SOCENV - FACING SOCIETAL, CLIMATE AND ENVIRONMENTAL CHANGES

Pressions sur la ressource en eau et en sols dans l'Himalaya népalais – PRESHINE

L'impact du réchauffement climatique sur la ressource en eau et les activités humaines dans le bassin-versant de la Dudh Koshi (région de l'Everest, Népal)

Cette recherche pluridisciplinaire (géographie, hydrologie, glaciologie, climatologie) vise à confronter les données du climat (fonte des neige et des glaciers, variations des précitations) avec les discours, les usages et les modes de gestion de la ressources en eau par des sociétés locales dont les besoins s'accroissent (consommation domestique, nouvelles cultures irriguées,développement de la micro hydroélectricité) sur un territoire commandé par l'économie touristique.

Changement climatique ou changements socio-économiques : quel impact sur la disponibilité et les usages de l'eau dans une économie commandée par le tourisme?

L’enjeu est de comprendre comment les sociétés himalayennes disposent des ressources et s’adaptent aux changements environnementaux induits ou non par les activités humaines. Il s'agit de mesurer, à différentes échelles de temps et d’espace, les effets concrets sur l' environnement, des stratégies et des pratiques socio-spatiales visant à exploiter/gérer/préserver la ressource en eau et en sol dans un contexte de changement climatique ; et de confronter les représentations des différents acteurs aux processus environnementaux et sociaux à l’œuvre. Au Népal, de nombreux auteurs s'alarment de la fonte des glaciers et de ses conséquences catastrophiques pour les sociétés locales. Pourtant, dans la région de l’Everest, les glaciers ne participent que partiellement au débit des rivières, la majeure partie provenant des précipitations de mousson. Les paysanneries sont davantage affectées par la variations saisonnière de ces dernières et par la régression du couvert neigeux que par la fonte des glaces. Dans un contexte où le tourisme a suscité l'essor de cultures maraîchères gourmandes en eau et de micro centrales hydro-électriques captant l'eau des torrents secondaires afin d'alimenter habitations et lodges destinés aux touristes, les besoins s'accroissent. Il s'agit de confronter ces besoins économiques et ces aménagements nouveaux avec la disponibilité saisonnière en eau des torrents. Cela implique de déterminer la part des précipitations pluvieuses, neigeuses et de la fonte des glaciers dans le bilan hydrologique ; d'analyser dans le temps et dans l'espace l'impact des variations de la disponibilité en eau sur les activités économiques ; d'analyser les modes de gestion de l'eau et l'inégal accès des habitants à la ressource, afin de mieux situer la part des facteurs environnementaux et des facteurs socio-économiques sur les changements observés ; d'évaluer les modes possibles d'adaptation des sociétés locales à ces changements.

L'évaluation de la disponibilité en eau et de ses variations saisonnières passe par l'estimation du bilan hydrologiques de 4 petits sous-bassins-versants de la Dudh Koshi comportant des surfaces englacées et des pratiques agro-pastorales variées. L'objectif est d'essayer de quantifier la contribution des précipitations solides (neige) et liquides (pluie), de la fonte des glaciers et du couvert neigeux, aux différents réservoirs (surface, sol, sous-sol). Des estimations de bilans glaciaires sont réalisées sur des glaciers blancs et des glaciers couverts (impact des débris sur le bilan radiatif des glaciers). Des cartes de la dynamique du couvert neigeux sont établies à partir de synthèses d'images satellitales (MODIS, SPOT VGT). Plusieurs modèles hydrologiques (DHSVM, ISBA, HDSM), forcés par les données issues des stations de mesure hydroclimatiques installées sur le terrain et complétée par des données de ré-analyse, sont testés et comparés afin de réduire les facteurs d'incertitude. Des relevés pédologiques réalisés sur certains sites (Kharikhola) permettront d'établir une carte des sols. Des cartes des usages agricoles du sol (en particulier des pâturages affectés par les variations du couvert neigeux) seront aussi produites.En parallèle, sont effectués le relevé, la cartographie et la modélisation des sources et des moulins à eau, des systèmes d'adduction d'eau et des équipements hydroélectriques recensés sur le terrain. Une enquête quantitative systématique sous l'application ODK sur les consommations et les usages de l'eau et de l'électricité est menée en parallèle (construction d'un SIG). Elle est complétée par des entretiens approfondis auprès des habitants, des acteurs de l'eau et du tourisme à l'échelle villageoise.

Le changement climatique affecte de façon différenciée l'espace étudié, où le tourisme gouverne désormais l'ensemble des activités agro-pastorales. La fonte des glaces semble un problème pour l'instant moins important que la variabilité des précipitations, même s'il est encore difficile de mesurer la part des précipitations neigeuses dans le bilan hydrologique. À l'échelle villageoise, les pénuries d'eau saisonnières constatées varient selon la localisation (moyenne ou haute montagne, mode d'alimentation des cours d'eau par les précipitation et/ou par les glaciers). Elles semblent être moins le résultat d'une baisse des précipitations que de de leur décalage par rapport aux calendriers agricoles et touristiques. De même, si la montée en gamme du tourisme implique des consommations d'eau accrue, celles-ci ne concurrencent pas l'eau domestique, car la plupart des habitations accueillent des touristes. La concurrence potentielle se fait plutôt au niveau de l'agriculture irriguée, sachant que cette dernière est entièrement tournée vers les besoins du tourisme et parfois entre centrales hydroélectriques et moulins à eau. En revanche on constate des modes de gestion de l'eau et d'accès à la ressource inégaux d'un village à l'autre voir d'un quartier à l'autre en fonction de leur composition socio-ethnique

L'équipe s'est rencontrée à quatre reprises à Grenoble, Montpellier, Bordeaux et Paris pour échanger de façon pluridisciplinaire sur le programme et se forger une culture commune au-delà des nos différentes approches méthodologiques. Plusieurs missions de terrain réunissant des chercheurs de différentes disciplines ont jalonné ces deux ans. Ces missions ont permis d'analyser le fonctionnement des glaciers et du réseau hydrographique, de recueillir les données hydroclimatiques en vue de leur modélisation en laboratoire, mais aussi des données sociales, économiques et techniques permettant de comprendre les systèmes territoriaux étudiés et la place de l'eau et de ses usages dans leur fonctionnement et leur dynamique. Une enquête quantitative, sans doute la première du genre dans cette région, a été menée grâce à des tablettes numériques sous l'application ODK, dont nous avons créé le tutoriel, et qu'il s'agit de poursuivre (396 de questionnaires), de traiter et d'interpréter. Elle a permis aussi d'identifier différents systèmes d'adduction d'eau et de systèmes hydroélectriques avec des modes de gestion différenciés. Le séisme du 25 avril et du 12 mai 2015 au Népal ont stoppé pendant quelques mois ces missions de terrain qui vont reprendre dès cet automne avec certaines incertitudes sur l'état de notre terrain et des réseaux que nous avons étudiés. Le programme PRESHINE a enfin connu une forte visibilité lors du side-event organisé lors du Congrès international de glaciologie de Katmandou en février 2015. Il faut signaler aussi la soutenance de thèse d'Ornella Puschiasis le 7 décembre 2015 qui devrait se poursuivre par un post-doc et une participation à la réflexion sur le partage des savoirs et la diffusion de nos résultats auprès des populations locales (modes de médiation environnementale).

Publication d'articles dans des revues internationales : Hydrological Sciences Journal (Pokhrel, B. K., Chevallier, P., Andreassian, V., Tahir, A. A., Arnaud, Y., Neppel, L., Bajracharya, O. R. and Budhathoki, K. P. 2014. Comparison of two snowmelt modelling approaches in the Dudh Koshi Basin (Eastern Himalayas, Nepal). Hydrological Sciences Journal. 59(8), 1507-1518); Revue de Géographie alpine (Smadja J., Aubriot O., Puschiasis O., Duplan T., GrimaldJ.i, HugonnetM., Buchheit P., « Changement climatique et ressource en eau en Himalaya », Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine [En ligne], 103-2 | 2015, mis en ligne le 04septembre 2015, consulté le 10 septembre 2015. URL : rga.revues.org/2850 ; DOI : 10.4000/rga.2850) ; participation à des colloques internationaux : International Glaciological Society Symposium Kathmandu (posters de Brun, Wagnon, Vincent, Savéan, Eeckman, Mimeau, Giese, Lejeune) , Festival International de Géographie (poster d'E. Jacquemet et M. Faulon, lauréats 2015 du 1er prix du poster scientifique, conférence- débat de V.André-Lamat « Vers une économie écologique ? Les enjeux du climat », avec Laurent Eloi, conseiller scientifique à l’OFCE et Jacques Le Cacheux, directeur du département des études de l’OFCE, Festival International de Géographie, 3 octobre 2015) et l'UNESCO (Smadja J.- Climate Change Assessments and the ‘Best Available Knowledge’ : the Challenge of bridging disciplines and knowledge systems, UNESCO’s Climate Frontlines, LINKS programmes, UNESCO Paris, 3 novembre 2014, Communication : Local scale, local knowledge and climate modeling. Interdisciplinary studies in the Himalayas (Nepal), colloque international de Limoges-18-21-11-2015« Capital environnemental, représentations, pratiques, dominations, appropriations spatiales, V. André-Lamat, «De l'eau bien commun à l'eau capital environnemental« ; plusieurs rapports de stage et mémoires de master ; thèses d'Ornella Puschiasis et de Marie Savéan.

Preshine (Pressions sur les Ressources en Eau et en Sols de l’Himalaya Népalais) a pour objet la question de la disponibilité et des usages des ressource en eau et en sols dans la région de l’Everest (Solu-Khumbu) dans le contexte du changement climatique et d’un territoire montagnard profondément transformé par le tourisme inscrit dans les limites du Parc national de Sagarmatha. La ressource est ici pensée comme un construit, produit par les processus physiques qui affectent cette région de haute et moyenne montagne rythmée par la mousson, mais aussi par les facteurs sociétaux (socio-économiques, techniques, politiques et culturels), qui instituent l’eau en ressource, en règle l’accès et le partage entre les usages (agro-pastoraux, domestiques, touristiques, énergétiques). Regroupant des chercheurs en sciences sociales (géographie, agronomie, histoire-écologie du paysage), et en science de l’environnement (hydrologie, glaciologie, météorologie, pédologie, biochimie), Preshine fait suite à l’ANR PAPRIKA (Cryospheric Responses to Anthropogenic Pressure in the Hindu Kush-Himalaya Regions : Impacts on Water Resources and Society’s Adaptation in Népal). Il suit les pistes de recherche soulevées par Paprika, en partant cette fois des questions posées par les sciences sociales ; les sciences de l’environnement intervenant pour mesurer et modéliser la disponibilité de la ressource en eau. Il s’agit d’évaluer les décalages spatio-temporels avec les usages et les représentations que les acteurs se font du changement climatique (fonte des neiges et des glaces, dérèglement de la mousson) et de ses effets sur le territoire. En effet, dans l’Himalaya, de nombreux auteurs s’accordent pour dire que l’eau sera la ressource la plus touchée par le changement climatique : moindre disponibilité, répartition temporelle modifiée en raison des modifications des précipitations, risques d’inondations accrus...). La fonte des glaciers en est devenue l’emblème, avec des répercussions sur la réduction du stock d’eau douce. Pourtant, dans la région de l’Everest, les glaciers ne participent que partiellement au débit des rivières, la majeure partie provenant des précipitations. Si en haute montagne, les torrents sont bien alimentés par les glaciers, ce n’est pas le cas en moyenne montagne. Les paysanneries locales qui dépendent de l’agriculture pluviale, de l’élevage et du tourisme de montagne, sont davantage affectées par les variations du régime des précipitations (pluies de printemps, mousson et neige hivernale) et par la régression du couvert neigeux, qui jouent sur la production des céréales et des cultures maraîchères destinées aux touristes et sur la production de fourrage pour les animaux de bât utilisés pour les touristes, que par la fonte des glaciers. Celle-ci survient entre les deux saisons de pics touristiques (printemps et automne), avec l’avantage d’alimenter avant la mousson des cours d’eau, dont la force motrice permet le fonctionnement de moulins et de petites centrales hydro-électriques aménagées en haute montagne dans les secteurs touristiques. L’objectif est donc de confronter les grands facteurs sociaux de changement identifiés dans Paprika (le développement d’un tourisme montagnard, la mise en place du Parc National, l’instauration du maraîchage dont les produits alimentent les lodges pour le tourisme et qui réclame de grande quantités d’eau pour l’arrosage, l’installation de micro centrales hydro-électriques ou la mise en place de nouvelles techniques de captage et d’utilisation de l’eau) avec les effets des variations climatiques identifiés (régime des précipitations, surfaces dégagées par la fonte des glaciers et du manteau neigeux, durée de ce manteau neigeux et rôle dans le stockage et le déstockage de l’eau et l’état des sols pour l’agriculture), qui sont susceptibles d’entraîner des changements sur la disponibilité des ressources en eau et en sols et, en retour, des modifications des pratiques socio-spatiales.

Coordination du projet

Isabelle SACAREAU (PASSAGES) – isabelle.sacareau@u-bordeaux-montaigne.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

TU Tribhuvan University (Nepal)
IWMI International Water Management Institute (Nepal)
CNRM-GAME / DR14 CNRS Centre National de Recherches Météorologiques - Groupe d’études de l’Atmosphère Météorologique
LTHE - IRD Laboratoire d'Etude des Transferts en Hydrologie et Environnement
ICIMOD International Centre for Integrated Mountain Development (Nepal)
UMR 5319 PASSAGES PASSAGES
CEH - DR3 CNRS Centre d'Etudes Himalayennes
HSM - DR13 CNRS Hydrosciences Montpellier

Aide de l'ANR 839 951 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2013 - 48 Mois

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