Analyse multi-échelle de l’adaptation à la carence en Fer chez un organisme clé du phytoplancton marin, dans un contexte de changement global – CINNAMON
Comment la disponibilité en fer et la température affectent-ils la diversité et la distribution du phytoplancton marin ?
En raison de son abondance dans le milieu naturel, de son ubiquité et de la disponibilité de nombreux isolats et génomes, la cyanobactérie marine Synechococcus est un micro-organisme pertinent pour comprendre les effets des changements environnementaux, et en particulier de la température et de la disponibilité en fer.
Mécanismes d’adaptation des cyanobactéries marines à la carence en fer et à la température
Les océans sont très affectés par le changement global, qui provoque un accroissement de la température de l’eau de mer mais également de la surface des zones pauvres en fer, un élément qui limite d’ores et déjà la croissance du phytoplancton dans près de 35 % de l’océan mondial. Cela pose la question de la capacité du phytoplancton à s’adapter à ces nouvelles conditions. Dans ce contexte, la découverte récente que les CRD1, une lignée de la cyanobactérie marine Synechococcus (Fig. 1), co-dominent avec EnvB dans les eaux pauvres en fer et que trois populations génétiquement distinctes (CRD1-A à C) occupent différentes niches thermiques, constitue une opportunité unique d’étudier les effets combinés de la carence en fer et de la température sur le phytoplancton à toutes les échelles d’organisation, du gène à l’écosystème. <br />Les principaux objectifs du projet CINNAMON ont été de : i) valider la présence d’écotypes distincts vis-à-vis du fer et/ou de la température en déterminant les optima et limites de croissance pour ces paramètres de 3 souches CRD1, ii) identifier les bases génétiques de cette adaptation par des approches de génomique comparative en utilisant les nombreux génomes de cyanobactéries marines représentatifs d’environnements variés, iii) utiliser les données de méta-omique, issues d’expéditions telles que Tara Océan, afin de valider les observations faites au laboratoire mais aussi d’identifier de nouveaux gènes expliquant la capacité de ces écotypes à s’adapter aux eaux pauvres en fer et à différentes températures. Globalement, les résultats de ce projet permettront de mieux prédire l’adaptabilité respective des différentes lignées, et donc leur future distribution et dynamique dans un océan en évolution.
Le projet CINNAMON a utilisé une approche de biologie des systèmes afin de caractériser les principaux mécanismes d’acclimatation (physiologie) et d’adaptation (évolution) impliqués dans la réponse différentielle des écotypes de Synechococcus à la carence en fer et aux variations de température. D’une part, nous avons étudié la réponse physiologique de 3 souches de CRD1 ainsi que de souches représentatives de 4 autres lignées majeures de Synechococcus, acclimatées à différentes températures et en condition de carence en fer, afin de mettre en évidence et de mieux comprendre la réponse différentielle des différentes lignées du genre Synechococcus. En parallèle, des études comparatives des génomes de Synechococcus disponibles ont permis de mieux comprendre les bases génétiques de la réponse à ces facteurs environnementaux. Enfin, la combinaison de ces analyses génomiques avec les données de métagenomique et et métatranscriptomique de l’expédition Tara Océan nous ont permis d’identifier des gènes spécifiquement présents ou absents dans les zones limitées de l’océan mondial et/ou différentiellement régulés en réponse à la carence en fer.
Le projet CINNAMON a permis de valider l'existence de thermotypes distincts au sein du clade CRD1, c-à-d de souches présentant des gammes de tolérance thermiques différentes, et de mettre en évidence des spécificités i) physiologiques, notamment leur faible taux de croissance et activité photosynthétique et leur fort taux de réparation des dommages générés au niveau du photosystème II, et ii) génomiques des écotypes CRD1 et EnvB vis-à-vis des écotypes de Synechococcus colonisant les autres niches écologiques (Fig. 1), qui pourraient être impliquées dans l’adaptation à la carence en fer et/ou aux variations de température.
Comprendre l'impact de la limitation en Fe répond à une attente de la société, car le grand public est de plus en plus conscient de l'importance de la préservation des écosystèmes, en particulier des zones marines, et les décideurs ont pour cela besoin d'outils efficaces pour la gestion des océans. Dans ce contexte, les résultats du projet CINNAMON devraient permettre de mieux appréhender la capacité du phytoplancton marin à faire face aux changements climatiques en cours et à la façon dont ils affecteront la structure et la dynamique des populations de ce compartiment basal des écosystèmes marins. Une autre perspective du projet CINNAMON est la possibilité d'utiliser les écotypes CRD1 de Synechococcus et/ou leur gènes spécifiques comme biomarqueurs de l'expansion de régions pauvres en Fe, la limitation de la teneur en Fe est particulièrement difficile à évaluer par des approches chimiques.
Le projet CINNAMON est un projet de recherche fondamentale coordonné par Laurence Garczarek de la station biologique de Roscoff. Il associe aussi le laboratoire du LOMIC (UMR7621) de Banyuls-sur-mer, ainsi que des laboratoires LS2N (UMR6004 et UMR6074) de Nantes Université et la plateforme ABIMS (FR2424) de la station biologique de Roscoff. Le projet a commencé en Janvier 2018 et a duré 57 mois. Il a bénéficié d’une aide ANR de 450 K€ pour un coût global de l’ordre de 1.627 Millions d’€.
Les résultats de CINNAMON ont donné lieu à 20 articles scientifiques dans des revues de rang A (4 autres en cours) et 23 communications dans des congrès internationaux. CINNAMON a également permis de générer i) un système d’information accessible à toute la communauté scientifique, Cyanorak v2 (www.sb-roscoff.fr/cyanorak/), qui regroupe un grand nombre de génomes de picocyanobactéries marines, ii) une base de référence multi-marqueurs pour analyser la diversité génétique de ces organismes et iii) plusieurs outils de communication sur le plancton à destination du grand public.
Les océans sont très affectés par le changement global, qui provoque un accroissement de la température de l’eau de mer et de la surface des zones pauvres en fer, un élément qui affecte d’ores et déjà la croissance du phytoplancton dans près de 35 % de l’océan mondial. Cela pose la question de la faculté des populations du phytoplancton à s’adapter à ces conditions et des conséquences de la carence en fer sur la capacité de l’océan à séquestrer le CO2 via la pompe biologique. Dans ce contexte, la découverte récente d’un clade (CRD1) de la cyanobactérie marine Synechococcus prédominant dans les eaux pauvres en fer, avec trois populations génétiquement distinctes occupant des niches thermiques différentes, constitue une opportunité unique d’étudier les effets combinés de la carence en fer et de la température sur le phytoplancton à toutes les échelles d’organisation du gène à l’écosystème.
Le projet CINNAMON utilisera une approche de biologie des systèmes, combinant travail au laboratoire et in situ, afin de caractériser et modéliser les principaux mécanismes d’acclimatation (physiologie) et d’adaptation (évolution) impliqués dans la réponse différentielle des écotypes de Synechococcus à la carence en fer et aux variations de température, dans le but de mieux prédire leur adaptabilité respective, et donc leur future distribution et dynamique dans un environnement changeant. La présence au sein du clade CRD1 d’écotypes distincts vis-à-vis du fer et/ou de la température sera d’abord validée en déterminant les optima et limites de croissance pour le fer et la température de différentes souches de ce clade. En parallèle, la comparaison i) de génomes de picocyanobactéries (60 génomes de Synechococcus, dont au moins un par génotype CRD1 et 2 métagénomes de Prochlorococcus de zones pauvres en fer) et ii) de transcriptomes de différentes souches CRD1 (et contrôles) générés en réponse à des conditions +Fe/-Fe, devrait nous permettre de décrypter les bases génétiques de leur adaptabilité aux changements de température et de disponibilité en fer. Ces données seront intégrées dans des réseaux métaboliques et de co-expression afin de déterminer le rôle respectif du métabolisme et de la régulation dans le comportement différentiel des souches testées. Une dernière approche consistera en l’utilisation des données de méta-omique issues d’expéditions circum-océaniques (Tara-Oceans, Tara-Polar Circle, Tara-Pacific and Malaspina) afin de valider au niveau populationnel, les observations faites au laboratoire, mais aussi identifier de nouveaux gènes et voies de biosynthèse expliquant la capacité de ces écotypes à s’adapter aux eaux pauvres en fer de différentes températures. Cette approche multi-échelles devrait nous permettre de définir un set limité de gènes, à la fois spécifiques d’écotypes et/ou de niches et différentiellement exprimés en réponse à la carence en fer qui constitueront des cibles privilégiées pour des analyses fonctionnelles par mutagénèse afin de mieux comprendre les processus moléculaires sous-tendant l’adaptation aux niches pauvres en fer.
Le projet CINNAMON est à la fois ambitieux par l’étendue et la variété des analyses qui seront réalisées et innovant car les résultats ne seront pas limités à une souche modèle de Synechococcus mais prendront en compte la variabilité écotypique au sein de ce genre. Les données générées présenteront un intérêt tant du point de vue écologique qu’évolutif puisqu’elles permettront de mieux comprendre i) comment la disponibilité en fer a induit une diversification génétique au sein des picocyanobactéries et ii) les conséquences de cette diversification sur la composition et la dynamique des communautés de ces organismes-clés, dans un contexte de changement global. Un but sociétal majeur de ce projet sera de sensibiliser le grand public aux impacts du changement climatique sur la biodiversité marine et de fournir aux décideurs des outils afin de monitorer ces effets.
Coordination du projet
Laurence GARCZAREK (Adaptation et Diversité en Milieu Marin)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
AD2M Adaptation et Diversité en Milieu Marin
LOMIC Laboratoire d'Océanographie Microbienne
LS2N (ex LINA) Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes
ABIMS Plateforme ABIMS (Analysis Bioinformatics for Marine Science)
Aide de l'ANR 449 923 euros
Début et durée du projet scientifique :
December 2017
- 36 Mois
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