DS0801 - Innovations

Fichiers et témoins génétiques. Généalogie, enjeux sociaux, circulation – FiTeGe

Fichiers et témoins génétiques : généalogie, enjeux sociaux, circulation

Usages et enjeux sociaux des analyses génétiques mobilisées lors des enquêtes judiciaires et policières, en France : production et administration de la preuve à l'interface entre science médico-légale et droit ; analyse de la façon dont l’équilibre entre respect des droits individuels et sécurité des populations est socialement défini et discuté ; étude de la modification d'un ensemble de frontières, entre biologique et social, morale et politique, local et global.

Analyse, dans une perspective de sciences sociales, des innovations techniques et juridiques que constituent les analyses génétiques utilisées par les sciences médico-légales

Dans un contexte de technicisation croissante des enquêtes policières et judiciaires, l’irruption des analyses génétiques a considérablement transformé les pratiques dans ce domaine. Plus généralement, on assiste au développement de nouveaux outils professionnels qui se transforment, suscitent de nouvelles controverses morales et politiques, et circulent entre différents espaces professionnels (scientifiques, juridiques, politiques, industriels, etc.), nationaux et internationaux. Compte-tenu de ces éléments, nous souhaitons analyser dans une perspective de sciences sociales ces innovations techniques et juridiques sous leur aspect à la fois scientifique, politique et moral, en France. Au croisement de la sociologie, de l’anthropologie, du droit et, dans une moindre mesure, de la médecine légale, ce projet ne sépare pas l'analyse de ces enjeux de celle du contenu et des formes concrètes de ces innovations. Plus précisément, notre projet vise à tracer leur généalogie et à analyser les pratiques qu'elles façonnent (et qui les façonnent), ainsi que les controverses qu'elles suscitent. Constituant notre fil rouge, la question du régime de preuves y est centrale et se déploie sous différentes facettes : quels sont les savoirs qui ont présidé à l’élaboration de ces innovations ? Quelle est leur nature supposée et quel rôle jouent-elles dans la définition des catégories d’identification (suspect, suspect potentiel, personne de telle « origine », etc.) ? Comment influent-elles sur la manière dont les individus et les populations sont gouvernés ? Comment sont-elles amenées à circuler au sein de l’Union européenne ?

L'approche est qualitative. Nous effectuons une série de campagnes d’entretiens avec des magistrats, policiers, hauts fonctionnaires, généticiens de laboratoires privés ou publics, responsables de syndicats professionnels et d'associations de victimes, opposants au fichage, etc. Ces entretiens sont complétés par des «auditions« des acteurs concernés sous forme de réunions avec les membres du projet. Par ailleurs, nous effectuons des observations de procès où l’expertise génétique est mobilisée. Nous constituons et analysons également différents corpus composés de documents issus de la presse grand public, d’articles scientifiques issus de la science médico-légale, de textes juridiques et réglementaires, et de comptes rendus de débats de commissions parlementaires.

La première tâche scientifique analyse les conditions d’instauration et de mise en œuvre du Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (FNAEG), ainsi que l’évolution de son champ d’application. Le principal résultat porte sur la transformation des problèmes publics au fondement de la création et de l’évolution du fichier. Inscrit à l’origine dans un travail législatif au long cours sur la répression des agressions sexuelles sur mineurs et la prévention de leur récidive, le champ d’application du fichier est très vite étendu à d’autres crimes et délits qui portent atteinte à la sécurité publique. La deuxième tache scientifique s’intéresse aux transformations du cadre scientifique, moral, politique et juridique lié à l’établissement de caractéristiques physiques ou génétiques (origine géographique, couleur des yeux et des cheveux, prédisposition à des maladies, etc.) et aux débats actuels en matière de FNAEG. L'étude montre que les tests génétiques sur l’origine géographique des suspects, appelés TOGG, qui ont été utilisés une vingtaine de fois en France entre 2007 et 2011, sont particulièrement éclairants sur les transformations contemporaines de l’origine. Par ailleurs, ces TOGG ont donné lieu à une controverse tout autant politique qu’éthique. Enfin, les oppositions publiques au FNAEG sont relativement peu fréquentes ; elles mettent en avant des valeurs de citoyenneté et des arguments sur la nature des marqueurs génétiques analysés. La troisième tâche scientifique consiste à analyser les enjeux juridiques, politiques et sociaux des comparaisons automatiques entre États européens liées par le Traité de Prüm. L'étude montre une hétérogénéité des processus de coopération et des interprétations des dispositions de la décision JAI 615/2008. Elle montre également l’absence d’harmonisation minimale entre les pays européens des règles d’accès à leur fichier ADN et des difficultés liées à la divergence des qualifications retenues par les droits nationaux.

L'accélération/extension du FNAEG se trouve à la croisée de la dynamique des connaissances et des pratiques relatives aux tests génétiques, des sensibilités relatives à la protection des personnes et des biens, et des injonctions européennes pour une harmonisation des outils de répression des crimes et des délits. Ce sont ces trois temporalités imbriquées que la première tâche scientifique continuera à analyser. La deuxième tâche scientifique, quant à elle, s'attachera à compléter les entretiens en cours et à rédiger des articles scientifiques. Ceux-ci porteront notamment sur le gouvernement pénal en matière de génétique en France, ainsi que sur les pratiques et les enjeux des nouvelles recherches en sciences médico-légales qui visent à déterminer l'apparence des suspects. La troisième tâche scientifique cherchera à analyser les enjeux sociaux du traité de Prüm, notamment à travers des cas précis d’échanges de données entre États européens. L'équipe de juristes et l'équipe de sociologues articuleront leurs travaux autour de cette question, en mettant à profit l'interdisciplinarité du projet. Plusieurs actions de valorisation et dissémination seront proposées. En outre, la plupart des membres du projet, qui sont responsables de séminaires dans le domaine des innovations, des biotechnologies et de la génétique, du droit pénal et du droit européen, ou de la médecine légale, auront à cœur d’inclure leurs recherches à leur enseignement.

Publications : - Vailly J., Bellivier F., Noiville C., Rabeharisoa V. (2016) Les fichiers d’empreintes génétiques et les analyses d’ADN en droit pénal sous le regard du droit et de la sociologie. Cahiers Droits, Sciences & Technologies, 6, 43-53. - Vailly J. (2017). The politics of suspects’ geo-genetic origin in France : The conditions, expression, and effects of problematisation. BioSocieties, 12(1), 66-88 (en ligne 18 octobre 2016). - Bellivier F., Noiville C. (2017) Les empreintes génétiques. Un régime fragile, entre caractéristiques génétiques et données personnelles, in dossier thématique “Droit, sciences et techniques : des concepts aux régimes”, accessible en ligne et en open access sur www.lex-electronica.org/articles/volume-22/ p. 97-116. - Vailly J. (2017). Les politiques de l’origine des suspects en France (2006-2014) : Témoins génétiques et problématisation, Politika, Le politique à l’épreuve des sciences sociales (présélectionné pour un dossier spécial). Journée d’étude du projet FiTeGe : Fichiers et témoins génétiques, MINES ParisTech. 1er juillet 2016. f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/2532/files/2015/03/PGM-FiTeGe-1-7-16.pdf Liste de communications scientifiques accessible sur le site fitege.hypotheses.org

Si la grande majorité des études de sciences sociales dans le domaine de la génétique sont relatives à la biomédecine, notre projet s’en distingue par le fait qu’il concerne le monde judiciaire et policier. Dans un contexte de technicisation croissante des enquêtes de police, l’irruption des analyses génétiques y a considérablement transformé les pratiques. Plus généralement, on assiste au développement de nouveaux outils professionnels qui se transforment, suscitent de nouvelles controverses morales et politiques, et circulent entre différents espaces professionnels (scientifiques, juridiques, politiques, industriels, etc.), nationaux et internationaux.
Dans ce contexte, nous souhaitons analyser dans une perspective de sciences sociales ces innovations techniques et juridiques sous leur aspect à la fois scientifique, politique et moral, en France. Au croisement de la sociologie, de l’anthropologie, du droit et, dans une moindre mesure, de la médecine légale, ce projet ne séparera pas l'analyse de ces enjeux de celle du contenu et des formes concrètes de ces innovations. Plus précisément, notre projet vise à tracer leur généalogie et à analyser les pratiques qu'elles façonnent (et qui les façonnent), ainsi que les controverses qu'elles suscitent. Constituant notre fil rouge, la question du régime de preuves y sera centrale et se déploiera sous différentes facettes : quels sont les savoirs qui ont présidé à l’élaboration de ces innovations ? Quelle est leur nature supposée et quel rôle jouent-elles dans la définition des catégories d’identification (suspect, suspect potentiel, personne de telle « origine », etc.) ? Comment influent-elles sur la manière dont les individus et les populations sont gouvernés ? Comment sont-elles amenées à circuler au sein de l’Union européenne ?
Mobilisant 4 centres de recherche aux compétences complémentaires, ce projet se composera, outre d’une tâche dévolue à la coordination et à la valorisation du projet, de 3 tâches scientifiques : la première sera consacrée à la généalogie des empreintes génétiques en France ; la deuxième analysera les nouveaux savoirs en matière de génétique et médecine légale, ainsi que leurs effets sociaux ; la troisième sera consacrée aux pratiques et aux enjeux de la circulation des données génétiques entre la France et les autres pays européens. Des partenaires sociologues, anthropologues, juristes, et plus ponctuellement médecin légiste, seront associés au sein de chaque tâche. Au plan méthodologique, nous effectuerons une série de campagnes d’entretiens avec des magistrats, policiers, responsables politiques, généticiens, associations de victimes, opposants au fichage, etc., ainsi que des observations de procès où l’expertise génétique est mobilisée. Nous constituerons et analyserons également différents corpus composés de documents issus de la presse grand public, d’articles scientifiques de médecine légale, de textes juridiques et réglementaires, et de comptes rendus de débats de commissions parlementaires.
Au total, notre projet développera : 1. un caractère innovant : ce domaine de recherche en sciences sociales n’a jamais été étudié en France ; 2. une démarche interdisciplinaire : il est au croisement entre la sociologie et l’anthropologie, le droit, et la médecine légale ; 3. une visibilité internationale : des publications dans des revues internationales seront visées et l’organisation d’un colloque international est prévue ; 4. une valorisation des travaux : nous diffuserons nos résultats auprès des acteurs (magistrats, avocats, généticiens…), sous forme d’une Journée d’étude, d’un séminaire de formation à destination des magistrats et d’une conférence grand public. Des recommandations juridiques à destination des pouvoirs publics seront formulées ; 5. une intégration à l’enseignement : les participants, qui donnent des séminaires dans le domaine des innovations et de la génétique, du droit ou de la médecine légale incluront leur recherche à leur enseignement.

Coordination du projet

Joëlle VAILLY (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

CRDST, UMR 8103 CNRS-UP1 UMR de droit comparé de Paris / Centre de Recherche Droit, Sciences et Techniques
Iris, U997 / UMR 8156 Inserm-EHESS-CNRS-UP13 Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux
CNRS CNRS IDF O/N
UPOND Centre de Droit Pénal et de Criminologie
ARMINES (CSI) ARMINES Centre de Sociologie de l'Innovation de Mines ParisTech

Aide de l'ANR 366 156 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2014 - 42 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter