La résilience face à des perturbations génétiques ou environnementales a pour résultat une invariabilité entre individus d’une population, autrement dit de la « robustesse phénotypique ». Cependant, pour qu’il y ait évolution, des variations phénotypiques doivent être transmises aux générations suivantes. D’après la théorie de la génétique des populations, une sélection naturelle de type stabilisante sélectionnant phénotype moyen optimal pourrait conduire à une évolution de la robustesse phénotypique. Il reste cependant à démontrer que la robustesse phénotypique est adaptative et non une propriété générale des architectures génétiques basée sur des interactions génétiques, dites épistatiques. Nous proposons ici d’étudier ce problème dans un modèle d’évolution expérimentale chez Caenorhabditis elegans.
Récemment, nous avons fait évoluer des populations génétiquement diverses vers de fortes concentrations de NaCl et à partir de celles-ci dérivé un grand nombre de lignées consanguines. A l’aide de ce matériel, et par cartographie basée sur des études d'association de liaison, nous allons identifier des paires de loci ayant des effets sur leurs interactions génétiques réciproques (épistatiques) et dont les effets combinés influent sur les processus développementaux qui conduisent à des variations comportementales dans différents environnements de NaCl. Pour un sous-groupe de loci, nous utiliserons la technique de recombinaison par CRISPR-Cas9 récemment mise au point pour remplacer tous ces allèles dans des fonds génétiques de populations ancestrales. Ces expériences nous permettront de déterminer si l’évolution de variations dans des interactions épistatiques entre gènes donnés est adaptative, puisque l’on s’attend à ce que dans un fond génétique de population ancestrale de telles interactions soient rompues et conduisent à une réduction de la robustesse phénotypique lors de changements de concentrations en NaCl.
On peut penser que les règles génétiques sous-tendant l’évolution de la robustesse phénotypique sont communes à tous les organismes sexués. Les identifier constituera une avancée vers l’explication de la transmission des traits complexes et de "l'hérédité manquante" chez l’humaines ,les espèces de valeur agricole et d'autres organismes modèles. Ce projet est l’un des rares à utiliser le remplacement génique pour vérifier la sélection naturelle au niveau de l’ADN et on pense qu'il sera l’un des premiers à s’intéresser aux conséquences évolutives de la variation sur les effets d‘interactions génétiques.
Monsieur Henrique Teotonio (INSTITUT DE BIOLOGIE DE L'ENS)
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IBENS INSTITUT DE BIOLOGIE DE L'ENS
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Début et durée du projet scientifique :
décembre 2015
- 42 Mois