Comprendre et Contrôler la Réactivité du Cofacteur à Molybdène dans les Enzymes et les Protéines Maquettes – MOLYERE
Les enzymes à molybdène et à tungstène sont présentes chez tous les êtres vivants où elles catalysent une très grande diversité de réactions. Elles jouent un rôle essentiel dans de nombreuses voies métaboliques du carbone, de l’azote et du soufre et ont des implications majeures dans les grands cycles biogéochimiques et dans les domaines de l’environnement, des bioénergies et en santé humaine. Dans la majorité des enzymes procaryotes, l’ion Mo ou W est coordiné par un cofacteur complexe de type bis-pyranoptérine-dithiolène (Mo/W-bisPGD) et par un aminoacide de type Ser, Asp ou (Se)Cys. Cette homogénéité de structure contraste étonnamment avec le très large panel de transformations chimiques rédox réalisées par ces enzymes sur une grande diversité de substrats tels que des oxydes d’azote, de soufre, de carbone, d’halogènes ou de métalloïdes. De plus, aucune corrélation ne se dégage entre la nature du ligand protéique et la réactivité du cofacteur à Mo/W ce qui souligne le rôle crucial de l’environnement protéique distant pour moduler la réactivité de ce cofacteur.
La situation la plus frappante est donnée par les enzymes à ligand Cys ou SeCys telle que la nitrate réductase périplasmique (Nap) et la formate déshydrogénase (Fdh). Ces enzymes partagent un même cofacteur Mo/W-bisPGD(S)(S(e)Cys) avec un centre 4Fe-4S proche, mais elles catalysent des processus chimiques très différents : un transfert d’atome d’oxygène à haut potentiel (+420 mV) pour la réduction du nitrate en nitrite par Nap, et un transfert d’atome d’hydrogène à très bas potentiel (-430 mV) pour la conversion réversible du formate en CO2 par la Fdh. Du fait de l’intérêt potentiel de la Fdh pour la réduction catalytique du CO2, ces enzymes font l’objet d’un très vif intérêt au plan international. Mais malgré la résolution de plusieurs structures par cristallographie aux rayons X couplée aux approches de modélisation théorique, leur mécanisme fonctionnel reste très controversé.
Le but de notre projet MOLYERE est de déchiffrer les facteurs moléculaires des environnements protéiques proche et distant du cofacteur à Mo/W qui contrôlent sa réactivité dans ces deux enzymes très homologues Nap et Fdh, et la capacité unique de certaines Fdh à réduire le CO2. Nous proposons une stratégie interdisciplinaire inédite basée en parallèle sur l’ingénierie enzymatique et sur la synthèse de novo de protéines à Mo artificielles. Notre approche s’appuiera sur trois axes intégrés : i) l’ingénierie enzymatique basée sur une analyse phylogénétique fine pour identifier et transférer par mutagenèse dirigée les facteurs structuraux responsables de l’activité Fdh vers Nap ; ii) le contrôle de la biogenèse de ces enzymes pour modifier et marquer isotopiquement et séparément le cofacteur à Mo-bisPGD ou la chaine protéique, combiné au piégeage et à l’étude à haute résolution des intermédiaires de réaction par les méthodes de spectroscopie RPE avancées, de cinétique et de modélisation théorique pour l’analyse des mécanismes réactionnels; iii) La synthèse de maquettes peptidiques et de protéines artificielles intégrant l’ion Mo dans un environnement moléculaire contrôlé, défini à partir de l’étude des enzymes, pour étudier et piloter sa réactivité.
Ce projet interdisciplinaire associe Biologistes, Chimistes et Physiciens de plusieurs groupes de recherche du CNRS, du CEA et d’Aix-Marseille Université. Ces groupes sont internationalement reconnus pour leur expertise dans le domaine des molybdoenzymes, de la génétique et de la biologie moléculaire, de la catalyse enzymatique, des spectroscopies magnétiques, de la synthèse peptidique, et de la chimie bioinspirée. Grâce aux échanges itératifs d’information entre les trois axes de ce projet, la compréhension des facteurs moléculaires contrôlant la réactivité du cofacteur à Mo permettra à terme d’ouvrir de nouvelles voies pour la conception de biocatalyseur de réduction du CO2, une des étapes cruciales dans la valorisation de ce composé.
Coordination du projet
Bruno GUIGLIARELLI (Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse_ Bioénergétique et Ingénierie des Protéines)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
CEA CADAR-BIAM Institut de biosciences et biotechnologies (BIAM) - Commissariat à l'Energie Atomique et aux énergies alternatives
CNRS DR12_ISM2 Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse_Institut des Sciences Moléculaires de Marseille
CNRS DR12_LCB Centre National de la Recherche Scientifique délégation Provence et Corse _Laboratoire de Chimie Bactérienne
CNRS DR12_BIP Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse_ Bioénergétique et Ingénierie des Protéines
Aide de l'ANR 590 332 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2016
- 48 Mois