Analyses Localisées Comparatives du Vote : défiance, abstention et radicalisation politique dans la France contemporaine – ALCoV
ALCoV (Analyse localisée et comparative du vote)
L’enquête ALCoV a pour objectif d'étudier la logique des rapports au politique et des choix électoraux à partir d'une approche qualitative longitudinale et localisée des comportements électoraux.
Une sociologie compréhensive et contextuelle du vote
Le projet ALCoV (Analyse localisée et comparative du vote) est un projet de recherche coordonné par l’IRISSO- UMR CNRS 7170 (Coordination E. AGRIKOLIANSKY), associant 4 autres laboratoires : le CESSP – UMR 8209 – EHESS et Université de Paris 1 (Sandrine LEVEQUE) ; MESOPOLHIS, UMR 7064, Sciences Po Aix et Aix-Marseille Universite´ (Philippe ALDRIN) ; le CRESPPA – UMR 7217 – Universités Paris 8 et Paris-Ouest Nanterre (Lorenzo BARRAULT-STELLA) ; le CURAPP-ESS – UMR 6054 – Université de Picardie (Patrick LEHINGUE). Le projet a commencé en octobre 2016 et s’est achevé en septembre 2021. <br />Cette recherche vise à mener une sociologie compréhensive des rapports au politique et des choix électoraux à partir d’entretiens biographiques approfondis. Elle vise à réinscrire les élections dans l’ensemble de la vie sociale et des représentations des électeurs. Elle cherche, en outre, à explorer les contextes sociaux et territoriaux dans lesquels les électeurs sont immergés (lieu de résidence, famille, réseaux amicaux et de sociabilité, collectifs professionnels, etc.) et appréhender les effets de ces contextes sur les choix individuels.
L'enquête ALCOV s’appuie sur une enquête quantitative et qualitative réalisée durant les élections françaises de 2017 (la présidentielle et les législatives) :
– réalisation d’entretiens approfondis et panélisés (i.e répétés de 2 à 7 fois, de la fin de l’année 2016 jusqu’à 2020 pour certains) menés avec 229 électeurs (notamment recrutés par grappes : familles, groupes d’amis, de collègues, de voisins) et résidant dans 9 territoires contrastés (urbains, périurbains, ruraux), choisis pour la diversité de leurs caractéristiques socio-économiques et la variété de leur structuration politique : le 7e secteur de Marseille, les 16e et 18e arrondissements de Paris, les villes d’Amiens, d’Avignon, de Brignoles, de Creil, de Joigny et un petit village de la Somme. Ces entretiens avaient pour objectif : de retracer la trajectoire sociale et les itinéraires de vote des électrices et des électeurs interrogés ; d’explorer leurs échanges avec des proches sur des sujets politiques, avant, pendant et après la campagne ; d’appréhender leurs perceptions des enjeux et de la compétition électorale tout au long de celle-ci.
– En complément nous avons recueilli un « questionnaire sortie des urnes » (QSU) administré à l’occasion du second tour de la présidentielle de 2017 dans 14 bureaux de vote (3 000 questionnaires exploitables). Ces questionnaires ont permis de mesurer les régularités, notamment sociales, qui guident l’orientation du vote.
– Lorsque cela était possible, l’enquête a été complétée par l’analyse des listes d’émargement de ces bureaux de vote, pour mesurer les logiques de la participation électorale et de l’abstentionnisme ou encore pour appréhender le vote par procuration.
– Un travail de documentation pour identifier les caractéristiques sociales et économiques des territoires considérés et étudier l’offre politique locale a été en dernier lieu mené en complément.
On peut distinguer trois apports principaux de l’enquête ALCOV.
D’abord, la séquence électorale de 2017 a constitué un cas d’école pour étudier comment les électeurs français s’orientent dans une conjoncture de crise et de renouvellement de l’offre politique. Les données récoltées montrent néanmoins que les élections de 2017 ne constituent peut-être pas la rupture que de nombreux commentateurs ont cru y voir. Si l’offre politique s’est renouvelée, les repères qui guident le vote demeurent en effet étonnamment stables : les électeurs se sentent toujours de droite ou de gauche, ils revendiquent l’appartenance à une famille politique et se réfèrent à des préférences anciennes pour guider leurs choix. En ce sens, si le renouvellement de l’offre politique n’est pas sans effet, car elle contraint à des reclassements et des réalignements, ils ne se distribuent au hasard, mais en fonction des trajectoires sociales et électorales antérieures qui délimitent le champ des possibles électoraux.
Ensuite, on observe que les rapports au politique et les préférences électorales restent profondément liés aux ancrages sociaux. D’une part, l’intérêt pour la politique, le suivi de la campagne et la propension à voter demeurent indexés à la position sociale et au sentiment de légitimité qui en découle. D’autre part, l’analyse des entretiens approfondis montre que, pour comprendre le vote, il est indispensable de mettre au jour des habitus électoraux, systèmes de croyances et de représentations du monde, incorporés par les électrices et les électeurs et générateurs de pratiques (production d’opinion et de jugement sur les enjeux et les candidats, votes, etc.). Les entretiens, panélisés, permettent de reconstituer et de comprendre comment fonctionnent ces matrices qui tamisent la perception de l’offre politique, hiérarchisent les enjeux et définissent des votes préférables, d’autres possibles ou impossibles.
Enfin cette enquête montre l’importance des contextes et des interactions dans la production des opinions et des votes. Ils se manifestent cependant moins comme des vecteurs de changement que comme des forces de rappel aux loyautés électorales. Les échanges avec les proches, et les micro-pressions qui en découlent, produisent en effet surtout de la conformité électorale en favorisant une régression vers les habitus électoraux justement. Dans une situation d’incertitude, ils contribuent ce faisant soit à maintenir des choix anciens, soit à ajuster la nouvelle offre politique aux transformations de la situation sociale mais seulement si celles-ci prennent un sens collectif.
En ce sens notre travail appelle à un aggiornamento méthodologique en sociologie électorale : si les enquêtes quantitatives (croisant quelques variables sociales et vote) demeurent utiles pour mettre au jour les régularités du vote, elles se révèlent insuffisantes pour saisir réellement les ancrages sociaux des préférences électorales qui doivent être inséparablement appréhendées à partir d’une microsociologie qualitative des appartenances et des identifications.
La publication d’articles, dossiers de revue, ouvrages, un film documentaire et l’organisation d’un colloque final ont accompagné la diffusion de ces résultats.
L’objectif du projet ALCoV (Analyses Localisées Comparatives du Vote : défiance, abstention et radicalisation politique dans la France contemporaine) est de comprendre les évolutions des comportements des citoyens face aux transformations contemporaines de la démocratie en France : crise du consentement, abstentionnisme, votes de défiance ou encore choix radicaux comme le soutien au FN. Il s’inscrit dans l’axe 2 du Défi 8 : « Inégalités, discriminations, intégration, radicalisation ».
Le projet porte plus précisément sur un dispositif ambitieux d'analyse du vote, et de l'abstention, lors des élections de 2017, d'abord la présidentielle, puis les législatives. L’objectif du projet est de croiser différents dispositifs d'observation de la participation et des choix électoraux et d'articuler approches quantitatives et qualitatives. L'approche quantitative se décline à deux niveaux : d'une part, nous proposons l'exploitation secondaire de l’enquête “Participation” de l’INSEE qui constitue un source particulièrement précieuse pour comprendre les ressorts de l’abstentionnisme électoral et de la non-inscription sur les listes électorales. D’autre part, afin de restituer les dimensions contextuelles du vote, nous étudierons “au microscope” des cas localisés avant, pendant, après l’élection présidentielle et jusqu’aux législatives de juin 2017 : sept circonscriptions choisies en région PACA ; Nord, Pas-de-Calais, Picardie ; Bourgogne Franche Comté ; et Ile-de-France. Un dispositif d’enquête pluriel sera mis en place : dépouillement des listes d’émargement de plusieurs bureaux de vote ; administration de questionnaires sortie d’urnes. Ce volet quantitatif sera doublé par une enquête qualitative sur les circonscriptions choisies, en particulier un ambitieux dispositif d’entretiens panélisés avec des électeurs et des observations sur ces territoires contrastés. En outre nous proposons d'articuler l’analyse des électeurs à celle de l’offre politique : nous mettrons en place un dispositif qualitatif de suivi de la campagne des partis et des candidats (par entretiens et observations).
L’originalité du projet est double : appréhender de façon longitudinale les comportements électoraux de l’automne 2016 à l’été 2017 en intégrant les élections législatives (aujourd’hui très peu étudiées) ; croiser des dispositifs quantitatifs et qualitatifs d’observation, à la fois du vote et de l’offre politique, à la fois à l'échelle nationale et sur des cas localisés. Ce projet permettrait en particulier pour la première fois de croiser à grande échelle l'exploitation de données nationale sur la participation et l'abstention et une enquête par questionnaires sortie d’urnes et par entretiens approfondis localisés, l’ensemble étant articulé à une analyse localisée de l’offre politique et du travail de mobilisation électorale sur une séquence longue de mobilisation électorale (de l’automne 2016 aux législatives de 2017).
Coordination du projet
ERIC AGRIKOLIANSKY (Institut de recherches interdisciplinaire en sciences sociales)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
IRISSO Institut de recherches interdisciplinaire en sciences sociales
CRESPPA Centre de Recherches Sociologiques et Politiques de Paris
CURAPP-ESS Centre Universitaire de Recherches sur l’Action Publique et le Politique-Epistémologie et Sciences Sociales
CESSP Centre Européen de Sociologie et de Science Politique
CHERPA Croyance, Histoire, Espace, Régulation politique et Administrative
Aide de l'ANR 460 108 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2016
- 36 Mois