DS10 - Défi des autres savoirs

A la recherche des Transferts Electroniques extracellulaires sur Cellules Humaines – TECH

Cellules humaines et courants électriques : existe-t-il une affinité ?

De nombreuses bactéries sont capables de croître à la surface d’électrodes en exploitant des échanges d’électrons qu’elles engendrent avec le matériau. Par contre, des phénomènes similaires n’ont encore jamais été observés avec des cellules humaines. Le projet TECH propose d’explorer la capacité de certaines cellules humaines à connecter leurs voies métaboliques avec des électrodes.

Le potentiel d’un matériau conducteur pourrait-il affecter la prolifération et/ou la différentiation des cellules humaines qui se développent à sa surface ?

Le projet TECH vise à transposer la connaissance et le savoir-faire développés pour le développement des transferts d’électrons extracellulaires (TEE) avec les biofilms microbiens pour forger les outils nécessaires à identifier de TEE avec des cellules humaines.<br />Connecter des voies métaboliques à des systèmes électrochimiques d’analyse pourrait être la base de nouveaux outils d’investigation dans les domaines biomédicaux, notamment pour ouvrir de nouvelles approches des maladies associées aux désordres métaboliques, telles que l’obésité ou le cancer. <br />L’hypothèse, dite métabolique, suggère que les cancers puissent être associés à un basculement du métabolisme cellulaire de la respiration vers la glycolyse. Cette hypothèse, très ancienne, tombée en désuétude face aux avancées de la génomique, a vécu une formidable renaissance depuis les années 90, en particulier par la démonstration que réactiver les mitochondries de cellules cancéreuses conduisait à leur extinction. Démontrer qu’une électrode peut, par TEE, donner accès au ratio entre respiration et glycolyse constituerait par exemple un extraordinaire outil d’investigation dans ce cadre. <br />Dans un autre contexte, des équilibres entre différentes chaînes redox sont à la source des désordres métaboliques qui conduisent au surpoids et à l’obésité. Les adipocytes blancs stockent l’énergie sous forme de vacuoles lipidiques et contiennent peu de mitochondries, alors que les adipocytes beiges contiennent une faible quantité de lipides mais de nombreuses mitochondries. Les uns sont responsables de l’obésité, les autres transforment l’énergie des lipides majoritairement en chaleur. Les cellules progénitrices sur lesquelles nous allons travailler peuvent se différencier en ces deux sortes d’adipocytes. Identifier des TEE ou, mieux, contrôler la différentiation par l’intermédiaire des TEE, pourrait être la source de nouvelles voies d’investigation de ces désordres métaboliques.

Les cellules seront cultivées sur les électrodes à potentiel contrôlé, comme pour les biofilms microbiens. Nous utiliserons des cellules de tissu pulmonaire MRC5 qui ont donné des résultats préliminaires prometteurs, puis des cellules progénitrices issues de tissu adipeux pour leur capacité à se différencier en adipocyte, chondrocyte ou ostéoblaste. Les tests électrochimiques seront couplés à la caractérisation biochimique et structurale des cellules. L’objectif est de concevoir des réacteurs électrochimiques et des surfaces d’électrodes dédiés à la culture cellulaire afin de déterminer tout signal électrique lié à un processus métabolique ou, à l’inverse, tout changement biochimique dû à un TEE.

Les premiers essais ont mis en œuvre des cellules MRC5. La présence des cellules en suspension dans un milieu tamponné provoque la catalyse de la réduction électrochimique de l’oxygène. Cette observation, faite dans les quelques expériences préliminaires qui ont permis de défendre le projet, est maintenant reproduite et confirmée. Ce processus catalytique a ensuite été observé avec d’autres lignées cellulaires. Bien que cette catalyse n’implique pas nécessairement des TEE, c’est à notre connaissance un résultat original.
Les tests de divers types de matériaux et surfaces d’électrode (tissu de carbone, feutre de carbone, or, surface modifiée avec des nanotubes de carbone…) ont amené à choisir la surface la mieux adaptée.
Le système expérimental a été conçu afin de permettre la mise en œuvre des techniques électrochimiques durant la croissance des cellules à la surface des électrodes. A notre connaissance, ce type d’expérimentation n’a encore jamais été décrit dans la bibliographie. La mise en œuvre du système expérimental a exigé de résoudre un certain nombre de problèmes pratiques liés à l’introduction d’un système électro-analytique à trois électrodes au sein d’un incubateur stérile et au maintien de l’expérimentation sur plusieurs dizaines d’heures dans un milieu chaud, humide et sous atmosphère contrôlée. Le système expérimental est maintenant maîtrisé et permet des expérimentations reproductibles. Un protocole de microscopie a été mis en place pour la caractérisation des tapis cellulaires.
Ces protocoles expérimentaux ont permis de découvrir que le potentiel appliqué à une surface de carbone est un paramètre clé de la croissance cellulaire. C’est l’un des résultats majeurs qui était espéré dans le projet initial. En outre, il semble que la croissance cellulaire soit corrélée à l’apparition d’un courant d’oxydation, mais cette observation reste à confirmer et les travaux se poursuivent dans cette direction.

Comme prévu dans le projet, le protocole de culture électrochimique de cellules qui est maintenant bien établi va être maintenant appliqué à la différentiation de cellules humaines du tissu adipeux.
Nous avons en outre mis en place un protocole électrochimique qui permet le suivi en continu de TEE médiés par un médiateur redox en solution. Ce protocole appliqué à différentes lignées cellulaires confirme l’occurrence de TEE avec des intensités très différentes suivant la capacité du médiateur à pénétrer ou non au sein des cellules. Les tests n’ont pour l’instant été effectués que dans des solutions tamponnées qui assurent la survie des cellules mais ne permettent par leur prolifération. Sur ce plan, l’objectif est maintenant de transposer le protocole en utilisant un milieu de culture afin de corréler la croissance cellulaire avec le suivi électrochimique des TEE via un médiateur redox.

Les résultats doivent être consolidés avant d'être diffusés.

De très nombreuses cellules bactériennes sont capables de connecter leur métabolisme avec une électrode. Depuis la publication des articles pionniers en 2002, la variété des espèces bactériennes qui se révèlent capables de réaliser des transferts d’électrons extracellulaires (TEEs) ne cesse de s’élargir, si bien qu’il semble maintenant que ce soit un mode de vie courant et ubiquitaire pour les cellules microbiennes. Les TEEs sont le plus souvent corrélés aux voies métaboliques essentielles, en particulier au métabolisme respiratoire des bactéries. L’étude des TEEs par électrochimie est en train de révolutionner la compréhension des processus microbiens dans la plupart des écosystèmes.

De très nombreux éléments de la bibliographie biomédicale montrent que des TEEs similaires, c’est-à-dire qui impliquent des voies métaboliques, ont lieu avec les cellules humaines. Par exemple, les cellules souches sont couramment cultivées sur des matériaux conducteurs dont les propriétés électrochimiques dirigent la différentiation en différents phénotypes. L’échange d’électrons extracellulaires, sous forme de « bioélectricité », est connu pour jouer des rôles essentiels dans la réparation des tissus ou la morphogénèse des organes. En outre, les cellules humaines sont des cellules de type eucaryote et des TEEs associés aux voies métaboliques ont d’ores et déjà été établis par électrochimie avec des levures, qui sont également des eucaryotes. Malgré l’accumulation de preuves indirectes de l’occurrence de TEEs avec des cellules humaines, les approches électrochimiques n’ont encore jamais été mises en œuvre dans ce cadre.

En exploitant l’expérience du consortium sur les biofilms microbiens, le projet TECH veut construire les dispositifs électrochimiques qui mettront en lumière les TEEs métaboliques avec des cellules humaines. Trois types de cellules seront mises en œuvre : i) des cellules de poumon MRC5 qui ont donné des résultats préliminaires prometteurs, ii) des cellules progénitrices issus du tissu adipeux humain dont la différentiation en adipocytes blancs ou beige est liée au statut du métabolisme respiratoire, iii) différentes lignées de cellules cancéreuses, car l’état cancéreux des cellules pourrait être corrélé au dysfonctionnement du métabolisme respiratoire.

L’objectif est de créer les réacteurs électrochimiques, les surfaces d’électrodes et les procédures opératoires et analytiques qui permettront de caractériser les TEE au cours du développement et/ou de la différentiation des cellules. Le projet mettra en synergie deux groupes de recherche appartenant au même laboratoire, l’un maîtrisant les TEE microbiens, l’autre la culture des cellules humaines. Deux experts des métabolismes cellulaires sont associés au titre de consultants. Un groupe interdisciplinaire sera ainsi créé pour croiser les compétences en bioélectrochimie, électroanalyse, adhésion cellulaire, culture et métabolismes cellulaires, et coupler les méthodes d’analyse électrochimique avec les techniques de caractérisation biochimique, biologique et d’imagerie par microscopies.

Le projet est soumis au défi « des autres savoirs » car il s’agit d’apporter les preuves expérimentales d’un nouveau paradigme. Le projet est resserré autour d’un budget modeste car l’objectif n’est pas de pousser des investigations fondamentales vers la biologie. C’est un projet séminal qui veut faire la preuve du concept afin de convaincre les communautés biomédicales pour construire ensuite des projets avec des consortia plus larges et des budgets plus importants qui cibleront des applications biomédicales données. Démontrer l’occurrence de TEEs avec des cellules humaines sera la source de nouvelles techniques de culture de cellules souches, de nouveaux outils d’investigation des métabolismes cellulaires et des pathologies telles que l’obésité et le cancer qui sont associées à leur dysfonctionnement et, nous l’espérons, de nouvelles voies thérapeutiques.

Coordination du projet

Alain Bergel (Laboratoire de Génie Chimique)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

LGC Laboratoire de génie chimique
LGC Laboratoire de Génie Chimique

Aide de l'ANR 278 100 euros
Début et durée du projet scientifique : - 42 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter