BIOADAPT 2013 - Adaptation - des gènes aux populations. Génétique et biologie de l'adaptation aux stress et aux perturbations

Synechococcus as a model genus for studying adaptation of marine phytoplankton to environmental changes – SAMOSA

Comment le phytoplancton marin s’adapte-t-il au changement global ?

La cyanobactérie Synechococcus, un micro-organisme pertinent pour mieux comprendre les effets des variations des conditions environnementales (température, lumière visible et ultraviolette, etc.) en culture et dans le milieu naturel.

Comprendre les mécanismes d’adaptation du phytoplancton à la lumière et à la température

Les océans sont particulièrement affectés par le changement climatique qui cause notamment une augmentation i) de la température moyenne de l’eau, ii) de la quantité de rayonnements ultraviolets atteignant la surface, et iii) de la proportion des surfaces océaniques pauvres en sels nutritifs. Un des enjeux majeurs pour comprendre l’impact de ces processus sur l’océan mondial est l’étude de la capacité des microorganismes photosynthétiques (phytoplancton) à s’acclimater à court terme (physiologiquement) ou s’adapter à long terme (modification/acquisition de gènes) à ces changements. Les cyanobactéries marines du genre Synechococcus sont parmi les modèles biologiques les plus pertinents pour étudier ces questions car elles sont cosmopolites, très abondantes dans l’océan mondial, et sont appropriées à des études multi-échelles, des gènes à l’océan global.<br /> Le projet SAMOSA vise à caractériser et modéliser les principaux mécanismes d'acclimatation et d'adaptation des Synechococcus afin de mieux prédire leur adaptabilité, leur dynamique et leur distribution à différentes échelles de temps et d'espace dans un milieu soumis au changement global. En particulier, le projet SAMOSA propose de modéliser la réponse des gènes aux variations des conditions environnementales à la fois sur une « souche modèle » de Synechococcus mais également sur plusieurs autres souches représentatives de la diversité génétique des populations du milieu naturel. Le rôle de ces gènes dans l'adaptation au stress sera vérifié en analysant différents métagénomes et métatranscriptomes, obtenus dans le cadre de la campagne TARA-OCEANS, provenant de différentes régions océaniques, à différentes profondeurs et présentant des paramètres environnementaux contrastés.

Le projet SAMOSA est basé sur le développement d’une approche de biologie des systèmes. Tout d’abord la réponse physiologique (régulation de l’activité photosynthétique, modification du transcriptome, du protéome, de la composition lipidique, etc.) d’une souche modèle à divers stress environnementaux clés (forte lumière, ultraviolet, haute et basse température) sera étudiée. Ces données permettront de construire un premier réseau global de régulation génique. L’effet des fortes lumières et de la température sera ensuite étudié chez 4 autres souches, représentatives des groupes génétiques (écotypes) dominants dans le milieu naturel, dans le but de déterminer des réponses et mécanismes spécifiques de stress et/ou de groupes taxonomiques au sein du genre Synechococcus.
En parallèle, des études comparatives systématiques de 54 génomes de Synechococcus marins permettront d’élucider les bases génétiques de la réponse adaptative spécifique à certains facteurs environnementaux. En confrontant ces analyses génomiques aux données transcriptomiques, il sera possible de délimiter les gènes spécifiques des différents écotypes et impliqués dans leurs réponses respectives aux variations des conditions environnementales. La fonction de ces gènes sera alors caractérisée en regardant l’effet de leur inactivation par mutagénèse sur la physiologie des cellules afin de mieux comprendre les mécanismes mis en place en réponse au stress. Enfin, le rôle de ces gènes sera étudié dans un contexte environnemental, en regardant leur présence et leur niveau d’expression dans les populations naturelles de Synechococcus, grâce à l’analyse des métagénomes et métatranscriptomes générés à partir des échantillons d’eau de mer récoltés lors de la campagne TARA-Oceans.

La comparaison de 12 souches représentatives des principaux groupes génétiques (3 souches par groupe) a permis de mettre en évidence des différences importantes entre ces écotypes, notamment au niveau de la gamme de températures à laquelle les souches sont capables de croitre, qui est en accord avec la latitude à laquelle elles ont été isolées. Leur réponse à des variations abruptes des paramètres environnementaux (forte lumière, UV, haute/basse température) a également révélé des différences de réponse physiologique aussi bien entre écotypes qu’entre type de stress.
L’analyse de 97 génomes de picocyanobactéries marines, dont 32 nouveaux génomes assemblés et annotés dans le cadre de SAMOSA, a permis d’identifier les répertoires de gènes communs ou partagés uniquement par un ou plusieurs groupes de souches, ces derniers gènes étant a priori plus susceptibles de jouer un rôle dans l’adaptation à des conditions environnementales particulières.
Enfin, la diversité et la répartition de Synechococcus à l’échelle de l’océan global a été déterminée en analysant 111 métagénomes de la campagne TARA-Océans à l’aide d’un gène marqueur hautement résolutif, permettant une très bonne discrimination des groupes génétiques au sein de ce genre. Ces données ont notamment permis de mettre en évidence la présence de groupes dont l’abondance était jusqu’à présent largement sous-estimée, d’identifier de nouveaux groupes pour lesquels il n’existe pas de souches en culture et de préciser les conditions environnementales dans lesquelles vivent préférentiellement ces différentes populations.

Les données générées dans le cadre du projet SAMOSA seront utilisées pour construire à un modèle de régulation génique qui permettra de prédire la capacité d’adaptation des différents groupes génétiques d’un représentant majeur du phytoplancton marin aux modifications de l’environnement, notamment en terme de température et de rayonnements UV, induits par le changement climatique en cours.
Ce projet pourra également conduire à la caractérisation de gènes permettant de mieux comprendre la physiologie des plantes terrestres dont les cyanobactéries sont les ancêtres, et/ou mener à la découverte de nouveaux gènes d’intérêt biotechnologique (p. ex. ceux impliqués dans la voie de biosynthèse des lipides, un composant des biocarburants).

Un article a été publié dans la prestigieuse revue Science décrivant notamment les changements de communautés de Synechococcus survenant lors du transport de masses d’eau au sud de l’Afrique depuis l’océan Indien jusqu’à l’Atlantique (anneaux d’Agulhas) et un article décrivant le rôle majeur de Synechococcus dans la structuration des communautés impliqués dans l’export de carbone est actuellement soumis à la revue Nature. Par ailleurs, un article décrivant la méthode d’assemblage des génomes de Synechococcus est en révision dans BMC Bioinformatics. Enfin, plusieurs communications dans des congrès internationaux ont été réalisées sur les résultats du projet SAMOSA.

Les océans sont particulièrement sensibles au changement global qui se traduit notamment par un accroissement de la température moyenne des eaux de surface ou du flux incident d'ultraviolets. Cela pose la question de la capacité du phytoplancton marin à supporter ces changements environnementaux à court terme (plasticité physiologique) et long terme (altération ou acquisition de gènes causant des changements de la capacité des organismes à se maintenir dans une niche spécifique). Les cyanobactéries du genre Synechococcus sont parmi les organismes les plus pertinents pour répondre à de telles questions, du fait de leur ubiquité et leur grande abondance dans le milieu marin, qui permet de les étudier à toutes les échelles d'organisation depuis le gène jusqu'à l'océan global.

Dans le cadre de SAMOSA, nous prévoyons de développer une approche de biologie des systèmes pour caractériser et modéliser les principaux mécanismes d'acclimatation et d'adaptation impliqués dans la réponse différentielle des clades/écotypes de Synechococcus aux changements environnementaux. Cela nous permettra de mieux prédire leur adaptabilité respective, et donc leur dynamique et leur distribution à différentes échelles de temps et d'espace dans un milieu soumis au changement global. Tout d'abord, nous mesurerons sur des cultures synchronisées et désynchronisées de la souche modèle Synechococcus WH7803, les effets d'une série de stress environnementaux (forte lumière, haute ou basse température, exposition aux UV) sur le transcriptome et d'autres paramètres physiologiques. Ces données, complétées par d'autres déjà publiées sur le stress oxydant ou l'effet de carences nutritives, vont nous permettre de construire un premier réseau global de régulation génique. En utilisant la même approche, nous étudierons ensuite les effets des fortes lumières et de la température sur quatre souches additionnelles de Synechococcus, représentative des clades les plus abondants in situ, afin de dévoiler des réponses écotype-spécifiques. Cela nous permettra d'ajouter des sous-réseaux de régulation traduisant l'étendue de la variabilité écotypique de la réponse au stress au sein du genre Synechococcus.

En parallèle, des comparaisons systématiques des 42 génomes de Synechococcus qui seront disponibles au début de SAMOSA, dont 2 à 10 par clade, nous permettront d'identifier la partie des génomes qui est écotype-spécifique. La connaissance de ce set de gènes nous permettra de mettre en évidence la base génétique de réponses différentielles entre écotypes. En combinant les analyses de génomique comparative et de transcriptomique, nous obtiendrons un set limité de gènes qui sera à la fois écotype-spécifique et différentiellement régulé en réponse à un ou plusieurs stress spécifiques. De tels gènes constitueront des cibles privilégiées pour des analyses fonctionnelles, par inactivation génique et caractérisation des mutants obtenus. Le rôle de ces gènes dans l'adaptation au stress sera vérifié en analysant différents métagénomes et métatranscriptomes, obtenus dans le cadre de la campagne TARA-OCEANS, provenant de différentes régions océaniques et profondeurs et présentant des paramètres environnementaux contrastés.

Le projet SAMOSA est à la fois ambitieux par l'étendue et la diversité des analyses envisagées et innovant car il vise à construire un réseau de régulation génique ne se limitant pas à une 'souche modèle', mais incluant de la variabilité écotypique, un pas important vers le développement d'un 'genre modèle'. Nous visons à construire un réseau suffisamment flexible pour permettre l'intégration aisée de futures données transcriptomiques et physiologiques. Le projet permettra notamment une meilleure appréciation des services écosystémiques offerts par les cyanobactéries marines, et sera donc utile dans un contexte de développement durable et de valorisation des écosystèmes marins dans lesquels ces organismes constituent un composant important et potentiellement exploitable.

Coordination du projet

Laurence GARCZAREK (UMR7144-Adaptation et Diversité en Milieu Marin)

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ABIMS FR2424-ABIMS-Station Biologique de Roscoff
LINA Laboratoire d'Informatique de Nantes Atlantique
MaPP UMR7144-Adaptation et Diversité en Milieu Marin

Aide de l'ANR 458 998 euros
Début et durée du projet scientifique : décembre 2013 - 48 Mois

Liens utiles

Explorez notre base de projets financés

 

 

L’ANR met à disposition ses jeux de données sur les projets, cliquez ici pour en savoir plus.

Inscrivez-vous à notre newsletter
pour recevoir nos actualités
S'inscrire à notre newsletter