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Nanoparticules bimétalliques sans métal noble pour l’hydrogénation des sucres – NobleFreeCat

NobleFreeCat: Nanoparticules bimétalliques sans métal noble pour l’hydrogénation des sucres

Le projet NobleFreeCat réunit quatre équipes (Unité de Catalyse et Chimie du Solide, Laboratoire de Chimie de Coordination, Institut de Chimie des Milieux et Matériaux de Poitiers, Laboratoire de Chimie Physique) dont les expertises en synthèse de nanoparticules et catalyse sont complémentaires. Il vise à développer des méthodes de synthèse de nanoparticules à base de Fe pouvant se substituer favorablement aux métaux nobles dans l’hydrogénation catalytique des sucres, de par leur faible coût.

Enjeux et objectifs

L'hydrogénation des sucres en polyols est le plus souvent menée sur des métaux nobles comme le ruthénium ou sur le nickel de Raney, et peu de travaux rapportent l’utilisation de métaux non nobles supportés. Or le cout des métaux nobles est élevé, leur abondance est faible, et à la fois leur cout et leur disponibilité sont sujets à de larges fluctuations. Dans ce contexte, le potentiel de combinaisons bimétalliques à base d'un métal peu coûteux comme le fer (Fe-Ni, Fe-Cu, intermétalliques Fe-Al) mérite d'être pleinement exploré.<br />Cependant, la balance hydrogénation/hydrogénolyse du catalyseur n'est pas simplement gouvernée par le ratio entre les deux métaux, mais aussi par leur degré d'association, i.e., en alliage ou ségrégés, un point crucial à prendre en compte pour un métal fortement sensible à l'oxydation comme Fe. La possibilité de synthétiser des nanoparticules bimétalliques à base de Fe de façon contrôlée apparaît limitée lorsque le catalyseur est préparé selon des méthodes standard, qui mènent à la coexistence de particules différant par leur taille, leur structure ou leur composition.<br />Le projet NobleFreeCat vise à surmonter trois obstacles qui entravent actuellement le développement rationnel de catalyseurs supportés Fe-Ni and Fe-Cu : un faible contrôle de la taille et de la structure des nanoparticules métalliques ; un faible contrôle de l’association entre les deux métaux ; l’absence d’information sur l’évolution de la structure et de la surface des nanoparticules durant le cycle d’utilisation du catalyseur. Deux aspects doivent être abordés pour les intermétalliques Fe-Al : la diminution de la taille des particules, puisque jusqu’à présent, ces systèmes n’ont été préparés que sous forme de cristaux ; l’étendue et la réversibilité de leur oxydation.

L'équipe MATCAT de l'UCCS a entrepris la préparation de nanoparticules (NPs) supportées Fe-Ni et Fe-Cu, en suivant des routes encore peu explorées dans la littérature, afin de former des NPs dont la taille (quelques nm) et la composition (rapport entre les deux métaux, degré de réduction de Fe) sont aussi uniformes que possible. La caractérisation fine de la formation, de la structure et de la composition des NPs est menée à bien grâce à une combinaison unique de techniques avancées (spectroscopie d'absorption X, spectroscopie Mössbauer, rétrodiffusion d'ions lents).
L'équipe «Ingénierie des nanoparticules métalliques« du LCC, experte dans la préparation de particules métalliques par voie organométallique, optimise la synthèse de NPs coeur-coquille Fe@Ni, Ni@Fe, Fe@Cu et Cu@Fe, dans lesquelles un des deux métaux apparaît préférentiellement à la surface de l'autre. Cette stratégie nécessite la sélection et la synthèse de précurseurs organométalliques adéquats, dont la décomposition s'effectuera selon des cinétiques différentes. Ces NPs serviront de références pour établir des corrélations structure - propriétés catalytiques.
Etant donné le caractère très réducteur du fer et de l'aluminium, l'équipe TEMIC du LCP va explorer une voie alternative de synthèse des systèmes Fe-Ni, Fe-Cu et Fe-Al: la voie radiolytique, dans laquelle les agents réducteurs sont des électrons solvatés issus de l'irradiation du solvant. Il sera vérifié si des NPs de taille et de composition contrôlées, ainsi que des structures métastables (alliages Fe-Cu), peuvent être préparées de façon quantitative dans des conditions douces.
Enfin, les équipes MATCAT et VAALBIO de l'UCCS, et l'équipe «Catalyse et milieux non-conventionnels« de l'IC2MP, testeront les performances catalytiques et la stabilité des NPs bimétalliques dans l'hydrogénation du xylose en xylitol, et du maltose en maltitol, en phase aqueuse (UCCS) et dans des solvants verts non aqueux, les eutectiques profonds (IC2MP).

Au cours des 18 premiers mois, le projet s’est majoritairement déroulé à l’UCCS (équipes MATCAT et VAALBIO) au travers de la thèse de Dichao Shi (bourse CSC) portant sur les catalyseurs supportés Fe-Ni. Dichao Shi a optimisé la synthèse de catalyseurs Fe-Ni/SiO2 par dépôt-précipitation à l’urée (DPU), aboutissant aux résultats suivants :
(i) compréhension du processus de formation des NPs bimétalliques Fe-Ni: précipitation d'un phyllosilicate de (Fe(III), NI(II)) faiblement cristallisé; réduction de Fe(III) en Fe(II) au sein du phyllosilicate; réduction de Ni(II) en Ni métallique, entraînant la destruction du silicate et la réduction de Fe(II) en Fe métallique; insertion progressive du Fe à l'intérieur de particules d'alliages Fe-Ni cubique faces centrées ;
(ii) dépôt légèrement préférentiel du nickel par rapport au fer par rapport à la composition de la solution de DPU ;
(iii) homogénéité en taille (4-7 nm, 15-20% de dispersion métallique) et en composition (écart type sur Fe : 8 at%) des NPs bimétalliques Fe-Ni quelle que soit la formulation testée, de Fe65Ni35 à Fe8Ni92 ;
(iv) mise en évidence d’un excès de fer en surface des NPs à l’état oxydé comme à l’état réduit ;
(v) réversibilité des changements structuraux de surface, entre état oxydé à l’air et état réduit résultant d’une activation sous H2 ;
(vi) corrélation entre la formulation des NPs et les performances catalytiques en hydrogénation d’un aldéhyde test, le furfural. Il a été mis en évidence que des NPs contenant entre 60 et 75 at% de Ni présentent un maximum d’activité et de sélectivité en alcool furfurylique (hydrogénation sélective de la fonction aldéhyde), tandis qu’une teneur plus forte en Fe abaisse considérablement l’activité, et une teneur plus forte en Ni augmente progressivement les réactions secondaires d’étherification de l’alcool, d’hydrogénolyse, et d’hydrogénation du cycle furanique, prédominante sur un catalyseur monométallique au Ni.

L’obtention par dépôt-précipitation de NPs Fe-Ni de structure, de taille et de composition contrôlées sur une large plage de compositions est une avancée par rapport aux méthodes de préparation conventionnelles. La compréhension du processus de formation de ces NPs, rendue possible par l’utilisation de spectroscopies avancées in situ, a donné lieu à ce jour à publication (Catalysis Today) et à présentations orales dans des congrès nationaux et internationaux. Ces résultats permettent de relier sans ambiguïté les performances catalytiques à la composition des NPs, au moyen de suivis cinétiques qui à ce jour n’ont pas été rapportés dans la littérature. La caractérisation de surface des NPs par spectroscopie LEIS devrait même permettre de corréler performances catalytiques et proportions des deux métaux en surface des particules.
Dans la prochaine période, Achraf Sadier, post-doctorant à l’UCCS, étendra la synthèse de catalyseurs supportés au système Fe-Cu, vérifiera la stabilité des catalyseurs en milieu hydrothermal sous H2, et les testera en hydrogénation sélective du xylose et du maltose en milieu aqueux. Un.e post-doctorant.e recruté.e à l’IC2MP en janvier 2020 développera la catalyse en milieu eutectique profond, afin d'explorer des milieux non-aqueux dans lesquels les sucres sont solubles et la réaction d'hydrogénation peut s'effectuer.
En ce qui concerne les modes de synthèse alternatifs de NPs bimétalliques à base de Fe, l’équipe « Ingénierie des Nanoparticules métalliques » au LCC a débuté le projet en novembre 2018 avec le recrutement d’un doctorant, François Robert. Un.e post-doctorant.e recruté.e au LCP en septembre 2019 préparera des NPs Fe-Ni, Fe-Cu et Fe-Al par voie radiolytique, à température ambiante, comme décrit dans la section Méthodes et approche.

Bimetallic Fe-Ni/SiO2 catalysts for furfural hydrogenation: Identification of the interplay between Fe and Ni during deposition-precipitation and thermal treatments – D. Shi, Q. Yang, C. Peterson, A. F. Lamic-Humblot, J. S. Girardon, A. Griboval-Constant, L. Stievano, M. T. Sougrati, V. Briois, P. A. J. Bagot, R. Wojcieszak, S. Paul, E. Marceau* – Catalysis Today, accepté, 2018, doi.org/10.1016/j.cattod.2018.11.041

L'hydrogénation de sucres en polyols est le plus souvent menée sur des métaux nobles comme le ruthénium ou sur le nickel de Raney, et peu de travaux rapportent l’utilisation de métaux non nobles supportés. Or le cout des métaux nobles est élevé, leur abondance est faible, et à la fois leur cout et leur disponibilité sont sujets à de larges fluctuations. Des substituts aux métaux nobles devraient être trouvés dans la première ligne des métaux de transition, métaux particulièrement abondants et bon marché, mais susceptibles de se désactiver sous réaction ou, comme le nickel, d’induire des réactions secondaires d'hydrogénolyse. Dans ce contexte, le potentiel de combinaisons bimétalliques à base de fer mérite d'être pleinement exploré. Cependant, la balance hydrogénation/hydrogénolyse du catalyseur n'est pas simplement gouvernée par le ratio entre les deux métaux, mais aussi par leur degré d'association, i.e., en alliage ou ségrégés, un point crucial à prendre en compte pour un métal fortement sensible à l'oxydation comme Fe. La possibilité de synthétiser des nanoparticules bimétalliques à base de Fe de façon contrôlée apparaît limitée lorsque le catalyseur est préparé selon des méthodes standard, qui mènent à la coexistence de particules différant par leur taille, leur structure ou leur composition. En conséquence, aucune conclusion définitive ne peut actuellement relier la formulation et les propriétés catalytiques de systèmes à base de Fe, faute d'un contrôle efficace de la nature des particules à l'échelle nanométrique, conduisant à des difficultés d'interprétation, de reproductibilité, d'extrapolation et de rationalisation des résultats de catalyse.
Le projet NobleFreeCat regroupe quatre équipes universitaires avec des expertises complémentaires en synthèse de nanoparticules métalliques et catalyse (Unité de Catalyse et Chimie du Solide, Laboratoire de Chimie de Coordination, Institut de Chimie des Milieux et Matériaux de Poitiers, Laboratoire de Chimie Physique), pour développer des voies de synthèse extrapolables à grande échelle de nanoparticules supportées à base de Fe de taille, composition et ordre chimique contrôlés, pour être utilisées comme substituts peu onéreux aux métaux nobles dans l'hydrogénation catalytique des sucres. Trois systèmes dont l'activité en hydrogénation sélective a été récemment décrite dans la littérature seront explorés: Fe-Ni, Fe-Cu et les composés intermétalliques Fe-Al. Des catalyseurs supportés sur silice et zircone seront préparés par dépôt-précipitation, imprégnation en présence d’additifs organiques et méthodes par radiolyse. Des systèmes alliages ou cœur-coquille préparés par voie organométallique ou mécanochimie seront utilisés comme standards pour la détermination de la stabilité des alliages, pour la caractérisation structurale des systèmes supportés et pour les tests catalytiques. L'hydrogénation d'un monosaccharide, le xylose, en xylitol, et celle d'un disaccharide, le maltose, en maltitol, peu abordée au niveau académique mais d'importance pour l'industrie, seront testées en milieu aqueux sous conditions hydrothermales et en eutectiques profonds en l'absence d'eau. Une combinaison unique de techniques de caractérisation (diffraction et absorption des rayons X en mode in situ, cartographie STEM-EDX et -EELS à l'échelle subnanométrique, XPS/LEIS, spectroscopie Mössbauer) sera mise en œuvre pour surmonter la difficulté de distinguer des éléments contrastant peu en Z et pour sonder la composition de volume et de surface des nanoparticules à l'échelle individuelle, tout au long de leur cycle d'utilisation: réduction, réaction, exposition à l'air, régénération du catalyseur. L'établissement de corrélations entre voie de synthèse, composition chimique et activité catalytique permettra au consortium de poser les jalons vers un processus de maturation technologique, aidé en cela par la participation de représentants du producteur sucrier Tereos dans le comité de pilotage du projet.

Coordination du projet

Eric Marceau (Unité de Catalyse et de Chimie du Solide)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

UCCS Unité de Catalyse et de Chimie du Solide
LCC Laboratoire de Chimie de Coordination
IC2MP Institut de Chimie des Milieux et des Matériaux de Poitiers
CNRS - LCP Laboratoire de Chimie Physique

Aide de l'ANR 475 792 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2017 - 48 Mois

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