Motifs de démotorisation dans les aires urbaines françaises – MoDe

Réduire la dépendance à l’automobile pour les trajets du quotidien constitue un objectif prioritaire des acteurs en charge de l’aménagement et des transports urbains. Les efforts ont principalement porté en France sur le développement des transports en commun et la restriction de l’usage de la voiture. Si ces politiques ont été plutôt efficaces dans l’espace des centres-villes, elles ont été contrariées par la périurbanisation croissante des ménages et des activités économiques qui s’est accompagnée d’une multipolarisation des flux et d’une augmentation des distances parcourues en automobile.
La littérature sur la dépendance automobile et les difficultés à changer les comportements de mobilité est très riche. En revanche, on sait peu de choses sur la façon dont on pourrait encourager les ménages à se démotoriser, c’est-à-dire à réduire de façon pérenne le nombre de voitures qu’ils possèdent, et sous quelles conditions la démotorisation pourrait effectivement s’accompagner d’un moindre usage de la voiture. Les quelques travaux disponibles, fondés sur des données quantitatives, montrent que la démotorisation reste un phénomène rare, souvent lié à des difficultés financières, physiques ou à un changement dans la composition du ménage. Nous faisons toutefois l’hypothèse qu’une recherche approfondie sur les tendances récentes à la démotorisation (qu’on observe en particulier dans certaines parties denses des agglomérations urbaines) est importante pour éclairer les décideurs publics sur les stratégies à mettre en œuvre pour réduire, dans des territoires urbains et périurbains, le nombre de voitures et les conséquences sociales et environnementales négatives associées à leur usage, dans un contexte où l’image sociale de l’automobile est en train de changer, où les TIC offrent de nouvelles perspectives en matière d’organisation des activités (e-commerce, télétravail), de la mobilité (covoiturage, autopartage, etc.) et où l’espace urbain se recompose à plusieurs échelles (écoquartiers, polycentrisme...)
En s’appuyant sur quatre cas d'études (Paris, Lyon, Bordeaux et Dijon), le projet MoDe (Motifs de démotorisation dans les aires urbaines françaises) poursuit trois objectifs. Le premier vise la compréhension, à l’échelle des ménages et sur des temporalités longues, des motivations (socio-économiques, psychologiques, liées aux caractéristiques du bassin de vie) à l’œuvre dans les processus pérennes de démotorisation. Au-delà de l'identification des événements biographiques clés et des facteurs instrumentaux et non instrumentaux (symboliques et émotionnels), l’accent sera mis sur le rôle de l’environnement social et urbain, ainsi que sur la façon dont ces facteurs interagissent et s’enchaînent dans le temps pour générer une démotorisation qui sera considérée comme un processus (et non une séquence isolée). Le deuxième objectif vise à interroger les liens entre démotorisation, mobilité (notamment l’usage de la voiture) et inégalités (mobilité, accessibilité). Cette appréhension du phénomène dans sa globalité permettra de rendre efficaces les interventions de la puissance publique visant à l’encourager. MoDe a pour troisième ambition d'élaborer des recommandations avec et pour les acteurs du transport et de l'aménagement urbains pour favoriser la démotorisation des ménages, assurer qu’elle s’accompagne d’un moindre usage de l’automobile et d’une baisse des kilomètres parcourus sans creuser les inégalités socio-spatiales.
Les champs disciplinaires mobilisés sont la sociologie, la psychologie, la géographie, l’économie et l’aménagement. Une collaboration étroite sera assurée dans les quatre aires urbaines d’étude avec les acteurs du transport et de l’aménagement qui ont donné leur accord pour participer d’une part à des entretiens visant la compréhension du contexte local, et d’autre part à deux workshops entre chercheurs et décideurs, en milieu et fin de projet.