DS0303 -

Développement d'une approche couplée énergie de frottement - théorie du 3ème corps pour modéliser la cinétique d'usure en fretting des contacts métalliques – X-FEW

XFEW : eXtended Friction Energy Wear model

Ce projet vise à développer un nouveau modèle d’usure qui unifie les approches énergétiques (volume d’usure fonction du travail du frottement dissipée dans l’interface), la théorie du 3ème corps (flux d’éjection du lit de débris de l’interface) et le concept d’oxygénation de l’interface (l’oxygène présent dans le lit de débris modifie le processus d’usure).

Introduction

Le fretting-usure résultant d'un mouvement oscillatoire de micro-déplacements est considéré comme un gros problème pour de nombreuses applications industrielles (câbles de ponts, turboréacteurs, centrales nucléaires, etc.). Elle entraîne des dépenses substantielles pour la maintenance et le remplacement des équipements. D’autre part, avant la mise en place du projet XFEW, il n’existait pas de modèle d’usure suffisamment fiable pour prédire la durée de vie d’un assemblage pour un très large spectre de sollicitations ou de tailles de contact. La prédiction de l’usure par le fretting était jusqu’à présent abordée par deux approches :<br />- Une approche énergétique qui consiste à établir l’évolution du volume d’usure en fonction de l’énergie de frottement dissipée dans l’interface. Cette approche est simple et peut facilement être intégrée dans un code de calcul. En revanche elle ne prend pas en compte le processus d’éjection des débris de l’interface ni l’influence de l’oxygénation de l’interface qui modifie les mécanismes et donc la cinétique de l’usure. <br />- Une approche dite de 3ème corps qui consiste à expliquer l’évolution de la cinétique de l’usure en fonction du processus d’éjection des débris de l’interface. Cette approche est plus physique que l’approche énergétique mais reste très difficile à implémenter dans un code numérique.<br />- Enfin ni l’approche énergétique ni l’approche 3ème corps n’étaient jusqu’à présent capables de prendre en compte l’effet de la diffusion de l’oxygène dans l’interface frottée qui, en modifiant les mécanismes d’usure (usure abrasive versus usure adhésive), modifie la cinétique d’usure. <br />Ainsi un grand un grand enjeu scientifique, qui a motivé le projet XFEW, a été de développer une approche unifiée de ces différents concepts de façon à établir une loi d’usure fiable facilement intégrable dans un code numérique.

La cinétique en fretting-usure d'une interface homogène acier 34NiCrMo16 plan/plan croisés a été étudiée au travers d’un très large spectre de sollicitations (pression, amplitude de glissement, fréquence, mono contact, surfaces texturées, taille du contact, etc …). Ces essais ont été réalisés sur un banc fretting usure spécifiquement mis en place pour ce projet. Dans un premier temps on a analysé l’évolution de la partition entre les zones d’usure adhésive au centre du contact et les zones d’usure abrasive observées en bordure du contact à l’aide d’analyses post-mortem (SEM, EDS, Raman,...). Cette partition a été formalisée au travers du concept d’oxygénation de l’interface (COC : Contact Oxygénation Concept) : si la concentration de dioxygène présente dans le lit débris est inférieure à un seuil, les surfaces métalliques ne peuvent plus s’oxyder et l’interface évolue vers une usure adhésive. Ce concept a été modélisé à l’aide d’une approche ADR (Advection, Diffusion, Réaction). Il a été validé pour une analyse couplée expérimentations/simulations. Parallèlement nous avons étudié le processus déjection des débris en jouant sur la taille des contacts de façon à formaliser la cinétique d’éjection du 3ème corps (TBT : Third Body Theory). En effet, plus la longueur du contact est grande, plus le temps maintien des débris dans l’interface est important, plus le lit de débris sera épais, plus les massifs en contact seront protégés (écrantés par le lit de débris) et plus, in fine, la cinétique d’usure sera faible. Enfin nous avons formalisé la cinétiques de l’augmentation du volume d’usure (V) en fonction de l’énergie de frottement dissipée dans l’interface (SEd). Ainsi, en établissant des longueurs caractéristiques qui caractérisent l’oxygénation de l’interface L_COC et l’éjection du lit débris L_TBT, mais aussi en intégrant l’effet de la fréquence (qui joue sur la cinétique d’oxydation) nous avons proposé une loi d’usure énergétique étendue (XFEW) pour laquelle le coefficient énergétique d’usure n’est plus constant mais exprimé comme une fonction de poids des différents paramètres de chargement (pression, amplitude de glissement, fréquence) mais aussi des grandeurs L_COC et L_TBT. Ainsi, tout en intégrant mieux les mécanismes physiques des processus d’usure, cette formulation très simple peut facilement être implémentée dans un code de calcul. La comparaison avec un large spectre de conditions expérimentales a confirmé la stabilité du modèle. Parallèlement à ces travaux, une recherche plus fondamentale a été conduite pour étudier l'influence de la cohésion entre les débris sur le frottement en utilisant un modèle DEM multi-corps sans maillage. Pour confirmer les résultats du modèle DEM, l'adhésion entre les débris a été modifiée expérimentalement en contrôlant l’environnement gazeux, air ambiant ou argon pur, dans lequel des essais de fretting en configuration sphère-plan ont été réalisés.

Les principaux résultats de ce projet sont les suivants :
1 – Mise en place d’un banc de fretting usure forte charge (hydraulique) permettant d’étudier des très grands contacts plan/plan
2 – Formalisation de la structure composite (zone d’usure abrasive / zone d’usure adhésive) des faciès d’usure générés par fretting à partir du concept d’oxygénation de l’interface (COC : Contact Oxygenation Concept) : si la concentration de dioxygène présente dans le lit débris est inférieure à un seuil, les surfaces métalliques ne peuvent plus s’oxyder et l’interface évolue vers une usure adhésive. Si cette concentration est supérieure à ce seuil, l’oxydation des surfaces métalliques est possible et l’interface localement évolue vers une usure de type abrasive. Ainsi, on explique pourquoi l’usure adhésive est observée au centre des contacts et les zones abrasives localisées en bordure où la concentration en dioxygène est plus élevée.
3 – Modélisation du COC (Contact Oxygénation Concept) à partir d’une approche ADR (Advection, Diffusion, Réaction) prenant en compte la porosité du lit de débris. Ce modèle permet de prédire la position de la frontière entre zones adhésives et zones abrasives. Un code numérique 3D a été développé (ADR_COC) qui a par la suite été simplifié pour donner lieu à des expressions mathématiques littérale pour des contacts axisymétrique et 2D.
4 – Couplage du code ADR-COC avec un modèle locale de l’usure (FEM Wear Box) prenant en compte la présence du lit de débris. Ce modèle a permis de simuler pour la première fois des faciès d’usure en « W » générés en glissement total qui usuellement observés expérimentalement mais qui jusqu’à présent n’ont jamais pu être simulés avec les modèles d’usure conventionnels
5 – Analyse de la cinétique d’usure pour une très large gamme de chargements (pression, amplitude de glissement, fréquence, taille de contact, etc. ...). Introduction de deux longueurs caractéristiques L_COC et L_TBT permettant de formaliser l’effet de la taille de contact sur la cinétique d’usure.
6 – Introduction d’un coefficient énergétique d’usure étendu (XFEW) prenant en compte les conditions de chargement, la taille du contact mais aussi l’activation des processus COC et TBT au travers d’une formulation de type fonctions poids. Etablie avec un nombre restreint d’essais, cette formulation a permis de prédire la cinétique d’usure de conditions d’essais très éloignées de celles utilisées pour établir le modèle. Basée sur un concept énergétique, cette approche peut très facilement être implémentée dans des codes numériques (ex. FEM).
7 – Développement d’un code DEM pour l’analyse dynamique locale du 3ème corps de façon à relier l’effet de la rhéologie du 3ème corps vis-à-vis de l’évolution du coefficient de frottement.

Nous souhaiterions approfondir nos recherches sur les axes suivants :
1- Couplage entre le modèle COC-ADR et l’approche DEM (rhéologie du 3ème corps) de façon à enrichir le modèle mésoscopique XFEW avec une description plus fine de la rhéologie du 3ème corps.
2 – Développement d’un modèle 3D (ADR-WEARBOX) de façon à proposer un code « ingénieur » permettant de mieux simuler le risque de fretting usure dans les interfaces soumises au fretting usure.
3 – Etude de l’effet de l’environnement (atmosphère neutres, vide) de façon à contrôler le processus oxygénation de l’interface.
4 – Etude de différents matériaux présentant un comportement différent vis-à-vis de l’oxydation mais aussi donnant lieu à des débris d’usure aux propriétés cohésives variées.
5 – Couplage de ce modèle d’usure avec l’étude de la fissuration en particulier pour les conditions dites de régime mixte où l’activation de zones adhésives en générant des sur-contraintes peut favoriser l’amorçage des fissures.

Nous espérons pouvoir bénéficier d’un soutien pour ces projets de recherche soit dans le cadre d’un projet ANR soit via d’autres financements.

Ce projet ANR a été fructueux en termes de publications scientifiques. En plus d'une thèse de doctorat, huit articles (7 publiés + 1 soumis) sont issus des laboratoires LTDS et LAMCOS. Les travaux réalisés dans ces publications ont été récompensés par deux prix (prix HIRN et Ken Ludema Best paper award) lors des conférences JIFT2021 et WOM2021 respectivement reflétant le fort impact scientifique et l'originalité de ce projet ANR au niveau national et international.
On retiendra que ces travaux ont été disruptifs dans le domaine de la tribologie et plus particulièrement pour le fretting usure. Cette approche (modèle XFEW) est dès à présent considérée par des industriels comme SAFRAN pour mieux formaliser leurs cinétiques d’usure sur des gros contacts. Enfin il est très largement cité dans la littérature internationale et « repris » sous différentes formes par nos collègues britanniques.
Publications scientifiques:
1) Y. Zhang, G. Mollon, S. Descartes, Significance of third body rheology in friction at a dry sliding interface observed by a multibody meshfree model: Influence of cohesion between particles, Tribol. Int. 145 (2020) 106188. doi:10.1016/j.triboint.2020.106188.
2) S. Baydoun, S. Fouvry, S. Descartes, P. Arnaud, Fretting wear rate evolution of a flat-on-flat low alloyed steel contact: A weighted friction energy formulation, Wear. 426–427 (2019) 676–693. doi:10.1016/j.wear.2018.12.022.
3) S. Baydoun, S. Fouvry, An experimental investigation of adhesive wear extension in fretting interface: Application of the contact oxygenation concept, Tribol. Int. 147 (2020) 106266. doi:10.1016/j.triboint.2020.106266.
4) S. Baydoun, P. Arnaud, S. Fouvry, Modelling adhesive wear extension in fretting interfaces: An advection-dispersion-reaction contact oxygenation approach, Tribol. Int. 151 (2020) 106490. doi:10.1016/j.triboint.2020.106490.
5) S. Baydoun, P. Arnaud, S. Fouvry, Modeling contact oxygenation and adhesive wear extension in axisymmetric flat circular fretting interfaces, Wear. (2021). doi:10.1016/j.wear.2021.203822.
6) P. Arnaud, S. Baydoun, S. Fouvry, Modeling adhesive and abrasive wear phenomena in fretting interfaces: A multiphysics approach coupling friction energy, third body and contact oxygenation concepts, Tribol. Int. 161 (2021) 107077. doi:10.1016/j.triboint.2021.107077.
7) S. Baydoun, Investigation of fretting wear of a flat-on-flat 34NiCrMo16 interface: Application and modelling of the contact oxygenation concept, PhD Thesis - Ecole Centrale de Lyon, 2020.
8) S. Baydoun, S. Fouvry, S. Descartes, Modeling contact size effect on fretting wear: a combined contact oxygenation - third body approach. Wear (submitted).
9) S. Baydoun, P. Arnaud, S. Fouvry, Explicit formulations of adhesive wear extension in fretting interfaces applying the contact oxygenation concept. Wear (accepted).


Les endommagements induits par usure en fretting (microdéplacements alternatifs) se produisent au niveau de nombreux contacts soumis à des vibrations. Ces endommagements sont néfastes dans de nombreux cas industriels (turbine, roulements oscillants…). Afin d’optimiser la conception de nouveaux assemblages, il est nécessaire de modéliser l’usure en fretting, par des méthodes numériques telles que la modélisation par éléments finis (FEM) ou par éléments discrets. Malheureusement il n’existe pas de modèles permettant de prédire de façon fiable les cinétiques d’usure. La stratégie actuelle consiste à appliquer la loi d’Archard qui relie le volume usé au produit de la force normale et de la distance parcourue. Cette approche très simplifiée ne prend pas en compte les effets du lit de particules (troisième corps) piégé à l’interface du contact. Celle-ci consomme une partie non négligeable de l’énergie dissipée par frottement et peut donc modifier significativement le taux d’usure en fretting. Cela explique les écarts importants entre les résultats expérimentaux et les simulations.
Par une approche couplée expérimentations / simulations, l’objectif de ce projet est de pallier à cette limitation en développant une approche énergétique étendue de l’usure prenant en compte l’effet du troisième corps. L’évolution du volume usé sera prédite par le produit de l’énergie de frottement dissipée à l’interface par un coefficient d’usure dépendant de l’épaisseur de troisième corps et de la configuration de contact.
Les matériaux en contact, étudiés dans ce projet pour la mise en place de cette nouvelle approche, i.e. acier/acier et Inconel/stellite, ont été sélectionnés pour obtenir des interfaces modèles permettant de générer une usure abrasive. Ce choix, fait en concertation avec 2 industriels, SKF et Airbus, soutenant le projet (impliqués dans un comité dit industriel créé pour ce projet) correspond aussi à des enjeux industriels (roulements et attaches mat-moteur). Cette recherche nécessite différentes expériences de fretting et des analyses de l’interface (troisième corps) développées dans les deux laboratoires LTDS et LaMCoS. Un des principaux verrous expérimental est de contrôler l’épaisseur et les propriétés du lit de débris de façon à établir une relation entre le taux d’usure énergétique et les propriétés du troisième corps.
Ce verrou sera levé à la fois en étudiant différentes géométries de contact, l’une permettant de piéger les particules, l’autre non, et en texturant les surfaces, afin de contrôler le débit d’évacuation des particules. Ces deux solutions permettront ainsi d’ajuster l’épaisseur du troisième corps piégé entre les deux corps en contact.
D’autres points tels que la taille de contact, la pression de contact, l’amplitude de déplacement et la vitesse de glissement seront aussi analysés. Des observations in situ (contreface en saphir) et des analyses post-mortem dédiées seront réalisées pour estimer l’épaisseur du troisième corps.
Ainsi en corrélant les taux d’usure et les épaisseurs de troisième corps mesurées il sera possible d’établir un modèle énergétique étendu capable d’exprimer le rendement énergétique de l’usure en fonction de la configuration du contact et du troisième corps piégé à l’interface. Cette nouvelle formulation de l’usure sera implémentée dans les codes du LTDS et du LaMCoS. Des cas industriels proposés par SKF et Airbus seront simulés pour établir la stabilité de cette nouvelle approche.





Coordination du projet

Siegfried Fouvry (LABORATOIRE DE TRIBOLOGIE ET DYNAMIQUE DES SYSTEMES)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

INSA Lyon - LAMCOS Institut National des Sciences Appliquées de Lyon - Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures
LTDS LABORATOIRE DE TRIBOLOGIE ET DYNAMIQUE DES SYSTEMES

Aide de l'ANR 326 371 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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