transition énergétique dans les débats publics en Allemagne et en France.

Saisir les transformations écologiques en croisant deux approches sociologiques des discours

Alternatives, controverses et batailles d'influence autour des énergies du futur

Cette recherche collaborative franco-allemande associe le croisement de perspectives théoriques et méthodologiques différentes, mais proches, en matière d’analyse de corpus de discours, l’adaptation de procédures informatiques distribuées dans plusieurs logiciels développés en France, dont Prospéro, spécialement adapté pour la langue allemande, et des enquêtes croisées sur les débats, controverses et politiques publiques autour de la transition énergétique (Energiewende). En faisant converser et travailler de concert la sociologie pragmatique des controverses (côté français) et l’analyse du discours liée à la sociologie de la connaissance du côté allemand (SKAD), on enrichit considérablement les modes de comparaison entre les deux pays sur un thème majeur, celui des enjeux énergétiques, en ces temps de « crises multiples chroniques » (environnementales, politiques, économiques »). <br /><br />La confrontation des cadres d’analyse permet en outre de faire évoluer les concepts, les grilles interprétatives, les corpus et les outils numériques. En s’efforçant de saisir le développement des discours publics autour des relations entre énergie et environnement sur la longue durée (de 1970 à nos jours), on fournit une base solide pour suivre les événements en cours et les évolutions futures dans les deux pays, ainsi qu’au niveau européen.

La construction de grands corpus numériques, analysés avec le logiciel Prospéro dont les fonctionnalités sont croisées avec la méthode SKAD, constitue le principal livrable de cette recherche. À partir des corpus, il est possible de produire des cartographies dynamiques des jeux d’acteurs et d’arguments, des formes de mobilisation et de débat public, des décisions et d’instruments de gouvernement des systèmes énergétiques, en lien avec les changements politiques à l’œuvre dans les deux pays.

Les deux équipes se sont jusqu'alors concentrées sur la traduction en allemand de l’interface de Prospéro et sur la mise en place des principaux outils (dictionnaires, ontologies et grilles de concepts sémantiques, pour le traitement automatique des corpus de langues allemandes.
L’antériorité de la question énergétique en Allemagne liée à la puissance d’expression des écologistes, puis à deux événements marquants, la chute du mur (1989) puis la sortie du nucléaire décidée après Fukushima, font qu’il n’y a pas véritablement de comparaison terme à terme, à partir de deux corpus commensurables. Par contre, on peut mettre en évidence les procédés par lesquels les acteurs, dans chaque pays, produisent des comparaisons – l’argument de comparaison étant au cœur des analyses argumentatives. En matière d’énergie il n’y a pas que des discours et des dispositifs techniques dont le contrôle est plus ou moins centralisé, public ou privé, consensuel ou controversé : il y a des principes d’équivalence, des Mega-Watts, des émissions de CO2 et des coûts. L’usage des équivalences, et plus généralement des appuis scientifiques, avec toutes les tensions épistémiques qui en découlent forment une voie heuristique pour travailler l'analyse contrastive France/Allemagne.
On note une importante conflictualité à différentes échelles, malgré l’apparent consensus sur la nécessaire « transition énergétique ». Si les fermes d’éoliennes sont souvent contestées localement, sur tout un ensemble de technologies et de « solutions » on voit se développer des positions critiques, qu’il s’agisse de la poursuite de l'exploitation de mines de lignite (Hambach), de doutes sur la durabilité de certaines technologies (géothermie, photovoltaïque, méthanisation) ou encore des tensions entre réseaux coopératifs locaux et industries capitalistiques. Quant au nucléaire et au gaz de schiste (mais aussi le gaz de couche), les conflits évoluent différemment selon le sort réservé aux projets et aux installations.

Le travail de constitution et d’interprétation des corpus est en cours, mais il y a évidemment d’ores et déjà une série de résultats marquants. Certains étaient attendus et ne sont guère surprenants, d’autres sont plus intéressants et fourniront la matière à de multiples communications et publications ultérieures.

Les deux équipes comptes tirer partie au maximum dans les deux prochaines années de la capacité des logiciels socio-informatiques conçus autour de Prospéro de rendre possibles et interprétables des révélations de phénomènes discursifs liées à la compilation de séries temporelles longues et à la confrontation de discours en provenance d’acteurs hétérogènes opérant à des échelles différentes. De ce point de vue, les échanges de plus en plus précis avec les chercheurs-développeurs de l’Institut des Systèmes Complexes de Paris-Île-de-France peuvent faire envisager la création d’une bibliothèque collaborative et évolutive de corpus, soit une suite ouverte et innovante aux travaux menés pour cette ANR-DFG.

Organisation d'une premier Workshop à l'Université d'Augsburg les 25 et 26 octobre 2019, intitulé : Transition stakes and scales. Dissenting arguments and conflicting prospects in French and German energy debates and practices.
12 intervenant-e-s, français et allemands, particulièrement compétents en SHS sur les questions d'énergie.

Conflits, débats et politiques énergétiques ont suivi des trajectoires différentes en France et en Allemagne, avec un mouvement écologique plutôt faible et l’hégémonie du nucléaire côté français, un mouvement écologique plus structuré, dès les années 1980, et la sortie récente du nucléaire au profit d’un système énergétique mixte côté allemand. Récemment, sous l’effet des politiques climatiques et des directives européennes, des changements importants se sont produits, créant des convergences à différentes échelles dans les deux pays.
La recherche envisagée poursuit deux objectifs principaux. Il s’agit d’abord, sur le plan théorique et méthodologique, de faire entrer en collaboration deux approches d’analyse des discours, développées dans les deux pays autour des analyses des risques technologiques et des conflits écologiques : la sociologie pragmatique des controverses (et son usage du logiciel Prospéro) du côté français, l’analyse du discours liée à la sociologie de la connaissance du côté allemand (SKAD). Malgré leurs usages répandus en sciences sociales en France (sociologie des controverses) et en Allemagne (SKAD) depuis plus d’une dizaine d’années, ils n’ont pas eu l’occasion de surmonter la barrière linguistique qui sépare leurs champs académiques respectifs.
Le deuxième objectif consiste à analyser le développement des discours publics autour des relations entre énergie et environnement, en les envisageant sur la longue durée (de 1970 à nos jours). En forgeant une approche heuristique commune, nous organiserons la comparaison des trajectoires argumentatives suivies dans les deux pays, en restant attentifs aux multiples interconnections, liées en partie aux rapports aux institutions européennes. Un certain nombre d’événements marquants ont joué le rôle de reconfigurateurs (changements de majorité politique, Tchernobyl et Fukushima, sommets internationaux comme Rio+20 ou la COP21 de Paris) et il s’agira de saisir à la fois les différences d’interprétation et les dynamiques sociotechniques produites en Allemagne comme en France.
Pour lier les deux objectifs, nous construirons de grands corpus numériques qui seront analysés avec le logiciel Prospéro adapté en connexion avec l’appareil méthodologique de SKAD. L’usage intégré des deux approches permet de produire des cartographies dynamiques des jeux d’acteurs et d’arguments, des formes de mobilisation et de débat public, des ensembles de décisions et d’instruments normatifs, et une analytique compréhensive des relations dynamique entre transition énergétique et transformations des sphères publiques dans les deux pays. Cette recherche collaborative formera la première pierre d’un dispositif scientifique durable, ancré sur des corpus et des outils communs, afin d’observer et d’analyser les transformations qui s’opèrent (ou non) dans les sphères politiques et technologiques autour des enjeux énergétiques et environnementaux en Europe.

Coordination du projet

Francis CHATEAURAYNAUD (GSPR - EHESS)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

UNA Université d'Augsburg
Groupe de Sociologie Pragmatique et Réflexive (EHESS) GSPR - EHESS

Aide de l'ANR 332 658 euros
Début et durée du projet scientifique : mars 2018 - 36 Mois

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