Modèles de Réservoirs Quantitatifs pour les Systèmes Hydrothermaux Complexes – CHARMS
Modélisation numérique des systèmes hydrothermaux en milieu géologique complexe
La modélisation numérique permet l’estimation des ressources géothermales et la maitrise de leur exploitation. En utilisant de nouveaux schémas numériques et le calcul haute performance nous prenons mieux en compte la complexité naturelle du sous-sol et les technologies d’exploitation.
Permettre une compréhension interdisciplinaire des ressources géothermales grâce à l’intégration de la modélisation géologique et de la modélisation hydrothermale
Une approche interdisciplinaire permet de mieux comprendre le sous-sol. C’est particulièrement vrai pour la géothermie haute énergie : architecture des corps géologiques, discontinuités, forts contrastes de propriétés physiques, grandes plages de conditions thermodynamiques… rendent ces milieux difficiles à modéliser. Intégrer différentes approches disciplinaires demande alors de rendre les concepts des uns accessibles aux autres et manipulables à travers des outils numériques partagés : la simulation hydrothermale doit être fidèle au modèle géologique et le modèle géologique et doit avoir du sens pour l’ingénieur de réservoir. Cette fluidité demande non seulement des capacités de calcul importantes mais aussi des avancées dans les méthodes de discrétisation numériques sous-jacentes et la collaboration avec des mathématiciens appliqués. L'objectif principal de CHARMS a été de rassembler et connecter ces contributions dans un cadre ouvert et cohérent pour produire des outils opérationnels pour la modélisation quantitative des systèmes géothermaux profonds. Grâce à cette nouvelle génération d’outils on pourra mieux comprendre la formation de ces ressources décarbonées et renouvelables, en trouver de nouvelles et optimiser leur exploitation.
La génération de maillages de qualité permettant de discrétiser fidèlement des modèles géologiques reste un défi. Nous avons exploré différentes approches utilisant principalement des maillages non structurés à base de tétraèdres. Pour pouvoir utiliser ces maillages dans la simulation des processus hydrothermaux, nous nous appuyons sur de nouveaux schémas numériques pour la discrétisation des systèmes d’équations aux dérivées partielles décrivant les transferts de masse et d’énergie dans les milieux poreux. Dans la classe des schémas dit « gradient », nous utilisons un schéma nodal, qui permet d’exploiter le fait que les maillages tétraédriques possèdent beaucoup moins de nœuds que de cellules. Les discontinuités de type faille et fracture sont représentées par un ensemble de faces du maillage. Un modèle hybride est obtenu en couplant un modèle de transferts surfaciques dans ces éléments avec les transferts matriciels tridimensionnels. Enfin, la physique des fluides est décrite par un modèle multiphases multicomposants. L’ensemble est implémenté dans un code de simulation massivement parallèle dont plusieurs tests et cas d’études ont permis d’évaluer les performances.
L’essentiel des méthodes mises au point dans le projet CHARMS ont été implémentées sous la forme d’outils informatiques. Le résultat majeur du projet est le logiciel libre ComPASS, développé de manière collaborative. La dynamique initiée se prolonge aujourd’hui à travers de nouveaux projets collaboratifs entre membres du consortium CHARMS et inclue aussi de nouveaux partenaires. Le code a déjà été utilisé dans le cadre d’enseignements, de projets de recherche et d’expertise. Il fait partie du projet INSPIRE visant à créer une dynamique à l’échelle européenne sur l’utilisation des logiciels open source dans l’enseignement et la recherche sur la simulation des milieux poreux.
Outre la modélisation des ressources géothermales, de nouvelles thématiques d’application sont considérées : modélisation des stockages (gaz, déchets radioactifs), des ressources minérales épithermales… Plusieurs actions sont envisagées pour dynamiser les communautés d’utilisateurs et de développeurs. Des formulations physiques restent à mettre au point pour prendre en compte la composition chimique des saumures géothermales et le couplage avec les phénomènes mécaniques permettrait d’élargir la gamme des problèmes considérés. Enfin, il serait pertinent de développer un cadre permettant d’utiliser simultanément plusieurs schémas numériques en fonction des spécificités du problème considéré.
Le projet CHARMS a donné lieu à 11 publications dans des revues internationales à comité de lecture (7 acceptées, 2 soumises, 2 en préparation). Les résultats du projet ont fait l’objet de 12 présentations congrès (4 nationaux et 8 internationaux), dont 4 font l’objet d’un résumé étendu validé par un comité de lecture. Les codes développés sont distribués sous la forme de logiciels libres et ne sont pas couverts par des brevets.
La géothermie profonde permet la production en base, indépendamment des conditions météorologiques, d’une énergie propre utilisable directement sous forme de chaleur ou convertissable en électricité lorsque la température le permet. Sa contribution à la décarbonisation de notre économie croîtra progressivement pour atteindre une efficacité maximale en 2050 (ANCRE, 2015). Cependant, le sous-sol est un endroit complexe et incertain qui rend risquée l’exploitation des ressources qu’il renferme. Ainsi, quelle que soit la technologie utilisée – exploitation conventionnelle des aquifères profonds, production d’électricité en milieu volcanique ou opérations de nouvelle génération (EGS) - et le niveau de maturité associé, les opérations géothermiques profondes sont caractérisées par un investissement initial conséquent, lié aux coûts de forage (plusieurs M€), et risqué. Un échec peut détourner les opérateurs d'une région avec un bon potentiel a priori, mais une géologie complexe, pendant des décennies (exemple de l'aquifère du Hainaut au début des années 80).
La pratique montre que la façon la plus efficace de maitriser le risque géologique est l'intégration pluridisciplinaire et collaborative des données disponibles, et des interprétations qui en sont faites, dans un modèle géologique. Dans un contexte géothermique, le but premier de ces modèles conceptuels est la prédiction de la distribution spatiale des températures. Cependant, pour être rentables, les projets de géothermie profonde ont besoin de niveaux de puissance qui nécessitent des échanges convectifs avec le réservoir et des débits de production ou d’injection importants. Parallèlement, les processus convectifs transitoires, qui sont omniprésents dans les milieux volcaniques, contrôlent également largement le régime thermique et l’état naturel de nombreux bassins sédimentaires ou des formations de socle sous-jacentes. Le modèle conceptuel d’un système géothermique est donc intrinsèquement dynamique et se doit d'intégrer les transferts de masse et d’énergie qui sont contrôlés par des structures géologiques multi-échelles...
Dans un contexte où les données sont rares et hétérogènes, la simulation numérique est un moyen d’investigation puissant. De plus, en parallèle d’une augmentation importante des capacités de calcul, des avancées considérables, auxquelles ont contribué les partenaires de CHARMS, ont été réalisées au cours des dernières décennies dans la modélisation statique et dynamique du sous-sol. Mais de nombreux développements sont encore indépendants et confinés aux milieux universitaires et aucune solution commerciale ne les intègre non plus dans le même cadre. L'objectif principal de CHARMS est alors de franchir cette étape en produisant les briques de base pour une plate-forme de modélisation ouverte qui permettent de construire des modèles conceptuels dynamiques dans des contextes géologiques complexes, dès les premières phases de l'exploration, augmentant ainsi les chances de succès, et qui puissent évoluer vers des modèles de réservoir opérationnels pour garantir une exploitation durable.
Le projet repose sur les trois piliers suivants:
• un cadre cohérent pour associer des modèles géologiques complexes et évolutifs avec la physique non linéaire des écoulements géothermiques,
• l’intégration sur la plate-forme parallèle COMPASS de schémas numériques précis et performants permettant la modélisation d’écoulements géothermaux compositionnels multiphasiques sur des maillages non structurés intégrant des surfaces de discontinuité (fractures, failles),
• une base de cas test de validation et des cas industriels, comprenant des architectures de puits complexes.
CHARMS rassemble des scientifiques se connaissant, avec une solide expérience de la modélisation du sous-sol. Le BRGM coordonnera le projet en s’appuyant sur l'expertise numérique des Universités de Nice et Paris 6, et de la Maison de la Simulation ainsi que sur l’expérience opérationnelle de Storengy.
Coordination du projet
Simon Lopez (Bureau de Recherches Géologiques et Minières)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
BRGM Bureau de Recherches Géologiques et Minières
UPMC - LJLL Université Pierre et Marie Curie - Laboratoire Jacques-Louis Lions
STORENGY
UNS - LJAD Université Nice Sophia Antipolis - Laboratoire J.A.Dieudonné
MdlS Maison de la Simulation
Aide de l'ANR 767 186 euros
Début et durée du projet scientifique :
novembre 2016
- 48 Mois