Procédé de conversion catalytique de la lignine vers les aromatiques – LIGNAROCAT
La lignine, une bio-ressource de composés aromatiques !
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Valorisation de lignines co-produites dans l’industrie
La lignine est une des composantes majoritaires de la biomasse lignocellulosique qui est co-produite lors de l ‘extraction de la cellulose en pâte à papier ou éthanol et elle n’est pas ou peu valorisée. Or sa structure polymérique constituée d’unité propane (méthoxy)phénoliques en fait la bio-ressource la plus abondante pour les composés aromatiques (phénoliques ou BTX). Il est donc souhaitable de valoriser cette ressource dont la conversion n’est pas simple en raison de sa structure complexe. Nous nous sommes intéressés à l’hydroconversion catalytique de lignine de paille de blé sur un catalyseur d’hydrotraitement qui était l’une des méthodes permettant d’obtenir de fort rendement en liquide. L’objectif était de mettre en place un réacteur approprié et de pouvoir suivre l’évolution des produits en fonction du temps pour déterminer les phénomènes réactionnels et leur cinétique durant la réaction. D’autre part, une étude de la solvolyse de la lignine est réalisée afin de déterminer l’influence de la solubilité sur la dépolymérisation. Mieux comprendre ce type de transformation ouvre des perspectives pour le développement de nouveaux catalyseurs sélectifs et performants pour la valorisation d’une ressource disponible et représentera une plus-value pour les bioraffineries cellulosiques ou papetières.
La réaction d’hydroconversion catalytique a été mise en œuvre dans un réacteur semi-continu ouvert sur la phase gaz, alimenté en H2. Un système de reflux, séparateur, condensateurs et pièges permet d’évacuer l’eau et les gaz formés ainsi que les produits légers aromatiques et naphthéniques. De plus ce système permet de recycler la tétraline utilisée comme solvant en raison de ses propriétés de solvant donneur d’H2. L’utilisation d’un protocole de séparation des produits et leur caractérisation systématique à l’aide de différentes méthodes analytiques adéquates (?-GC, GCXGC, SEC, RMN…) nous a permis de suivre leur évolution au cours du temps mais également de déterminer leur composition et l’évolution de différents produits clefs. Nous nous sommes appliqués à établir un schéma réactionnel et sur la base de celui-ci et des données expérimentales, un modèle cinétique a été établi selon une approche de lump. La solvolyse de la même lignine dans la tétraline a été réalisée en réacteur batch et suivie par une analyse ATR in-situ à des températures plus basses pour limiter la conversion thermale de la lignine
Lors de ce projet nous avons pu suivre la conversion de la lignine au cours du temps et déterminer toutes les étapes thermiques et catalytiques. La méthodologie mise en œuvre, notamment l’utilisation d’un réacteur semi-continu et l’utilisation d’un catalyseur d’hydroconversion, nous a permis d’obtenir un rendement élevé en liquides. Nous avons pu établir la composition des liquides et des solides subsistants par la stratégie analytique mise en place et le schéma réactionnel complet pour accéder à un modèle cinétique. Le liquide obtenu contient des monomères phénoliques, naphthéniques et benzéniques mais également encore de grosses quantités d’oligomères. La solvolyse de la lignine montre une dégradation partielle à partir de 240°C.
Lors de ce projet nous avons pu observer que les réactions limitantes étaient les réactions catalytiques notamment de désoxygénation (phénols vers aromatiques). La transformation des oligomères en monomères est également l’un des challenges, il s’agit là de rompre des liaisons C-C entre les unités, les liaisons éthers ayant été facilement rompues dès le départ. Un des verrous reste donc de trouver un catalyseur plus performant dans ces conditions et sélectif pour réaliser la désoxygénation et le craquage C-C. Un nouveau criblage de catalyseurs serait nécessaire.
Concernant les travaux de Junjie Pu, outre le manuscrit de thèse en anglais, accessible en ligne à partir du 01/12/2019, 2 publications ont été soumises sur la partie expérimentale et sur la partie modèle. La première est toujours en cours de revue dans Applied. Catal. B. tandis que la partie modèle a été acceptée sous réserve de modifications mineures dans Chem. Eng. J. 2019. Les travaux d’Aurélie Galfré ont fait l’objet d’une proposition de publication qui n’a pas été retenue pour le moment. De nombreuses communications orales ont été réalisées dans différents congrès internationaux par les différents acteurs.
De nos jours, l’utilisation de bio-ressources pour remplacer partiellement les ressources fossiles est fortement encouragée compte tenu des préoccupations environnementales et du besoin d’indépendance énergétique. La lignine, qui est l’une des composantes principales de la biomasse lignocellulosique, s’avère être de par sa structure, un précurseur de choix pour la production d’aromatiques. Elle est actuellement obtenue en tant que sous-produit dans l’industrie papetière mais seulement valorisée pour la production de chaleur et la co-génération d’énergie électrique. Une meilleure valorisation de ce produit est donc une opportunité à développer. Par ailleurs, dans un contexte de développement des bio-raffineries, des quantités conséquentes de lignine sont attendues comme sous produit de la production de l’éthanol cellulosique, ce qui constitue un intérêt supplémentaire pour trouver de nouvelles voies de valorisation. Selon le prétraitement utilisé et l’origine de la lignine, la structure et les propriétés physico-chimiques peuvent varier fortement, suggérant la mise en place d’un procédé flexible et adaptable à la ressource. Lors de travaux antérieurs, la conversion d’une lignine de blé a été réalisée avec succès, dans un réacteur agité fermé en présence d’un catalyseur d’hydrotraitement sous pression d’hydrogène. D’excellents bilans massiques (>96%pds) et un rendement élevé en liquide (>72%pds) ont été obtenus. Des outils analytiques (CES, RMN, GCxGC) ont été spécifiquement développés pour suivre les réactions en jeu dans le processus de conversion de la lignine et pour caractériser les différentes fractions obtenues. La fraction liquide est un mélange complexe d’alcanes, de composés phénoliques, aromatiques, et naphténiques. L’utilisation d’un solvant donneur d’hydrogène, la tétraline, semble nécessaire pour éviter les réactions de condensation et la production de résidus solides. Toutefois, la compréhension des phénomènes liés à la conversion de la lignine n’a pas pu être clairement établie, notamment la contribution purement physico-chimique de la dissolution de la lignine, initialement insoluble à froid dans le solvant réactionnel, les réactions homogènes (thermolyse, solvolyse) et catalytiques, ou encore le transfert de matière. De plus, nous savons que la nature du catalyseur n’exerce pas d’influence importante sur la conversion mais, par contre, a un fort impact sur la sélectivité. Les objectifs principaux de ce projet sont donc de développer des méthodologies expérimentales et de comprendre les phénomènes mis en jeu afin de proposer un procédé flexible d’hydroconversion de différents types de lignines utilisant des catalyseurs hétérogènes sélectifs pour la production de composés aromatiques de type BTX. Dans ce but, les conversions de lignines co-produites dans l’industrie seront étudiées en complément de la lignine de blé précédemment étudiée. La méthodologie appliquée comprendra un criblage de catalyseurs en réacteur fermé agité sous pression d’H2, une évolution de ce réacteur vers un système ouvert pour la phase gaz. L’étude de criblage se basera sur l’expertise acquise sur un ensemble de catalyseurs étudiés lors de la conversion de composés modèles. En parallèle, une étude de la solubilité de différentes lignines, à température plus ou moins modérée, couplée à une modélisation cinétique et du transfert de matière, nous permettra d’établir et de différencier les étapes importantes de la conversion en fonction de la nature du solvant et de la température. La technologie sera transférée en vue de la conception d’un procédé continu pour se rapprocher d’un procédé industriel. Le consortium est constitué de chercheurs académiques spécialisés dans les domaines de la catalyse hétérogène, l’hydrotraitement, la modélisation cinétique de charges complexes et le génie des procédés et d’un partenaire industriel qui permettra de répondre aux exigences industrielles dans ce domaine de recherche particulièrement compétitif.
Coordination du projet
Dorothée LAURENTI (Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
LGPM Laboratoire de génie des Procédés et Matériaux
LAGEP Laboratoire d'automatique et du génie des procédés
TRTF Total Research and Technology Feluy
IRCELYON - CNRS Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon
Aide de l'ANR 469 029 euros
Début et durée du projet scientifique :
September 2014
- 42 Mois