Le Touat à la croisée des routes sahariennes (XIIIe-XVIIIe) : sources, espaces et circulations – Touat
Le Touat est une région saharienne située dans le sud-ouest de l’Algérie actuelle. Peu propice à l’installation des hommes, elle possède cependant des ressources hydrauliques fossiles qui ont permis le développement de cités oasiennes souvent fortifiées, les ksour. À partir du XIIIe s., ces ksour devinrent le passage obligé où se rencontraient les pistes venant de l’Afrique du Nord en direction de l’empire du Mali puis de celui des Songhaï. Écrire l’histoire de cet espace façonné au gré des flux migratoires et pétri des cultures berbère, africaine et arabe qui s’y sont rencontrées, permettrait de comprendre l’articulation du bassin méditerranéen à l’Afrique sub-saharienne en sortant du seul prisme d’une analyse basée sur le postulat exclusif d’une exploitation du sud par le nord.
Les difficultés de la pénétration saharienne par les armées françaises et le conflit latent avec le Maroc sur la question du rattachement de cette région à l’Algérie, expliquent que le Touat n’ait fait l’objet que d’une infime production scientifique à l’époque coloniale. Ce quasi vide historiographique a contribué au désintérêt général dont elle est restée victime jusqu’à aujourd’hui. Il existe pourtant des sources nombreuses susceptibles d’éclairer notre connaissance de ce carrefour saharien. Le Touat possède nombre de bibliothèques privées (khizânât) qui renferment des trésors manuscrits restés inexploités. On estime à plus de 12 000 le nombre de manuscrits conservés dans cette région et parmi ces textes beaucoup de productions régionales (recueils de jurisprudences, chroniques, récits de voyage, ouvrages hagiographiques et recueils de biographies). Les vestiges matériels sont également nombreux : plusieurs anciens ksour attestent de l’organisation de cette société rurale insérée dans les réseaux marchands et savants qui traversaient le Touat. La tradition orale enfin, d’une extrême richesse, véhicule discours sur les généalogies et récits historico-légendaires sur le rattachement des tribus à l’histoire orientale, maghrébine et africaine.
Les recherches éparses soulignent la nécessité d’exhumer et de confronter les différentes sources disponibles sur cet espace faussement insulaire, à la croisée des routes sahariennes.
C’est ce que nous nous proposons de faire dans le cadre de ce projet, en envisageant à la fois l’histoire locale des communautés rurales oasiennes et l’histoire globale du Maghreb médiéval et moderne comme trait d’union entre Méditerranée et Afrique.
Un tel projet nécessite de dépasser les divisions institutionnelles entre disciplines en mettant à contribution histoire, géographie, archéologie, anthropologie, et entre aires culturelles avec le concours d’orientalistes et d’africanistes. Il convient de ne pas s’enfermer dans des thématiques trop étroites pour dresser un état des lieux, produire des outils de travail et dégager de nouvelles pistes de recherche.
Quatre axes structurent le projet. Le premier pose la question de l’organisation socio-économique des communautés rurales. Il s’appuiera sur une étude de manuscrits inédits notamment de textes de jurisprudence locaux et sur une approche archéologique des ksour. Le deuxième axe sera consacré à l’étude des identités tribales et des rapports de pouvoirs qui ont jalonné l’histoire du Touat par la comparaison des données textuelles et des témoignages véhiculés par les traditions orales sur les lignages et les fusions tribales. Le troisième axe abordera la question des migrations et du commerce, des circulations entraînant la mise en contact d’acteurs multiples et de marchandises, à travers l’étude des sources exogènes (lettres de commerçants, responsa rabbiniques, chroniques soudanaises) et en ayant recours à l’archéologie des espaces dédiés aux échanges. Un dernier axe concernera la présence de l’Islam et ses modalités, le Touat devant être étudié comme relais pour l’islamisation de l’Afrique, comme lieu d’élaboration juridique et comme espace façonné autour du culte des Saints.
Coordination du projet
Elise VOGUET (Section arabe de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes IRHT/UPR841)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
CNRS DR OUEST ET NORD
CNRS-UPR841 Section arabe de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes IRHT/UPR841
Aide de l'ANR 108 498 euros
Début et durée du projet scientifique :
December 2013
- 42 Mois