Droits de l'homme et Collectivités territoriales françaises : entre le Global et le Local – GLOCAL
Les droits de l'homme à l'épreuve du local
Droits de l'homme et collectivités territoriales françaises: entre le global et le local (projet GLOCAL)
Titre 1 : Appréhender la réalité locale des droits de l’homme en France
Prenant acte que les droits de l’homme n’ont de sens qu’au sein d’une collectivité et que leurs titulaires sont toujours géographiquement situés, le projet GLOCAL s’est donné pour objectif de se pencher sur l’expérience quotidienne, locale de ces droits universels. <br />Ce projet de recherche s’intéresse plus spécifiquement à la protection des droits de l’homme par les collectivités territoriales en France (communes, départements, régions) : sachant que ces droits sont traditionnellement considérés comme l’affaire exclusive des organes centraux de l’Etat, quel rôle les communes, les départements et les régions jouent-elles en la matière ? Soixante-dix ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la question reste largement une « terra incognita » en France, d’où l’intérêt de ce projet.<br />Le questionnement qui a animé les chercheurs de l’équipe a été double : il a s’agi de s’intéresser tant à la prise en compte des normes internationales de protection des droits de l’homme par les collectivités territoriales françaises sur leur propre territoire que de chercher à identifier le rôle de ces collectivités dans la gouvernance mondiale et européenne des droits de l’homme. Ces deux questionnements sont, en pratique, intimement liés. C’est pourquoi, ce projet de recherche a été baptisé « GLOCAL », néologisme, contractant les termes « global » et « local ».
Si le projet ANR GLOCAL place le droit au cœur de l’étude, il ne pouvait néanmoins pas être l’affaire des juristes seuls : en effet, les problématiques qu’il soulève, à savoir la représentation des droits de l’homme et leur mise en œuvre au niveau local, sont du ressort des sociologues. Ce projet a donc présenté un caractère interdisciplinaire, combinant à la fois l’approche juridique et l’approche sociologique.
En pratique, le projet de recherche s’est concrétisé par une enquête menée auprès des élus locaux en France. Cette enquête s’est traduite à la fois par des campagnes d’entretiens ciblées (méthode qualitative) et par un questionnaire adressé aux élus (méthode quantitative). Une première campagne d’entretiens menée en amont du questionnaire a permis d’optimiser celui-ci. Ce questionnaire en ligne a ensuite permis d’objectiver par des statistiques les relations entre d’une part, les représentations et pratiques des droits de l’homme et d’autre part, les caractéristiques des élus et de leurs collectivités. Des entretiens complémentaires ont, enfin, été réalisés à l’issue des traitements statistiques de manière à soumettre à certains enquêtés leurs résultats.
Les résultats de l’enquête GLOCAL révèlent que la représentation que les élus ont des droits de l’homme est conditionnée par leurs propres trajectoires. En effet, l’affirmation d’un intérêt pour ces droits dépend principalement du niveau de diplôme et des engagements personnels – militants, religieux ou associatifs - de l’élu.
En revanche, les pratiques locales en faveur des droits de l’homme sont, quant à elle, surtout fonction du statut de la collectivité elle-même (à savoir régions et métropoles versus petites communes) et du poids démographique des collectivités, ainsi que des compétences et moyens liés.
La bonne volonté des élus locaux ne suffit donc pas toujours à permettre une bonne mise en œuvre de ces droits.
L’enquête GLOCAL a permis une plus grande transparence s’agissant des représentations et usages - jusqu’alors relativement opaques car décentralisées - des collectivités territoriales françaises en matière de droits de l’homme.
Il ressort de cette enquête qu’il existe une demande, de la part de certains élus et cadres locaux, en matière de formation aux droits de l’homme. Une seconde étape sera donc de leur en proposer.
Une autre perspective ouverte par ce projet consistera en l’accompagnement des collectivités territoriales dans la mise en œuvre des textes transnationaux de droits de l’homme (tels que la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale).
Il est aussi envisagé d’appuyer les politiques des collectivités territoriales d’accès aux droits, en mettant l’accent sur les droits de l’homme.
Plusieurs colloques et tables rondes ont été organisés dans le cadre du projet ANR GLOCAL. Ainsi du colloque Le droit à la non-discrimination et les collectivités territoriales du 29 juin 2016 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de celui des 5 et 6 décembre 2017 au Palais du Luxembourg Droits de l’homme et collectivités territoriales : entre le global et le local. Les tables rondes (Droit au logement et collectivités territoriales du 15 décembre 2015 au Conseil Economique, social et environnemental (le CESE) et L’égalité femmes-hommes dans la vie locale du 30 juin 2016 également au CESE) ont permis de réunir à la fois des chercheurs, des élus et des membres des associations, permettant ainsi un dialogue tripartite.
Un ouvrage, intitulé Les droits de l’homme à l’épreuve du local (deux tomes), va paraître aux éditions Mare et Martin. Cet ouvrage présente les résultats de l’enquête GLOCAL et regroupe les différentes contributions présentées lors des colloques et tables rondes, auxquelles s’ajoutent quelques autres articles d’analyse.
Accueil des gens du voyage, intégration des étrangers, accès au logement, protection des mineurs, emploi, droit à un environnement sain, protection de la santé, droits culturels… Autant de responsabilités incombant aux collectivités territoriales et mettant en cause les droits de l’homme. Dans ce contexte, les instruments se multiplient : Charte européenne des droits de l’homme dans la ville, Charte-Agenda mondiale des droits de l’homme dans la cité, Déclaration du sommet européen des maires sur les Roms…
Longtemps, les droits de l’homme ont été l’affaire exclusive des organes centraux de l’Etat sur le plan interne (rôle du législateur et du constituant en matière de libertés) comme sur le plan international (négociations par l’exécutif et loi de ratification éventuelle du Parlement). Différents facteurs, sociaux, politiques et juridiques, ont contribué à changer la donne : montée des interdépendances, intégration dans l’Union européenne, internationalisation du droit et décentralisation.
D’où la question : quel rôle pour les collectivités territoriales françaises en matière de droits de l’homme?
Ce projet pose la question de l’articulation entre les espaces supra-étatiques et infra-étatiques. Le problème sous-jacent est celui de la conciliation entre l’universalité des droits de l’homme et la diversité de leurs mises en œuvre, diversité elle-même liée à la variété des contextes sociaux. Il s’agit in fine de s’interroger sur la pertinence de l’idée de territorialisation des droits de l’homme et de « droits de l’homme locaux » en vue d’une universalité concrète.
Ce projet comporte deux axes thématiques principaux. Le premier axe concerne l’action des collectivités sur leur propre territoire en matière de droits de l’homme : les collectivités fondent-elles explicitement leurs politiques sur ces droits ? Si oui, dans quels contextes et à quelles fins (stratégie politique par exemple) ? Des procédures spécifiques sont-elles mises en place dans ce domaine (évaluation, médiateur, etc.) ? La référence aux droits de l’homme peut-elle améliorer les services publics locaux ?
Le second axe concerne l’action des collectivités territoriales en matière de droits de l’homme sur un plan international. Il comprend, lui-même, deux volets.
Le premier concerne la coopération entre collectivités locales françaises et étrangères (dimension horizontale de l’internationalisation des collectivités). Les conventions de coopération décentralisée ont souvent un but humanitaire, mais conditionnent-elles, par exemple, l’aide au respect des droits de l’homme ? Le second volet s’intéresse à la place des collectivités territoriales au sein des instances mondiales des droits de l’homme (dimension verticale de l’internationalisation des collectivités). Quel rôle pour les collectivités au sein des négociations ou des organisations internationales touchant aux droits de l’homme ? Les collectivités revendiquent un statut spécifique : risquent-elles de concurrencer les organes centraux de l’Etat ?
Les deux axes du projet sont intimement liés. Initialement, ce sont les instances internationales, qui, dans une logique de subsidiarité, ont encouragé ce mouvement de « localisation » des droits de l’homme (internationalisation du haut vers le bas). Mais aujourd’hui, dialectiquement, les collectivités territoriales prétendent participer davantage à la gouvernance mondiale des droits de l’homme (internationalisation du bas vers le haut). Sur ce double mouvement, à la fois descendant et ascendant, s’en greffe un troisième, lié à la volonté de l’Etat de « renationaliser » les droits de l’homme. Dans ce but, l’Etat établit des procédures nationales de protection (Défenseur des droits par exemple). Ce nouveau facteur complexifie d’autant l’appropriation des droits de l’homme par les collectivités. Ce projet révèle ainsi les interconnexions croissantes qui sont le propre de la « globalisation » des droits de l’homme.
Coordinateur du projet
Madame Catherine LE BRIS (UMR de droit comparé de Paris)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
CNRS DR O/N UMR de droit comparé de Paris
CNRS-UMR 8103 UMR de droit comparé de Paris
Aide de l'ANR 136 999 euros
Début et durée du projet scientifique :
janvier 2014
- 42 Mois