Caractérisations structurale et fonctionnelle de la Biosynthèse des peptides RumC : une nouvelle famille de bactériocines comme alternative viable aux antibiotiques conventionnels. – RUMBA
Les peptides antimicrobiens RumC, une nouvelle arme pour contrer la résistance aux antibiotiques
Biosynthèse, caractérisation structurale et fonctionnelle des peptides RumC, une famille de bactériocines comme alternative viable aux antibiotiques conventionnels
La résistance aux antibiotiques, un problème majeur de santé publique
Depuis la découverte de la pénicilline en 1928, l’homme a largement développé et utilisé les antibiotiques pour lutter contre les infections microbiennes. Cependant, un emploi inadapté et une utilisation excessive de ces molécules a conduit à l’apparition de pathogènes résistants à de nombreuses, voire toutes les classes d’antibiotiques. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le monde se dirige vers une ère où des infections communes tueront de nouveau. L’OMS prédit que les pathogènes multi-résistants provoqueront la mort de 10 millions de personnes par an à l’horizon 2050, dépassant ainsi le nombre de décès lié au cancer. Il est donc urgent de développer des stratégies innovantes et trouver de nouvelles molécules, idéalement naturelles, pour pallier les phénomènes de résistance. Une alternative prometteuse, très documentée ces dernières années, concerne les peptides antimicrobiens dont certains sont actuellement en développement clinique. Dans ce contexte, les bactéries représentent un trésor de nombreuses classes de peptides antimicrobiens naturels, plus connus sous le nom de bactériocines.
Nos travaux concernent Ruminococcus gnavus, une bactérie présente dans le tube digestif d'environ 90% des hommes sains. La souche R. gnavus E1 produit 5 bactériocines, les ruminococcines C1 à C5 (RumC1-5). En raison de leur production par un membre prédominant du microbiote intestinal et de leur activité contre les entéropathogènes, les bactériocines RumC présentent un intérêt en santé humaine. Le projet couvre un large éventail de disciplines allant de la microbiologie, la biochimie et la chimie à la biologie structurale. Les objectifs sont de comprendre les voies de biosynthèse des peptides RumC, de caractériser ces composés et enfin de développer des nouvelles molécules analogues de RumC. Les étapes clés du projet comprennent la production in vivo et in vitro des peptides RumC, l'identification des modifications moléculaires et structurales des bactériocines et l'activité biologique de ces composés sur les pathogènes résistants et multi-résistants. Egalement, un point important du projet vise à élucider le mode d'action des peptides RumC.
Le projet RUMBA a permis de synthétiser in vitro, par expression hétérologue, un peptide RumC1 identique au peptide d’origine naturelle. Nous avons déterminé sa structure tridimensionnelle et évalué son potentiel thérapeutique. RumC1 révèle un motif structural original très compact en double épingle non décrit jusqu’ici. Cette structure confère à RumC1 des caractéristiques très intéressantes, qui font souvent défaut aux peptides antimicrobiens pour être considérés en développement clinique, notamment une grande résistance aux conditions physiologiques et à différents traitements physico-chimiques. Ces points s’avèrent également cruciaux pour envisager une production de RumC1 à grande échelle. RumC1 possède des propriétés essentielles pour un candidat-médicament destiné à traiter des infections intestinales, notamment parce qu’il est efficace à très faibles doses contre des pathogènes cliniques de l'intestin résistants aux antibiotiques et qu’il est actif dans des conditions mimant l’environnement intestinal. De plus, ce composé n’a pas montré de toxicité envers les tissus cellulaires intestinaux et il pourrait être administré par voie orale.
La réussite du projet RUMBA nous permet de considérer les bactériocines RumC comme des molécules prometteuses et innovantes dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques. En effet, les résultats obtenus constituent une base solide pour franchir une étape supplémentaire dans l'utilisation thérapeutique des bactériocines RumC, seules ou en combinaison avec d'autres agents antimicrobiens. Cette approche permettra d'augmenter, à court ou moyen terme, le panel de nouvelles molécules et stratégies pour lutter contre la résistance aux antibiotiques. Cela offrira très probablement de nouvelles opportunités pour le bien-être de l'homme, de l'animal et de l'environnement dans le cadre du concept «One Health«.
Le projet RUMBA a permis la publication de 2 articles dans des journaux à haut facteur d’impact, la rédaction d’un chapitre de livre et d’effectuer 6 communications orales et 8 par affiche dans des congrès nationaux et internationaux. Les références des 2 articles sont indiquées ci-dessous :
- Chiumento S., et al., (2019). Ruminococcin C, a promising antibiotic produced by a human gut symbiont. Science Advances, 5, eaaw9969.
Caractérisation de RumC1, un nouveau membre de la famille des sactipeptides avec un réseau original de modifications post-traductionnelles. Le mode d'activation séquentiel de RumC1 implique une enzyme humaine. L’article souligne le potentiel thérapeutique de RumC1 en termes d'activité antimicrobienne et d’innocuité pour les cellules humaines.
- Roblin C., et al., (2020). The unusual structure of Ruminococcin C1 antimicrobial peptide confers clinical properties. Proc. Natl. Acad. Sci., doi/10.1073/pnas.2004045117.
RumC1 présente une remarquable activité antimicrobienne sur un large panel de pathogènes cliniques humains résistants aux principaux antibiotiques. L’article souligne l'absence de toxicité de RumC1 pour les tissus intestinaux humains. La structure originale de RumC1 confère une stabilité aux conditions gastro-intestinales et à divers paramètres physico-chimiques, ce qui est nécessaire pour un futur développement pharmaceutique.
Les infections bactériennes représentent une sérieuse menace pour les organismes supérieurs en général et pour le bien-être, la croissance et la santé des animaux d'élevage en particulier. Le bétail infecté constitue un réservoir d'agents pathogènes pouvant affecter l'homme par dissémination dans l’environnement et par la chaîne alimentaire. L'utilisation massive d'antibiotiques dans l'élevage, pas toujours à des fins thérapeutiques, a aggravé la situation et conduit à l'émergence de souches résistantes et multi-résistantes à ces composés. Afin de minimiser ces problèmes, il est urgent de trouver de nouvelles molécules ayant des propriétés antibactériennes contre des agents pathogènes résistants. La découverte et la mise au point d’une stratégie de synthèse conduisant à une nouvelle génération d’agents antibiotiques, représentent un enjeu majeur en santé humaine et animale.
Dans ce contexte, les bactériocines suscitent un intérêt grandissant dans le monde de la recherche et de l’industrie car elles pourraient fournir une alternative à l’utilisation des antibiotiques « classiques » dans le domaine de la santé mais également en tant qu’additifs dans la nutrition animale. Les bactériocines, produites par voie ribosomique, forment une classe bien distincte d’agents antibactériens de nature protéique. Il a été montré que certains peptides naturellement modifiés ont une activité contre des bactéries pathogènes, y compris des souches multi-résistantes, et qu’ils ne semblent pas associés à l'émergence de résistances.
Le projet présenté ici se propose d’utiliser les bactériocines RumC pour lutter contre certains agents pathogènes. En raison de leur activité contre des pathogènes tels que Clostridium perfringens, les bactériocines RumC qui sont produites par Ruminococcus gnavus, un membre dominant du microbiote intestinal humain, présentent donc un intérêt en santé humaine et animale. Nos objectifs sont de comprendre les différentes étapes de la biosynthèse des peptides RumC, afin d’optimiser leur production, de les caractériser au niveau moléculaire et structural et d’utiliser ces informations pour concevoir de nouvelles molécules antibactériennes dérivées. Les différents aspects de ce projet, qui vont de la production in vivo des peptides RumC à leur activité chez l’animal en passant par l’identification des modifications chimiques et structurales des bactériocines seront abordées par les quatre partenaires du consortium. La première étape concerne l’optimisation de la production in vivo des différents peptides dans le but de faciliter leur purification et leur caractérisation. Cette étape est essentielle car la détermination des modifications chimiques et structurales servira de référence lors de la biosynthèse in vitro des bactériocines RumC. Le point suivant concerne la caractérisation biochimique, fonctionnelle et structurale des deux enzymes Radical-SAM impliquées dans la maturation des peptides. L’activité de ces deux enzymes sera évaluée sur des peptides linéaires non modifiés. L’activité biologique des peptides obtenus in vivo ou in vitro sera alors testée au laboratoire sur des bactéries pathogènes et non-pathogènes. Par ailleurs, l’efficacité et l’innocuité des bactériocines RumC seront évaluées sur un animal gnotobiotique modèle et sur le poulet par le partenaire industriel. La dernière partie du projet concerne des études structure / fonction autour des peptides RumC de manière à optimiser leur activité biologique. En fonction des modifications chimiques et structurales des peptides, une synthèse automatisée sur support solide sera entreprise.
Coordinateur du projet
Monsieur Victor DUARTE (Laboratoire de Chimie et Biologie des Métaux)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
CNRSDR12 _ IMM Centre National de la Recherche Scientifique Délégation Provence et Corse _ Institut de Microbilogie de la Méditerranée
ADISSEO France SAS
CNRS DR12_iSm2 Centre National de la Recherche Scientifique délégation Provence et Corse_Institut des Sciences Moléculaires de Marseille
CEA/DRF/BIG/LCBM Laboratoire de Chimie et Biologie des Métaux
Aide de l'ANR 480 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
octobre 2016
- 48 Mois