Le développement du contrôle sensorimoteur pour l’emploi d’outils mécaniques – Developmental_Tool_Mastery

L’être humain a atteint un haut niveau de sophistication dans la façon dont il interagit avec l'environnement. Une étape importante au cours de ce processus a été l'introduction d'outils permettant de sentir et d’agir sur des objets de l’environnement au-delà des limites physiques imposées par notre corps.La capacité à créer et à utiliser des outils a atteint dans l’espèce humaine un degré de complexité absolument remarquable (Martel et al. sous presse).
Tout à fait paradoxalement, cependant, on en sait encore très peu sur ce qui fait de l’homme un tel expert dans l’utilisation d’outils. Un aspect crucial est la capacité d'apprendre à contrôler l'action exécutée de manière adaptative avec un outil (Fagard et al, 2014). Les théories du contrôle moteur (Wolpert et Flanagan, 2010) postulent que le système nerveux central contrôle les mouvements en anticipant le résultat de l'action et en comparant cette prédiction avec les informations sensorielles reçues. Cette relation entre performance et conséquences de l’action est principalement acquise avec l'expérience durant le développement, et reste plus ou moins constante dans la vie adulte. L'utilisation d'outils défie particulièrement le système sensorimoteur, puisque c’est la partie préhensile de l’outil qui devient l’effecteur final, à la place des effecteurs habituels, tels que la main ou le bras. Ce transfert fonctionnel (Arbib et al. 2009) exige la plasticité de la représentation du corps utilisée par le cerveau pour contrôler les mouvements, appelée schéma corporel. Jusqu’à présent, la plupart des études se sont concentrées sur l’utilisation d'outils dans un but de manipulation ou de saisie, cependant l’autre grande inconnue de l’utilisation des outils est comment l’homme parvient à sentir à travers les outils. En effet, nos mains peuvent extraire une quantité incroyable d'informations sur les objets que nous explorons avec un outil, ainsi que sur l'outil lui-même, même sans vision (Serino et al. 2007). Depuis Descartes, la philosophie a posé un cadre théorique à cette question. Quand nous touchons quelque chose avec un bâton, nous sentons le contact au niveau de l’extrémité distale du bâton, et non au niveau de l’input réel, c’est-à-dire, la main qui manipule le bâton. Ainsi, la perception sensorielle est transférée à l’extrémité de l’outil. Les études apportant des preuves empiriques de cette idée largement acceptée étant très rares (Yamamoto et Kitazawa, 2001), la façon dont le cerveau extrait les caractéristiques de l'objet ou de l’outil à distance, reste très mal comprise.
Dans ce projet, nous visons à déchiffrer les mécanismes fonctionnels permettant l'acquisition du contrôle sensorimoteur d'outils pendant le développement, et sa plasticité dans le cerveau adulte. Nous souhaitons répondre à trois questions : A) Comment les jeunes humains acquièrent-ils le contrôle d'outils pour atteindre et saisir des objets, puis sentir et explorer leur environnement ? B) Comment le cerveau humain adulte code-t-il pour ces capacités et leur plasticité ? C) Comment des modalités sensorielles multiples contribuent à l'acquisition et à la régulation de ces capacités ?
Les partenaires de ce projet rassemblent des compétences appartenant à des champs de la recherche en psychologie, philosophie de l’esprit, neurosciences cognitives et encore bio-robotique, gage de faisabilité ces partenaires ont pour la plupart déjà travailler ensemble. Ce consortium interdisciplinaire offre l'occasion idéale pour comprendre cette remarquable capacité à utiliser des outils et ses bases neurales. Inspirés par la philosophie et des méthodes de neurosciences cognitives de pointe, profitant d’une association originale entre robotique et systèmes innovants de réalité virtuelle immersive, nous combinerons de multiples compétences pour acquérir une connaissance sans égal de la contribution multisensorielle à l'acquisition et au contrôle adaptatif de l'utilisation d'outils.