DS0202 - Usage du sous-sol dans une perspective énergétique

Expansion Thermique des Milieux Microporeux Adsorbants, Application à la Dessiccation des Argiles par Chauffage – TEAM2ClayDesicc

Comprendre et prédire la dessiccation des sous-sols argileux. Peut-il y avoir déstabilisation ?

La dessiccation des argiles est bien connue pour les fentes qu’elle provoque aux sédiments de surface. Le projet TEAM2ClayDesicc s’intéresse à la dessiccation sous-terraine lors du chauffage drainé afin d’évaluer si cela peut provoquer des déstabilisations (e.g., fissuration). Ce projet concerne aussi bien la géothermie que les hydrocarbures ou les déchets nucléaires.

Vers une meilleure prise en compte des effets et conséquences du chauffage des argiles

Les argiles sont des milieux microporeux sensibles à l’adsorption d’eau ce qui confère à ces matériaux un comportement mécanique inhabituel. En particulier, l’expansion thermique de l’argile normalement consolidée est irréversible, négative (i.e., il y a contraction) et son amplitude est 1 à 2 ordres de grandeur supérieure aux valeurs habituelles. Une telle contraction peut avoir des conséquences sur la stabilité des matériaux argileux soumis à des variations de température de quelques dizaines de degrés. L’exploitation d’hydrocarbures non conventionnels, la géothermie, le stockage de gaz ou de déchets nucléaires sont des applications pour lesquelles des chargements thermiques importants peuvent être appliqués au sous-sol. La déstabilisation peut constituer un danger pour les installations ou la pérennité des confinements, mais éventuellement aussi une opportunité si cela fournit un moyen alternatif de rendre perméable des roches en lieu et place des techniques de fracturation hydraulique très débattues.<br />Le projet TEAM2ClayDesicc vise à mieux comprendre l’origine physique du comportement anormal des argiles afin de pouvoir mettre en place une modélisation mécanique prédictive. Une étude géo-mécanique permettra enfin d’évaluer les conditions propices à une déstabilisation de sous-sol (par exemple température, pression, contenu argileux).

Le comportement thermique inhabituel de l’argile est attribué à l’eau adsorbée, c’est à dire de l’eau qui pénètre dans des micropores de moins de 1 nanomètre et interagit fortement avec les particules solides. Cependant la compréhension actuelle du rôle de l’eau reste très limitée et les modèles géo-mécaniques restent effectifs et n’en tiennent pas compte. Dans ce projet, nous proposons une démarche multi-échelle qui doit permettre de faire le lien entre l’adsorption à l’échelle moléculaire, l’expansion thermique à l’échelle de la roche et enfin la stabilité à l’échelle du réservoir. A l’échelle moléculaire, la mécanique d’un micropore avec de l’eau adsorbée est étudiée en détail à partir des propriétés élémentaires des atomes et des molécules (e.g., charges électrostatiques). On découvre à ces échelles des comportements très particuliers en raison de la structuration de l’eau adsorbée en un nombre fini de couches. Ainsi certaines déformations sont ‘interdites’ car instables tandis que d’autres sont ‘autorisées’ (stables ou métastables). A l’échelle de la roche, rien de cela n’existe, toute déformation étant autorisée. Pour comprendre le passage d’une échelle à l’autre, nous nous inspirons de la modélisation des alliages à mémoire de forme qui font face a une situation analogue avec différentes phases possibles à l’échelle atomique et des déformations interdites entre ces phases. Partant de cette théorie, il convient d’adapter la démarche au cas des roches argileuse, notamment en tenant compte de la microstructure, de la composition minéralogique et de l’histoire géologique (degré de consolidation de la roche). Enfin, à l’échelle géo-mécanique, nous mènerons une étude de la stabilité de situations typiques par des analyses dites de bifurcations : glissements de faille, ouverture de fissure, effondrement...

Nous avons commencé par travailler à l’échelle moléculaire avec des représentations simplifiées 2D des micropores d’argile et nous poursuivons actuellement avec des représentations réalistes de montmorillonite. Comme attendu, le comportement mécanique à cette échelle est oscillant en raison de la structuration en couche du fluide. Plus original, nous avons pu étudier comment le comportement change avec la température en situation drainée ce qui n’est pas étudié dans la littérature car cela nécessite une grande précision et une excellente calibration des paramètres. A l’échelle du micropore l’effet de la température est difficile à interpréter : certaines portions correspondent à de l’expansion thermique, d’autres à de la contraction. Une avancée significative a été accomplie lorsque nous avons réussi à faire le lien entre le comportement du micropore et le comportement expérimental des argiles. Pour cela nous avons du opter pour une approche de changement d’échelle non prévue au départ, car les approches traditionnelles n’autorisent pas le comportement mécanique oscillant de l’échelle moléculaire. Il se trouve que ce comportement oscillant peut être interprété comme la présence de différentes zones stables ou phases, séparées par des zones instables de déformations interdites. Il s’agit d’une situation qui présente beaucoup d’analogies avec les alliages à mémoire de forme, dont il existe une théorie mécanique bien établie depuis une vingtaine d’année. Nous sommes donc repartis de cette théorie pour proposer une approche de changement d’échelle valable pour les argiles. L’application de cette approche a permis de retrouver un comportement macroscopique cohérent avec les expériences de chauffage d’argile (expansion / contraction et réversibilité / irréversibilité).

Bien que le cœur du projet soit essentiellement fondamental, l’intérêt à terme est de disposer de modèles et d’outils numériques en mesure d’apporter des réponses à des problèmes de géo-mécaniques concrets. Pour les questions de stimulations thermiques, le projet devrait apporter des réponses en termes de conditions propices à la déstabilisation du sous-sol, qui pourront être immédiatement utiles. Ainsi, pour la géothermie et les hydrocarbures, il devrait être possible de savoir si le chauffage drainé est une alternative possible à la fracturation hydraulique comme cela a été suggéré par un groupe de travail national en 2012. Pour les stockages de déchets nucléaires ou de gaz, il devrait être possible de se faire une idée sur les augmentations de température tolérables sans mettre en danger le confinement.

Un poster a été présenté à la conférence du groupe français des argiles en mai 2016. Un exposé long est prévu à la conférence EMI en octobre 2016. Ces présentations portent sur le comportement sous chauffage drainé à l’échelle du micropore ainsi que sur l’approche de changement d’échelle permettant de retrouver le comportement expérimental de l’argile. Un papier sur ces sujets est en cours de rédaction.

Les argiles sont des matériaux nanostructurés qui contiennent de l’eau sous forme adsorbée, i.e., les molécules d’eau interagissent avec le squelette solide. Il est bien connu que l’hydratation et la déshydratation des argiles induisent des déformations importantes du matériau qui peuvent mener à des instabilités comme la fissuration par dessiccation des sols en période de sécheresse. La fissuration des roches argileuses peut être néfaste (stockage géologique de CO2 ou de déchets nucléaires) ou bénéfique (extraction d’hydrocarbures). La dessiccation des argiles peut être induite par chauffage puisque qu’une augmentation de température tend à déshydrater et donc à contracter le matériau. La stimulation thermique est l’une des alternatives possibles à la fracturation hydraulique pour l’exploitation des gaz et huiles de schiste dans les réservoirs riches en argiles. Mais cette piste technique est exploratoire et sa faisabilité doit être démontrée. Dans ce projet, nous étudierons en détail la physique à l’origine de l’expansion thermique des milieux microporeux adsorbants, en particulier le cas des argiles, afin d’évaluer in fine la faisabilité de la stimulation thermique des schistes. Il est connu que l’adsorption dans les solides microporeux induit des déformations inhabituelles, qui peuvent être comprises à l’échelle moléculaire et décrites théoriquement par intégration thermodynamique. L’adsorption peut induire aussi bien des contractions que des gonflements suivant les interactions moléculaires entre le fluide et le solide. Dès lors, l’expansion thermique des milieux microporeux sous adsorption peut être complexe et nous proposons dans ce projet de l’étudier à partir de l’échelle moléculaire afin de comprendre des mécanismes physiques impliqués. Nous étudierons divers situations modèles par simulation moléculaire et nous établirons une description analytique des phénomènes à partir d’une dérivation thermodynamique. Nous accorderons une attention toute particulière aux mécanismes physiques qui sont pertinents pour les argiles. Les argiles sont des matériaux multi-échelles complexes dont la nanostructure est faite de feuillets avec des micropores plans où l’adsorption est structurée en couches et induit un gonflement orthogonal aux couches, avec des transitions soudaines en fonction du potentiel chimique de l’eau et de la température. A l’inverse, les expériences macroscopiques sur les matériaux argileux font apparaitre des déformations thermiques continues, avec aussi bien des contractions que des dilatations en fonction du degré de pré-consolidation du matériau et du niveau de température. Dans ce projet, nous étudierons l’expansion thermique des argiles depuis l’échelle moléculaire jusqu’à l’échelle macroscopique et nous chercherons à concilier les comportements aux différentes échelles. Une compréhension fine du comportement des argiles permettra de mettre en place une modélisation thermo-hydro-mécanique qui soit valide sur de larges gammes de températures et de contraintes in-situ, pertinentes pour l’application à la stimulation thermique des argiles. Finalement, cette modélisation constitutive servira de base à une analyse de stabilité des réservoirs de schiste et ainsi déterminer les conditions favorables à la fissuration par dessiccation. La structure de ce projet est une démarche multi-échelle complète qui s’appuie sur la simulation moléculaire, la thermodynamique et la physique statistique, l’homogénéisation mécanique et la mécanique des roches. Ce projet fournira des résultats scientifiques intéressants pour la compréhension des milieux microporeux en général et pour des argiles en particulier. Le projet aura également un impact pertinent pour des applications et problèmes émergents en géotechniques, tout particulièrement l’extraction des huiles et gaz de schiste.

Coordination du projet

Laurent BROCHARD (Ecole Nationale des Ponts et Chaussées - NAVIER - Multi-Echelle)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ENPC/NAVIER-Multi-Echelle Ecole Nationale des Ponts et Chaussées - NAVIER - Multi-Echelle

Aide de l'ANR 176 941 euros
Début et durée du projet scientifique : septembre 2014 - 42 Mois

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