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Dons croisés de reins : théorie et évaluation de la pratique en France – PAIRED_KIDNEY_DONATION

Programmes de dons croisés de reins : évaluation et perspectives

La durée d’attente d’une greffe rénale ne cesse d’augmenter en France. Pour éviter cette attente, certains malades trouvent un proche volontaire pour leur donner un rein. Néanmoins, il n’est pas rare que ces malades soient incompatibles avec leur donneur potentiel. Face à cette difficulté, des programmes de dons croisés, où des patients « échangent » leurs donneurs, ont été développé. Nous cherchons à comprendre l’échec relatif du programme français et à proposer des pistes d’amélioration.

Perspectives pour le programme français de dons croisés de reins

Deux raisons permettent d’expliquer les résultats décevant du programme français de dons croisés de reins: 1- les règles encadrant son fonctionnement sont trop restrictives (seuls les échanges impliquant deux paires sont autorisés) ; 2- la participation est trop réduite. Partant de ce constat, nous proposons d’évaluer l’impact de l’introduction de nouvelles pratiques ainsi que d’un accroissement de la participation, sur le nombre de greffes possibles. Nous considérons d'abord l’introduction de cycles d’échange d’ordre trois et quatre (échanges impliquant respectivement trois et quatre paires). Nous analysons ensuite l’impact de l’autorisation de chaînes de greffes. Contrairement à un cycle d’échange une chaîne n’est pas fermée (il n’est pas nécessaire de trouver un patient compatible pour le dernier donneur de la chaîne). Cette spécificité permet d’augmenter les possibilitiés de greffe par rapport au cas où seuls les cycles sont autorisés. Dans la plupart des pays ces chaînes sont initiées par des donneurs vivants altruiste. Ce type de don altruiste n’étant pas, pour l’instant, envisagé en France, nous considérons des chaînes initiées par des donneurs décédés. Il s’agirait de donner la possibilité au donneur d’une paire participant au programme d’initier une chaîne, en échange de quoi le patient qui lui est associé recevrait une priorité élevée sur la liste des donneurs décédés. Enfin, nous considérons la possibilité que certaines greffes effectuées au sein du programme d’échange le soient entre des paires incompatibles en terme de groupe sanguin. Une telle proposition s’appuie sur le fait que, pour certains patients, ce type de greffe incompatible conduit à des résultats comparables à ceux d’une greffe compatible. En outre, en augmentant le nombre d’échanges réalisables, quelques-unes de ces greffes incompatibles au sein du programme de cons croisés sont susceptibles d’augmenter le nombre total de greffes compatibles en particulier pour les patients hyperimmunisés.

Afin de quantifier l’impact de l’introduction de nouvelles pratiques, nous disposons de données mises à notre disposition par l’Agence de la Biomédecine. Une première série de données concerne les paires ayant participé au programme depuis sa création. A partir de ces données, nous avons mené une des analyses contrefactuelles nous permettant d’estimer le nombre de greffes supplémentaires que nous aurions pu attendre si d’autres pratiques avaient été introduites. Par définition, ces analyses sont menées à participation inchangée. Afin de considérer l’impact d’une augmentation de la participation nous avons également mené une série de simulations. Pour ce faire, nous décomposons l’ensemble des paires ayant participé au programme en différents types biologiques. Nous créons ensuite des pools fictifs en supposant que l’arrivée de chaque type de paire suit une loi de poisson dont le paramètre correspond au flux d’entrer moyen de ce type dans les données, multiplié par un paramètre d’échelle. Ainsi, si le paramètre est fixé à un, nous répliquons, en moyenne, la composition du programme d’échange. Une augmentation de ce paramètre permet de simuler une participation accrue au programme et d’estimer son impact sur l’efficacité de l’introduction de nouvelles pratiques. Une analyse plus fine est menée en ce qui concerne les chaînes de greffes. En effet, pour qu’au sein du programme, un donneur accepte d’initier une chaîne, il faut assurer au patient qui lui est associé une proposition de greffon, provenant d’un donneur décédé, de suffisamment bonne qualité dans un délai raisonnable. Nous utilisons donc une deuxième base de données concernant les offres de greffons issus de donneurs décédés. Grâce à cette base nous calculons le nombre de propositions qu’aurait pu recevoir chaque patient ayant participé au programme. Il nous a également était possible de décomposer ce nombre de propositions selon des mesures objectives de la qualité du greffon.

Notre analyse contrefactuelle nous amène à conclure que l’autorisation des cycles d’échanges impliquant jusqu’à trois paires (au lieu de deux actuellement) aurait été susceptible d’augmenter le nombre de greffes au sein du programme de plus de 20%. Partant de cette nouvelle situation l’autorisation des échanges impliquant quatre paires aurait eu un effet plus modeste. L’introduction d’une chaîne par an, initiée par un donneur décédé de qualité standard, aurait permis une augmentation du nombre de greffes de 50%, même dans le cas où seuls les échanges par paires sont autorisés. En outre, lorsque ces chaînes sont introduites, l’augmentation du nombre de paires pouvant prendre part à un même échange n’a plus d’impact sur le nombre de patients greffés. Etant donnée la relative abondance, en France, de greffons provenant de donneurs décédés, l’introduction de ces chaines est donc susceptible d’améliorer significativement les performances du programme d’échange. Enfin, l’autorisation des greffes incompatibles en termes de groupe sanguin au sein du programme a un impact très positif sur le nombre de greffes (150% d’augmentation lorsque seuls les échanges par paires sont autorisés). Cependant, ce résultat doit-être interprété comme une borne supérieure dans la mesure où nous manquons d’informations précises sur la possibilité, pour les différents patients inscrits dans le programme, de recevoir une greffe incompatible. Les résultats de nos simulations nous permettent de conclure à un impact plus que proportionnel de l’augmentation de la participation au programme sur le nombre total de greffes : lorsque seuls les échanges par paires sont autorisés, et que la participation au programme est doublée, le nombre de greffes est multiplié par 2,46. Enfin, nous obtenons que les effets positifs, sur le pourcentage de patients greffés, associés au fait d’introduire de nouvelles pratiques au sein du programme d’échange, seraient magnifiés si la participation au programme augmentait.

L’un des aspects que nous ne pouvons pas prendre en considération sur la base de notre analyse contrefactuelle et de nos simulations est que l’augmentation de la participation et l’introduction de nouvelles pratiques sont intimement liées. En effet, si ces nouvelles pratiques augmentent la probabilité d’être greffé au sein du programme, leur introduction est susceptible d’inciter de nouvelles paires à participer. Si c’est effectivement le cas, notre analyse sous-estime l’impact de l’introduction de ces nouvelles pratiques. Nous souhaitons donc construire un modèle de choix dans lequel les patients de chaque paire arbitrent entre les différentes options qui s’offrent à eux : attendre un rein provenant d’un donneur décédé, recevoir une greffe incompatible de son propre donneur ou rejoindre le programme d’échange. Il s’agira ensuite, en utilisant les données mises à notre disposition par l’Agence de la Biomédecine, d’estimer ce modèle de choix afin, notamment d’évaluer la façon dont la propension à entrer dans le programme est affecté par la probabilité de recevoir une greffe dans le programme. Sur la base de ces estimations il sera alors possible de mesurer l’effet total que l’on peut attendre de l’introduction de nouvelles pratiques, effet total pouvant être décomposé en un effet direct (à participation donner) et d’un effet indirect (prenant en compte le changement induit dans la participation).

En cours.

Des millions de personnes dans le monde souffrent de maladies rénales chroniques. Le nombre de patients sur la liste d’attente des donneurs décédés ne cesse de croître. En réaction, des programmes d’échanges de reins ont été lancés. Ils autorisent des patients avec des donneurs vivants incompatibles à “échanger” leurs donneurs. Ce projet va aborder les programmes d’échanges de reins dans une perspective à la fois théorique et empirique. Son origine se trouve dans notre analyse d’une base de données fournie par l’Agence de la Biomédecine portant sur les paires patients-donneurs ayant participé au programme d’échange français depuis son lancement. Ce programme autorise uniquement les échanges croisés par paires. En se basant sur une analyse préliminaire, nous avons observé que les échanges par triplet peuvent accroître de 20% le nombre de transplantations. Néanmoins, les échanges tripartites posent des difficultés logistiques : chacun nécessite six opérations simultanées. En outre, nous observons que les chaînes déclenchées par des donneurs non-dirigés (donneurs n’ayant pas de patients associés) peuvent générer de grandes améliorations par rapport à la pratique actuelle sans difficultés logistiques supplémentaires puisque les transplantations associées peuvent être réalisées séquentiellement. Notre exploration de la base de données met en évidence trois éléments additionnels qui sont au cœur de notre projet. D’abord, notre analyse contrefactuelle met en relief que certains patients difficiles à apparier (patients hyperimmunisés et/ou de groupe sanguin O) bénéficient du relâchement des règles du programme d’échange. En particulier, l’arbitrage entre une politique qui cible ces patients et le nombre total de transplantation tend à disparaître lorsque la taille du registre s’accroît et lorsque les politiques deviennent plus permissives. Nous notons également que les gains associés aux chaînes croissent lorsque le registre devient plus grand. Finalement, nous constatons qu’une réduction marginale de la taille des chaînes à une date donnée peut permettre d’obtenir des chaînes bien plus longues dans le futur. Plusieurs pistes de recherche découlent de ces observations. Après avoir analysé plus en profondeur notre base de données, nous planifions de mieux comprendre l’arbitrage entre efficacité (nombre total de greffes) et justice (nombre de greffes pour les patients les plus difficiles à apparier). Nous tâcherons de comprendre théoriquement en quoi le coût à imposer un critère de justice peut décroître lorsque la taille du registre croît et lorsque les politiques deviennent plus flexibles, en particulier, lorsque les chaînes sont autorisées. Partant du constat précédent selon lequel la taille du registre est essentielle pour obtenir de meilleures performances en termes d’efficacité et de justice, nous tâcherons également de mieux cerner les types de politique étant susceptibles de donner des incitations aux différents pays à fusionner leurs programmes d’échanges. Cette question est non-triviale puisqu’une telle fusion peut entrainer une diminution du nombre de transplantations au sein de certains pays si la politique d’appariement n’est pas adaptée. Finalement, notre dernière observation empirique suggère qu’il est important de considérer l’évolution future du registre au moment où une décision de transplantation est prise. Plus généralement, cela suggère une tension entre l’optimisation statique et l’optimisation dynamique. Nous planifions de comprendre du point de vue théorique comment des politiques d’appariement simples peuvent être mises en œuvre afin de mieux tenir compte de cette tension et de maximiser l’efficacité et la justice de l’affectation dans une perspective inter-temporelle. Les allers-retours entre la théorie et les données constituent un aspect central de note projet. Notre objectif final consistant à proposer des recommandations concrètes pour organiser de façon plus appropriée le programme d’échange en France.

Coordination du projet

Victor Hiller (LABORATOIRE D'ECONOMIE MATHEMATIQUE ET DE MICRO-ECONOMIE APPLIQUEE)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LABORATOIRE D'ECONOMIE MATHEMATIQUE ET DE MICRO-ECONOMIE APPLIQUEE

Aide de l'ANR 153 088 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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