De la microstructure fibreuse du tissu vocal à la biomécanique phonatoire : conception d'un nouvel oscillateur biomimétique – MicroVoice
De la microstructure fibreuse du tissu vocal à la biomécanique phonatoire: conception d'un nouvel oscillateur biomimétique
L’objectif de MicroVoice est de comprendre le lien entre la microstructure du pli vocal, son comportement biomécanique et ses propriétés vibratoires remarquables, et d’avancer vers le développement de nouveaux oscillateurs biomimétiques. A terme, MicroVoice fournira un cadre solide pour la conception innovante d’implants phonatoires fibreux.
La biomécanique phonatoire: un domaine méconnu
L’étude de la production vocale humaine est complexe car elle met en jeu de nombreux phénomènes couplés, e.g. des phénomènes acoustiques, aérodynamiques et biomécaniques. Aujourd'hui, comparativement aux connaissances acquises sur la caractérisation aéro-acoustique de la voix, les spécificités histologiques et biomécaniques du tissu vocal sont peu étudiées et leur impact sur les propriétés vibratoires remarquables du pli vocal (ou «corde vocale«) reste encore mal compris. <br />En cas de dysphonie, la prise en charge rééducative est basée sur un grand savoir-faire du corps médical, toujours en demande de connaissances scientifiques consolidées. La restauration durable des capacités phonatoires des patients par des biomatériaux injectés ou des implants artificiels capables de mimer les vibrations des plis vocaux reste un défi scientifique, clinique et sociétal.<br /><br />Plusieurs obstacles expliquent la difficulté associée à l’étude biomécanique des plis vocaux. Protégés par les cartilages laryngés, ils sont en effet difficilement accessibles par les techniques actuelles d’imagerie médicale. De par leurs petites dimensions (<15mm), la mise en œuvre d’essais mécaniques ex vivo restent très délicates. Il existe des simulateurs in vitro du système phonatoire, constitués de répliques artificielles des plis vocaux. Mais la plupart des matériaux modèles utilisés sont fabriqués à partir d’élastomères aux propriétés structurales et mécaniques très éloignées de celles des tissus d’origine. Ainsi, la modélisation des propriétés élastiques des tissus laryngés est restée bien éloignée de la réalité physiologique. Rares sont les propositions théoriques formulées à l’échelle des fibres constitutives du tissu vocal (collagène, élastine, fibres musculaires). Ce traitement multi-échelles apparaît indispensable pour mieux comprendre les performances vibro-mécaniques des plis, et développer le design de futurs matériaux biomimétiques. L'objectif global du projet MicroVoice vise à combler ce manque.
Depuis 2010, quelques auteurs ont commencé à étudier et modéliser la microstructure fibreuse du tissu conjonctif dans le pli vocal, ouvrant ainsi un nouvel horizon de recherche en biomécanique de la voix. Sur la base de ces résultats antérieurs, de plusieurs arguments cliniques et mécaniques, l'hypothèse clef de MicroVoice est que les performances vibromécaniques des tissus vocaux sont étroitement liées à leurs microstructures fibreuses et à leurs matrices environnantes, et plus précisément: (i) à la nature des principaux matériaux constitutifs (collagène, élastine et fibres musculaires, matrice d'acide hyaluronique), (ii) à la nature de leurs interactions, (iii) à leurs micromécanismes de déformation et de réarrangement.
Aussi, la stratégie du projet MicroVoice est de développer une approche à l’échelle de la fibre afin de mieux comprendre le lien entre la micromécanique des tissus vibrants et leurs performances à l’échelle macroscopique. Plusieurs étapes sont envisagées compte tenu des verrous actuels :
i. explorer in situ l’architecture fibreuse 3D du pli vocal et son comportement mécanique multi-échelles, par microtomographie à rayon X synchrotron, microscopie biphotonique et analyses histologiques comparatives;
ii. de ces données, concevoir et développer de nouveaux biomatériaux fibreux mimétiques aux propriétés structurales et biomécaniques ajustables;
iii. caractériser les propriétés vibro-mécaniques de ces nouveaux biomatériaux en petites et grandes déformations, à différentes échelles (macro/micro) et fréquences (basse/haute), par analyse mécanique dynamique et vibrométrie laser à effet Doppler;
iv. valider leurs propriétés vibratoires sur bancs d’essai in vitro/ex vivo dans des conditions aéro-acoustiques et biophysiques réalistes;
D’un point de vue expérimental, des données prometteuses ont été récemment obtenues sur l’architecture fibreuse 3D du pli vocal, grâce à des images haute résolution obtenues par microtomographie synchrotron à rayons X à l’ESRF (ligne ID19, Grenoble), et microscopie confocale à 2 photons (Centre de Recherche Léon Bérard, Lyon). La comparaison de ces images avec des coupes histologiques 2D a permis de valider les deux types d’imagerie et de mettre en évidence leur complémentarité.
Grâce à la microscopie bi-photonique, il a été possible de différentier, sans coloration, les réseaux de collagène et d'élastine sur des échantillons au repos. La distribution et l'organisation des deux protéines fibrillaires ont pu ainsi être cartographiées sur l'étendue des cordes vocales (profondeur de 100 µm) montrant leurs propriétés structurales à charge nulle : orientations préférentielles, ondulations, taille, densité.
Grâce à la microtomographie à rayons X, des essais de traction des plis vocaux ont également été imagés in situ. L’analyse de ces données histo-mécaniques a mis en évidence : (i) à l’échelle du tissu, une réponse mécanique fortement non linéaire, de grandes déformations anisotropes induites par les couplages hydro-mécaniques mis en jeu, et des phénomènes mécaniques auxétiques; (ii) à l’échelle des réseaux fibreux du muscle vocal, un réarrangement local des structures fibreuses initialement quasi-alignées, soumises à des déformations multiaxiales induisant des rotations et translations de celles-ci, pouvant être à l’origine des phénomènes auxétiques à l’échelle supérieure; (iii) à l’échelle des réseaux de collagène/élastine des couches supérieures (lamina propria), un déploiement des fibres initialement ondulées et une réorientation progressive dans la direction de chargement.
En parallèle, de premiers hydrogels à renforts fibreux (à base de gélatine, ou de dendrimères de polyéthylène glycol et de lysine) ont pu être proposés et sont en cours d'évaluation.
Concernant les aspects «formulations biochimiques et mise en forme de matériaux«, les composites aujourd'hui proposés dans le cadre du projet sont élaborés dans des géométries idéalisées, pour caractériser l'effet des propriétés des hydrogels (composition, poids moléculaire des polymères) et des renforts fibreux (diamètre, porosité) sur le comportement mécanique des composites. Dès lors qu'une série de candidats potentiels sera identifiée pour reproduire au plus proche le comportement mécanique du pli vocal, la formulation des composites sous une forme 3D réaliste sera étudiée.
Concernant les aspects «mécaniques«, le projet MicroVoice s'oriente aujourd'hui vers l'optimisation d'outils et méthodes pour l'étude vibratoire de composites mous à renforts fibreux à hautes et moyennes fréquences, un domaine de recherche nécessitant encore des développements expérimentaux et théoriques.
T. Cochereau, H. Yousefi-Mashouf, L. Bailly, J. Sohier, L. Orgéas, N. Henrich Bernardoni, S. Rolland du Roscoat, A. McLeer-Florin, O. Guiraud (2019). “Vocal-fold 3D micro-architecture and micro-mechanics: a multimodal imaging study”. The 13th International Conference on Advances in Quantitative Laryngology, Voice and Speech Research, Jun 2019, Montréal, Canada.
A. Terzolo, T. Cochereau, L. Bailly, L. Orgéas, N. Henrich Bernardoni (2019). “Vocal fold visco-hyperelastic properties: characterization and multiscale modeling upon finite strains”. The 13th International Conference on Advances in Quantitative Laryngology, Voice and Speech Research (AQL 2019), Jun 2019, Montréal, Canada.
L. Bailly, F. Benboujja, L. Mongeau (2019). “Fundamentals of Bomedical Optics and Imaging”. Pre-conference workshop prior to the 13th International Conference on Advances in Quantitative Laryngology, Voice and Speech Research, Jun 2019, Montréal, Canada (invitation).
T. Cochereau, A. Terzolo, L. Bailly, L. Orgéas, N. Henrich Bernardoni, S. Rolland du Roscoat, A. McLeer-Florin (2018). “Human vocal-fold architecture and mechanical properties : 3D multiscale characterization and modelling”. 11th International Conference on Voice Physiology and Biomechanics (ICVPB 2018), Aug 2018, East Lansing, United States.
T. Cochereau (2019). “Human vocal fold structure and mechanics”. Thèse de doctorat, Mars 2019, Univ. Grenoble Alpes, France.
L’objectif de MicroVoice est de comprendre le lien entre la microstructure du pli vocal, son comportement biomécanique et ses propriétés vibratoires remarquables, et d’avancer vers le développement de nouveaux oscillateurs biomimétiques. La stratégie est :
i. d'explorer in situ l’architecture fibreuse 3D du pli vocal et son comportement mécanique multi-échelles par microtomographie à rayon X synchrotron et analyses histologiques comparatives;
ii. de ces données, concevoir et développer des biomatériaux fibreux mimétiques aux propriétés structurales et biomécaniques ajustables;
iii. de caractériser les propriétés vibro-mécaniques de ces nouveaux biomatériaux à différentes échelles (macro/micro) et fréquences (basse/haute), par analyse mécanique dynamique et vibrométrie laser à effet Doppler;
iv. de valider leurs propriétés vibratoires sur bancs d’essai in vitro/ex vivo dans des conditions aéro-acoustiques réalistes;
MicroVoice fournira un cadre solide pour la conception innovante d’implants phonatoires fibreux.
Coordinateur du projet
Madame Lucie Bailly (Sols, solides, structures, risques)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
LADAF - Faculté de Médecine - UGA Laboratoire d'Anatomie des Alpes Françaises
3SR Sols, solides, structures, risques
GIPSA-lab Grenoble Image, Parole, Signal, Automatique
LBTI- CNRS Biologie Tissulaire et Ingénierie Thérapeutique
Aide de l'ANR 547 866 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 48 Mois