Notre compréhension des mécanismes moléculaires de la recombinaison méiotique a progressé de façon spectaculaire au cours de la dernière décennie, grâce notamment aux travaux menés sur Arabidopsis thaliana. Le transfert de ces connaissances vers les espèces cultivées ainsi que les conséquences de la polyploïdie (duplication complète de génomes) n’ont toutefois pas été évaluées créant un déficit de connaissances, tant opérationnelles que fondamentales, qu’il convient désormais de combler.
La recombinaison méiotique est un processus clé du développement des organismes sexués, indispensable à la production de gamètes équilibrés et donc à la fertilité des espèces. Elle représente de plus un enjeu majeur en amélioration des plantes car elle permet, grâce aux crossovers (CO), de brasser la diversité génétique initialement répartie entre individus et donc d'introgresser dans les variétés élites des gènes ou traits d'intérêt d'autres variétés ou même d’autres espèces.<br />Dans ce projet, nous nous proposons de mieux comprendre comment est régulée la recombinaison méiotique chez les espèces cultivées allopolyploïdes, i.e. chez lesquelles le doublement chromosomique fait suite à une étape d’hybridation interspécifique. Plus spécifiquement, nous avons entrepris de :<br />-procéder à la caractérisation moléculaire de deux locus connus pour faire varier les fréquences de CO entre chromosomes homéologues (i.e. hérités des espèces parentales) chez le blé (locus Ph2) et le colza (PrBn).<br />-approfondir notre compréhension d’un phénomène original que nous avons découvert, i.e. multiplication par 3 de la fréquence de COs chez des hybrides triploïdes de Brassica, et d’en vérifier la portabilité chez des hybrides pentaploïdes de Blé <br />
Nous avons commencé à déployer un ensemble intégré d’analyses génétiques et cytogénétiques pour mieux comprendre comment est régulée la recombinaison méiotique chez le blé et le colza.
En ce qui concerne la première tâche, nous avons entrepris de procéder au clonage positionnel des locus PrBn (chez le colza) and Ph2 (chez le blé). Nous sommes en train d’affiner la position des agents causaux en saturant chacune des deux régions avec des marqueurs moléculaires et en utilisant des lignées de délétions (blé) ou recombinantes (colza) dans l’intervalle. Nous identifierons à partir de là la séquence nucléotidique des régions entourant PrBn et Ph2 (grâce à des cartes physiques disponibles ou à contruire) et identifierons des gènes candidats dont nous validerons la fonction.
En ce qui concerne la seconde tâche, nous avons entrepris de mesurer si l’augmentation du nombre de COs décrit chez les hybrides AAC de Brassica affecte une des voies de formation des CO (il en existe plusieurs) de façon préférentielle et s’il peut être combiné avec l’inactivation de protéines ayant un effet anti-CO. Nous sommes également en train de mesurer l’effet individuel ou en combinaison de trois chromosomes additionnels du génome C (lignées d’addition AA+C) sur la fréquence de recombinaison et de vérifier si le phénomène étudié est généralisable à des pentaploïdes de blé.
Le projet se déroule comme prévu. Des progrès significatifs ont été faits sur la définition des régions entourant PrBn et Ph2, ainsi que sur l’effet des structures hybrides AAC sur la distribution des COs.
Il est aujourd’hui nécessaire de développer de nouveaux idéotypes permettant de maintenir le rendement des espèces cultivées tout en réduisant leur empreinte environnementale et en en améliorant la qualité ou la diversité des usages. Contrôler la recombinaison méiotique, qui crée de la diversité génétique, est un excellent moyen d’accélérer ce processus d’innovation variétale. Les connaissances fondamentales produites dans ce projet multidisciplinaire devraient permettre de mieux définir les causes de variation de la fréquence de CO chez deux espèces cultivées majeures pour l’agriculture française et ainsi avoir un écho rapide en amélioration des plantes.
En attente de la validation des résultats obtenus
La recombinaison méiotique est un processus clé du développement des organismes sexués, indispensable à la production de gamètes équilibrés et donc à la fertilité des espèces. De plus, elle représente un enjeu majeur en amélioration des plantes car elle permet, grâce aux crossovers (CO), de brasser la diversité génétique initialement répartie entre individus et donc d'introgresser dans les variétés élites des gènes ou traits d'intérêt d'autres variétés ou même d’autres espèces. Des efforts considérables ont donc porté sur l'identification des gènes responsables de la formation des CO chez les plantes, utilisant Arabidopsis thaliana comme principal modèle. Notre compréhension de l'architecture génétique contrôlant la recombinaison méiotique reste malgré tout incomplète, notamment parce que les conséquences de la polyploïdie (multiples copies du génome) n’ont pas été évaluées. La polyploïdie représente pourtant une des caractéristiques les plus prégnantes des espèces cultivées chez lesquelles elle fait souvent suite à une étape d’hybridation interspécifique (i.e. espèces allopolyploïdes). Pour autant, on ne sait pas quels sont les gènes qui permettent de réguler la recombinaison méiotique entre chromosomes homéologues hérités des différentes espèces parentales. On ne sait pas non plus pourquoi la fréquence de CO est augmentée de façon très significative chez certains polyploïdes, ni la généralité de cette observation. Nous nous proposons d’aborder directement ces questions en utilisant deux espèces cultivées polyploïdes, le blé (Triticum aestivum; AABBDD; 2n=42) et le colza (Brassica napus; AACC; 2n=38), comme modèles d’étude.
Dans un premier temps, nous nous proposons de procéder à la caractérisation moléculaire de deux locus connus pour faire varier les fréquences de CO entre chromosomes homéologues chez le blé (locus Ph2) et le colza (PrBn). Nous chercherons à déterminer si ces locus ont pour origine des mutations non nulles révélant de nouvelles fonctions pour des gènes déjà identifiés ou au contraire si elles sont causées par des gènes encore inconnus. En parallèle de la stratégie de clonage positionnel, cette démarche nous amènera à évaluer l’effet causal d’un gène candidat très prometteur pour Ph2 chez le Blé (TaMSH7). Cette première partie du projet nous permettra d’approfondir notre compréhension des mécanismes qui entravent les possibilités d'introgression dans le blé ou le colza de gènes d’intérêt présents chez des espèces apparentées.
En parallèle, nous approfondirons notre compréhension d’un phénomène original que nous avons découvert et qui conduit à multiplier par 3 la fréquence de recombinaison dans des hybrides de Brassica. Nous chercherons à savoir si ce phénomène affecte une des voies de formation des CO (il en existe plusieurs) de façon préférentielle ; nous étudierons l’effet individuel ou en combinaison de trois chromosomes additionnels du génome C (lignées d’addition AA+C) sur la fréquence de recombinaison et sur la force de l’interférence, le phénomène qui est responsable du fait que deux CO ne se forment pas l’un à côté de l’autre au cours d’une même méiose. Nous vérifierons dans le même temps si ce phénomène est généralisable à des pentaploïdes de blé.
Notre projet intègre des approches de génétique, génomique, bio-informatique, cytologie, statistique et de cytogénétique afin de mieux définir les causes de variation de la fréquence de CO chez deux espèces cultivées majeures pour l’agriculture française. Les connaissances fondamentales produites dans ce projet multidisciplinaire pourraient avoir un écho rapide en innovation variétale, un regain de variabilité génétique (produit par un surcroît de crossovers intra ou inter-espèces) étant requis pour relever les défis à venir (diversification et qualité des produits, réduction des intrants, réponse rapide au changement climatique, résistance aux maladies).
Monsieur Eric Jenczewski (INRA Institut Jean-Pierre Bourgin)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
INRA IJPB INRA Institut Jean-Pierre Bourgin
INRA GDEC INRA UMR Génétique Diversité et Ecophysiologie des Céréales
IGEPP Institut de Génétique, Environnement et Protection des Plantes
CNRGV Centre National de Ressources Génomiques Végétales
INRA EPGV Etude du Polymorphisme des Génomes Végétaux
Aide de l'ANR 499 307 euros
Début et durée du projet scientifique :
septembre 2014
- 48 Mois