Limitation du fer disponible pour les pathogènes : mécanismes et contribution à la défense antimicrobienne de l'hôte – RESTRICTIRON
Le fer, ami ou ennemi au cours des infections ?
Le fer est indispensable aux cellules eucaryotes et aux organismes procaryotes pour assurer leurs fonctions biologiques. Lors d’une infection, l'hôte et l'agent pathogène entrent en compétition pour le fer et sa disponibilité a un impact significatif sur la virulence du pathogène et les défenses antimicrobiennes de l’hôte. De façon intéressante, le système immunitaire des mammifères a la capacité de manipuler le taux de fer de l’organisme pour limiter la multiplication des organismes pathogènes.
Décrypter les mécanismes de restriction du fer au cours de l'immunité innée et évaluer la contribution de ces mécanismes dans l'immunosuppression post infectieuse.
Bien que nous ayons montré l'importance de l'activine B dans la séquestration du fer au cours de l’infection, les mécanismes en jeu sont encore mal connus. Nos objectifs sont de déterminer le rôle de l’induction de l'activine B et de l’hepcidine, et de la répression de l’activine A et du messager de la ferroportine dans la défense anti-microbienne de l’hôte. Ces régulations participent à la restriction du fer dans le sérum et dans les phagosomes des macrophages. Nous utilisons Escherichia coli et Salmonella enterica sérotype typhimurium pour infecter différents modèles de souris développés dans le laboratoire (souris activine B KO, exprimant une ferroportine taguée dans les macrophages, ou surchargées en fer). Nous projetons aussi de développer de nouveaux outils pour surveiller la persistance bactérienne et pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques modulables pour réduire la prolifération bactérienne dans les hôtes infectés.<br />Chaque année plus de 75 000 patients en France développent un sepsis responsable de 30000 décès. Ce sepsis se caractérise par une «tempête de cytokines» initiale avec des taux plasmatiques élevés de cytokines et de chimiokines pro-inflammatoires, une hypoferrémie profonde et durable, de la fièvre, une tachycardie et une tachypnée. La prise en charge clinique permet la survie de la majorité des patients. Cependant, ceux-ci développent souvent, dans une seconde phase, des infections nosocomiales dues à des organismes non pathogènes pour des hôtes immunocompétents. L’état hyperinflammatoire évolue vers une immunosuppression mal comprise. De nombreuses données de la littérature montrent qu’une carence en fer est associée à une réponse immunitaire acquise moins efficace mais la contribution de l’hypoferrémie dans l'immunosuppression est peu étudiée. Nous rechercherons si la modulation du taux de fer de l’hôte ou la variation de l'expression relative des activines A et B pourrait permettre d’éviter l'immunosuppression dans le sepsis.
Afin de déterminer si l'activine B (Inhbb) peut limiter la prolifération des agents pathogènes extracellulaires, nous avons étudié des souris Inhbb-/- traitées par du LPS ou infectées par E. coli (108 cfu). Nous avons évalué la charge bactérienne et l'expression de cytokines pro ou anti-inflammatoires ou de molécules régulant le métabolisme du fer. Nous avons étudié par western blot la phosphorylation des effecteurs Smad1/5/8 à différents temps après infection. Nous avons fait les mêmes analyses sur des souris Il6-/-. Nous avons étudié si l’expression hépatique de l’activine B est un marqueur de la persistance bactérienne chez l'hôte. Après infection des souris avec E. coli (agent Gram - extracellulaire), Salmonella enterica typhimurium (agent Gram - intracellulaire), ou Staphylococcus aureus (agent Gram + extracellulaire) nous avons quantifié l’expression hépatique de l’Inhbb. Nous avons testé différents anticorps anti-activine B du commerce, ainsi que deux anticorps polyclonaux de lapin anti-activine B de souris que nous avons produits. Nous avons établi une collaboration pour produire des anticorps monoclonaux en utilisant nos souris Inhbb-/- pour l'immunisation.
Pour étudié la répression du messager de la ferroportine dans la défense antimicrobienne, nous avons déterminé la cinétique d’expression de la ferroportine lors d'une infection. Nous avons examiné le rôle du facteur d’hypoxie HIF-2a dans la répression de la ferroportine en comparant le niveau d’expression de Slc40a1 entre souris WT et Irp1-/- après injection de LPS. Nous avons également exploré le rôle de l’Il6 sur cette répression.
Avant de tester si l'administration d'activine B ou la baisse de l’expression de la ferroportine peut réduire la prolifération de bactéries dans les hôtes surchargés en fer, nous avons déterminé si une hyperferrémie était délétère pour l'hôte en infectant des souris surchargées en fer (Bmp6-/-) par des souches d’E. coli sauvage ou délétées de leurs sidérophores.
Nous avons traité des souris Inhbb-/- avec du LPS ou par E. coli. La suppression de l'activine B ne modifie pas la charge bactérienne des souris ni l'expression des cytokines pro ou anti-inflammatoires, ou des molécules impliquées dans l’homéostasie du fer. Elle n’affecte pas l'expression de l'hepcidine ni le niveau de phosphorylation des effecteurs Smad1/5/8, 2 et 4 heures après infection.
Les études menées sur des souris Il6-/- montrent que l'IL6 est importante uniquement dans l’induction précoce de l'hepcidine. Trois heures après infection par E. coli c’est l'augmentation de la signalisation Smad1/5/8 qui active l’hepcidine jusqu’au décès des souris.
L’expression de l’Inhbb est induite dans le foie des souris quel que soit le pathogène injecté : E. coli, Salmonella enterica Typhimurium ou Staphylococcus aureus. L'expression de l’Inhbb reste élevée chez les souris injectées par une dose léthale de E. coli, mais se normalise chez celles qui vont survivre (S. aureus).
Pour obtenir un ELISA détectant l’activine B humaine, en collaboration, nous avons obtenu 12 clones monoclonaux anti activine B.
Nous avons étudié la cinétique de la répression de la ferroportine (Slc40a1) après infection par E. coli, Staphylococcus aureus et Salmonella enterica typhimurium. L’expression de Slc40a1 est fortement réprimée dans l'infection à E. coli jusqu'au décès des souris. La répression est transitoire dans une infection à Staphylococcus aureus dans laquelle les souris récupèrent. Il n’y a pas de répression dans une infection par Salmonella. Nos données préliminaires montrent que le facteur de l'hypoxie Hif2a et la cytokine IL6 jouent un rôle clé dans la répression du messager de la ferroportine.
Nous avons infecté des souris WT ou surchargées en fer (Bmp6-/-) par des souches d’E. coli de type sauvage ou délétées de leurs sidérophores. Nous avons montré que la virulence de la souche bactérienne dépendait du nombre de sidérophores exprimés et augmentait dans les souris Bmp6-/- .
Nous avons montré qu’une augmentation de l'expression de l'activine B (au moins au niveau de l'ARNm) se produit au cours d'infections par différents agents pathogènes. Comme l’expression de l’activine B semble rester élevée chez les souris ayant un mauvais pronostic, il serait important de mesurer l'activine B dans le sérum de ces souris et de confirmer sa valeur prédictive. Tous les anticorps du commerce que nous avons testés, ainsi que deux anticorps polyclonaux que nous avons produits, se sont révélés non spécifiques. Nous avons donc établi une collaboration avec le Pr. O. Ritvos et le Dr G. Savjani pour générer des anticorps monoclonaux en utilisant nos souris Inhbb-/- pour l'immunisation. 12 clones ont été obtenus jusqu'à présent et nos collaborateurs sont cherchent à obtenir un ELISA spécifique et efficace chez l’homme. En attendant, nous allons tester si ces anticorps fonctionnent en Western et en imunohistochimie chez la souris.
Nous avons observé une induction de l'hepcidine même dans les souris Inhbb-/- déficientes en activine B. La signalisation Smad1/5/8 est activée chez ces souris. L’identité du ligand qui active cette voie de signalisation en l'absence d’activine B reste inconnue. Nous avons effectué des études in vitro qui suggèrent un rôle possible du TGF beta. Des expériences in vivo permettant d’inhiber ALK5, le récepteur de TGF beta, sont en cours pour tester cette hypothèse. Des études d’immunohistochimie sont aussi réalisées pour déterminer quelles cellules (hépatocytes, macrophages ...) expriment les molécules Stat3 phosphorylées dans les souris Il6-/- infectées par E. coli et si cela est pertinent pour la production d'hepcidine.
Nous avons obtenu des données montrant le rôle probable de Hif2a et d'IL6 sur la répression de l’expression de la ferroportine au cours de l'infection à E. coli. Nous allons poursuivre l'analyse des mécanismes moléculaires conduisant à cette répression.
Gineste A, Martin P, Oswald E, Coppin H, Roth MP. Evidence for IL-6/STAT3-independent induction of lipocalin-2 in the liver of mice infected with Escherichia coli. Hepatology 2015 Apr 10. doi: 10.1002/hep.27845. [Epub ahead of print]
Gineste A, Besson-Fournier C, Latour C, Martin P, Oswald E, Coppin H, Roth MP. Interleukine 6 is dispensable for hepcidin induction by Escherichia coli and Staphylococcus aureus. European Iron Club, Verona, September 2014 (premier prix pour présentation orale)
Les cellules eucaryotes et la plupart des organismes procaryotes ont besoin de fer pour assurer des fonctions essentielles à leur survie comme le transport de l'oxygène, le métabolisme énergétique et la synthèse d'ADN. Il n’est donc pas surprenant qu’une forte compétition entre l'hôte et l'agent pathogène ait lieu au cours des maladies infectieuses et que la disponibilité de ce métal ait un impact significatif sur la virulence du pathogène d’une part et sur les défenses antimicrobiennes de l’hôte d’autre part. Des études récentes ont décrit les mécanismes utilisés par les microbes pour acquérir le fer lorsqu’ils infectent les organismes supérieurs ainsi que l'importance de ces mécanismes pour leur virulence. De son côté, le système immunitaire de l’hôte est capable de manipuler le taux de fer dans différents compartiments de l’organisme afin de limiter la multiplication de ces pathogènes. Bien que notre groupe ait récemment démontré l'importance de l'activine B dans ce processus, les mécanismes exacts utilisés par l’hôte pour restreindre l’apport de fer aux microbes sont encore mal connus. Dans ce projet, nos premiers objectifs consistent donc à étudier l'importance de l’induction ou de la répression de différentes molécules impliquées dans la régulation du métabolisme du fer (notamment l'activine B, l'hepcidine et la ferroportine) dans les stratégies de l’hôte pour se défendre contre les pathogènes. Les conséquences de ces régulations sur la restriction de fer sérique et sur la limitation de l’entrée du fer dans les phagosomes des macrophages seront plus particulièrement étudiées. Nous utiliserons pour cela des modèles murins infectés par Escherichia coli et Salmonella. De nouveaux outils seront développés pour évaluer la persistance bactérienne et de nouvelles cibles thérapeutiques seront identifiées et modulées afin de réduire la prolifération bactérienne dans les hôtes infectés.
Plus de 75.000 patients chaque année en France sont atteints de sepsis, et 30.000 en décèdent. La phase initiale se caractérise par une «tempête de cytokines» avec des taux élevés de cytokines pro-inflammatoires et de chimiokines dans le sérum, de la fièvre, une tachycardie, voire une tachypnée. L’amélioration de la prise en charge des patients a permis que la majorité d’entre eux survive durant cette phase précoce du sepsis. Cependant, par la suite, ces patients développent souvent des infections nosocomiales pour des microorganismes qui ne sont habituellement pas pathogènes pour des hôtes immunocompétents. Cela s’explique par le fait que la phase hyperinflammatoire du début évolue vers un état hypoinflammatoire se traduisant par une immunosuppression. Les raisons en sont encore obscures. Dans un autre volet de ce projet, nous allons examiner si la modulation du taux de fer de l’hôte ou de l'expression relative des activines A et B pouvait aider à enrayer cette complication grave du sepsis et ses conséquences délétères pour l'hôte.
Les deux partenaires impliqués dans ce projet ont des expertises complémentaires pour aborder l’étude des interactions hôtes-pathogènes, en particulier dans la régulation du métabolisme du fer systémique et l’infection à Salmonelle (partenaire 1) et en microbiologie cellulaire et biologie moléculaire des Escherichia coli (partenaire 2). Ils ont collaboré sur ce projet depuis un an, ce qui leur a permis de recueillir les données préliminaires nécessaires à la préparation de cette demande de subvention. Leurs efforts conjoints seront indispensables pour décrypter et améliorer les stratégies utilisées par l’hôte pour restreindre le fer disponible pour les pathogènes tant extracellulaires qu'intracellulaires.
Coordination du projet
Marie-Paule Roth (Centre de Physiopathologie de Toulouse Purpan)
L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.
Partenaire
Inserm Centre de Physiopathologie de Toulouse Purpan
Inserm Centre de Physiopathologie de Toulouse Purpan
Aide de l'ANR 470 000 euros
Début et durée du projet scientifique :
December 2013
- 48 Mois