Comment l’électricité stimule la cicatrisation : vers une thérapie plus performante des plaies – WHEEL
En 2014, 3,6 millions de patients présentaient des plaies chroniques en France. Leur incidence s’accroît d’autant plus que la population est vieillissante et que la prévalence de l’obésité et des diabètes augmente. Les stratégies thérapeutiques classiques sont d’ordre pharmacologique ou chirurgical et incluent le débridement de la plaie, les traitements antibiotiques et les pansements. La stimulation électrique est une technologie prometteuse, notamment parce qu’elle est basée sur un processus physique naturel. Pourquoi appliquer un champ électrique dans ce contexte ? Une plaie cutanée, en créant une rupture dans l'épithélium, rompt le potentiel trans-épithélial, ce qui génère un champ électrique endogène aux marges de la plaie. Dans un contexte sain, ce champ électrique endogène stimule les cellules environnantes pour favoriser une guérison optimale, mais dans le cas des plaies chroniques, ce champ électrique n’existe plus. L'électrostimulation de la cicatrisation a prouvé son efficacité en clinique même si les paramètres électriques appliqués sont empiriques et diffèrent entre chaque centre médical.
En outre, il faut mentionner que lorsque la cellule est exposée à un champ électrique élevé (loin des paramètres de champ électrique endogène mentionnés ci-dessus), la membrane plasmique devient transitoirement perméable à certaines molécules thérapeutiques alors qu’en temps normal elle y est imperméable : c'est un phénomène d'électroporation. Une application médicale de l'électroporation est l'électrotransfert de gène, qui est très prometteur dans la cicatrisation en transférant un plasmide thérapeutique pertinent. Il est intéressant de noter que, dans ce contexte, certains auteurs ont démontré que le champ électrique seul améliorait significativement la fermeture de la plaie par électrostimulation. Mais la principale application clinique de l'électroporation en médecine est le traitement local de cancers cutanés par électrochimiothérapie. Dans ce contexte, les cliniciens observent, mais sans pouvoir l’expliquer, une cicatrisation esthétique et fonctionnelle des sites traités. En bref, même si les mécanismes cellulaires ne sont pas encore élucidés, il existe un lien étroit le processus de cicatrisation et l'électroporation.
L'hypothèse du projet est que les paramètres électriques utilisés en électroporation stimulent les cellules et favorisent la cicatrisation grâce à l'induction de la prolifération/migration/différenciation des kératinocytes, de la production de matrice extracellulaire par les fibroblastes et la promotion de l'angiogenèse. Ainsi, les objectifs sont de comprendre, visualiser et quantifier les réponses des cellules cutanées suite à l’application d’un champ électrique externe. À cette fin, ce projet propose une analyse multi-échelle du processus de cicatrisation électro-induit: du niveau tissulaire, au niveau cellulaire et moléculaire.
L'aspect innovant est que cette étude sera menée sur des substituts cutanés humains reconstruits par ingénierie tissulaire, ce qui est clairement en rupture avec les approches conventionnelles. En effet, les rongeurs sont classiquement utilisés dans les études de cicatrisation, mais la peau murine diffère de la peau humaine dans son architecture, sa composition cellulaire et ses mécanismes de guérison. En outre, la plupart des études utilisent des cellules cultivées en monocouche. Cependant, il est désormais reconnu que les cellules cultivées en 2D perdent les signaux mécaniques et biophysiques, la communication intercellulaire ainsi que l'architecture du tissu dont elles proviennent. Ainsi, les modèles de tissus 3D miment mieux les tissus biologiques que la culture cellulaire classique. En outre, en accord avec la règle des 3R, cette approche est une alternative efficace et éthique à l'utilisation d'animaux de laboratoire.
En conclusion, ce projet propose un concept novateur pour stimuler le processus de cicatrisation des plaies par une approche physique contrôlable et modulable.
Coordination du projet
Laure GIBOT (Institut de pharmacologie et de biologie structurale)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
IPBS UMR 5089 Institut de pharmacologie et de biologie structurale
Aide de l'ANR 296 460 euros
Début et durée du projet scientifique :
- 48 Mois