Voir et comprendre les Alpes en 3D, de la croûte au manteau – AlpArray-FR
Voir et comprendre les Alpes en 3D, de la croûte au manteau
Alors que la plupart des concepts qui sous-tendent les recherches actuelles sur la dynamique les chaînes de montagne sont nés dans les Alpes, la structure profonde de la chaîne reste mal connue. L’ambition du projet européen AlpArray est de combler ce manque par l’acquisition de données sismologiques de qualité qui, soumises aux techniques d’analyse les plus modernes lèveront les incertitudes actuelles sur les structures profondes de l’arc alpin.
Le projet international AlpArray: réévaluer les structures de la lithosphère alpine et les processus en jeu en utilisant les méthodes les plus innovantes de l'imagerie géophysique
Des millions d’Européens vivent dans les régions alpines et sont affectés par l’orogène, que ce soit par sa topographie, sa géologie ou les risques naturels qu’elle engendre. Les géologues ont étudié la chaîne alpine depuis plus de 100 ans, ce qui en fait un laboratoire naturel unique pour produire de la connaissance sur l’orogenèse et ses relations avec la dynamique mantellique passée et présente. Mais, alors que la plupart des concepts qui sous-tendent les recherches actuelles sur les chaînes de montagne et la dynamique de la convergence sont nés dans les Alpes, le fossé est grand entre la connaissance très complète de la géologie de surface, et les données géophysiques comparativement limitées sur les structures mantelliques. Le projet AlpArray, qui regroupe près de 45 instituts dans 18 pays européens, a pour ambition de combler ce hiatus. Cet objectif sera atteint grâce au déploiement pendant 2 à 3 ans (2016-2019) d'une antenne sismologique terre-mer dense et homogène (maille ~50 km), à une échelle jamais vue en Europe. Cette antenne fournira des données de haute qualité qui, soumises aux techniques d’analyse les plus modernes, permettront de lever les incertitudes actuelles sur les structures profondes de l’arc alpin. La base de données AlpArray offrira l'opportunité de tester sur un cas particulièrement ardu (structures tridimensionnelles) de nouvelles méthodes d'imagerie telles que l'inversion de formes d'ondes complètes rarement utilisée à cette échelle. L'enjeu ultime du projet est l'intégration des données géologiques et géophysiques dans un modèle géodynamique 4D de la chaîne permettant de décrypter la géométrie actuelle de l'orogène et reconstituer sa dynamique passée. Il passera par une collaboration étroite entre géologues et géophysiciens.
L'équipe AlpArray (dont AlpArray-FR est la composante française) a déployé une antenne sismologique terre-mer de plus de 270 stations temporaires qui complètent les ~350 stations permanentes. Cette antenne dense et homogène couvre tout l'arc alpin et ses avant-pays. Elle sera maintenue pendant au moins deux ans pour le réseau à terre (2016-2019) et a fonctionné 8 mois pour le réseau fond de mer (juin 2017 - février 2018). L'antenne AlpArray est la plus grande expérience sismologique jamais organisée en Europe. Elle a vu le jour grâce à la collaboration d'un grand nombre d'instituts européens qui ont mis en commun leurs moyens techniques et financiers. Une grande partie des données sont distribuées en temps quasi-réel à tous les participants via le portail européen EIDA. Pour décrypter les structures profondes particulièrement complexes et tridimensionnelles des Alpes, les données de l'antenne AlpArray sont et seront exploitées en adaptant et développant des méthodes nouvelles d'imagerie sismique. Elles incluront par exemple l'inversion jointe d'observables géophysiques différents par des méthodes probabilistes permettant d'estimer les erreurs sur les paramètres et l'inversion de formes d'ondes complètes. Enfin, nous intégrerons toutes les données géologiques et géophysiques dans un modèle géodynamique 4D qui permettra de comprendre la géométrie actuelle de la chaîne en 3D, mais aussi de reconstituer la géométrie et la dynamique passées. Cette étape nécessite un double changement d'échelle, vers les grandes échelles pour les observations géologiques et vers la haute résolution pour les tomographies géophysiques. La composante française du projet, AlpArray-FR se focalisera en particulier sur les Alpes occidentales et la transition entre Alpes et Apennins, dont la structure arquée constitue un challenge encore plus relevé pour la tomographie sismique que les autres régions de la chaîne.
Avec ses 274 stations temporaires (à terre et en fond de mer) complétant un réseau permanent de 352 stations (juillet 2017), l’antenne AlpArray est de loin le plus important réseau d’observation sismologique jamais installé en Europe, dans un effort transnational sans précédent auquel ont contribué 36 laboratoires et instituts de 11 pays différents (Hetenyi et al., 2018). Le projet AlpArray-FR a permis l'installation de 80 nouvelles stations dans tout l'Est de la France, dont 24 sont devenues ou vont devenir permanentes. Les données des 2/3 des stations du réseau temporaire sont disponibles en temps quasi-réel (2-4 jours de délai) sur les portails du système européen distribué d’archivage de données sismologiques EIDA. Les données AlpArray sont pour la plupart d’excellente qualité.
Lu et al. (2018) ont produit, par tomographie de bruit ambiant, le meilleur modèle tri-dimensionnel de vitesse d’ondes S pour la croûte et le manteau supérieur sous l’Europe. Il est le meilleur modèle disponible non seulement en terme de résolution spatiale (30 km dans la croûte supérieure, 90 km à la limite croûte-manteau dans la zone alpine au sens large), mais aussi car l’utilisation d’une méthode d’inversion bayésienne permet d’estimer l’erreur sur les paramètres, notamment la profondeur du Moho. Dans les Alpes occidentales qui nous intéressent particulièrement, Lu et al. (2018) mettent en évidence un approfondissement brutal de 8 km du Moho sous l’arrière du massif de Belledonne qui n’avait pas été détecté par le profil de sismique réflexion profonde ECORS-CROP. S’il est confirmé par la prochaine expérience Cifalps-2, ce saut de Moho pourrait indiquer la présence d’une faille d’échelle lithosphérique possiblement associée à la déformation tardive en transpression des Alpes nord-occidentales.
Y. Lu a développé une méthode de tomographie par formes d'onde pour calculer un modèle 3D de vitesse des ondes S directement à partir des corrélations de bruit. Une publication est en cours de rédaction. D. Soergel (ISTerre) travaille depuis un an sur l'utilisation des C3 (corrélations de codas de corrélations) pour mesurer l'anisotropie azimutale de vitesses d'ondes S et l'atténuation des ondes dans la croûte et le manteau alpins. C. Alder (LGLTPE) inverse simultanément les vitesses de groupe des ondes de Rayleigh et de Love pour estimer l'anisotropie radiale, toujours à partir des corrélations de bruit.
Le post-doc financé par le projet à l'IPGS sur l'application de nouvelles approches de tomographie régionale à l'inversion jointe de la dispersion des ondes de surface et de temps d’arrivée d’ondes de volume démarrera à l'automne 2018 pour un an.
Geoazur cherche à recruter un doctorant pour appliquer aux données AlpArray les nouvelles techniques d'inversion de formes d’onde complètes appliquées aux ondes P télésismiques.
A. Renouard (IPGS) travaille depuis un an sur la localisation des séismes du nord-est de la France en intégrant les données AlpArray à celles de réseaux permanents. L'objectif est de constituer une base de données complète permettant d'identifier les potentielles structures actives et leurs mécanismes, et construire un modèle de vitesse 3D de la région.
Le projet «Alpes et bassin du Sud-est« a été sélectionné par le programme RGF (référentiel géologique de la France). Il financera des masters et postdocs, notamment sur des interprétations géologiques et géodynamiques des données AlpArray. Enfin,nous installerons en septembre 2018 le profil sismologique dense (5-10 km) du projet CIFALPS-2 d'imagerie des Alpes nord-occidentales entre Mâcon, Chamonix, Ivrea et Gènes.Il sera un complément nécessaire à AlpArray pour obtenir une coupe tomographique de résolution déca-kilométrique plus proche de l'échelle des coupes géologiques.
2 publications dans des revues internationales:
- Hete´nyi, G., and co-authors (incl. W. Crawford, J-X. Dessa, C. Doubre, A. Paul), 2018. The AlpArray Seismic Network – a large-scale European experiment to image the Alpine orogeny, Surveys in Geophysics, doi:10.1007/s10712-018-9472-4.
- Lu, Y., L. Stehly, A. Paul, and AlpArray Working Group, 2018. High-resolution surface wave tomography of the European crust and uppermost mantle from ambient seismic noise, Geophys. J. Int., 214,1136-1150.
5 posters ou oraux présentés à des congrès internationaux :
- Lu, Y., L. Stehly, A. Paul and AlpArray Working Team, Surface wave tomography of Europe from ambient seismic noise (poster), Geophysical Research Abstracts Vol. 19, EGU2017- 8807-1, 2017.
- Kopp, H., W. Crawford, A. Paul, et al. AlpArray offshore : Preliminary results of the Ligurian Sea OBS network and refraction lines (poster), Geophysical Research Abstracts, Vol. 20, EGU2018-15896, EGU General Assembly 2018.
- Lu, Y., A. Paul, L. Stehly, and AlpArray Working Group. Along strike changes in the crustal structure of the Alps documented by a new ambient-noise tomography (poster), Geophysical Research Abstracts Vol. 20, EGU2018-18935, 2018, EGU General Assembly 2018.
- Lu, Y., L. Stehly, A. Paul and AlpArray Working Group, 2018. A new high-resolution and probabilistic shear-wave velocity model of the European crust and uppermost mantle derived from ambient noise tomography (oral), Geophysical Research Abstracts Vol. 20, EGU2018-6692-2, 2018, EGU General Assembly 2018.
- Renouard A., M. Grunberg, C. Doubre et al.. Building a precise seismic catalog in the intraplate northwestern European region from the AlpArray experiment (poster), Geophysical Research Abstracts Vol. 20, EGU2018-15328, 2018, EGU General Assembly 2018.
Coordination du projet
Anne PAUL (Institut des Sciences de la Terre)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
ISTEP Institut des Sciences de la Terre de Paris
ISTO Institut des Sciences de la Terre d'Orléans
Chrono-Environnement Chrono-Environnement
IPGP Institut de Physique du Globe de Paris
LGL-TPE Laboratoire de Géologie de Lyon, Terre, Planètes, Environnement
IPGS Institut de Physique du Globe de Strasbourg
GéoAzur GéoAzur
ISTerre Institut des Sciences de la Terre
Aide de l'ANR 620 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2015
- 48 Mois