INEG - Métamorphoses de sociétés. Inégalité, inégalités

L’évolution des normes d’emploi et nouvelles formes d’inégalités : vers une comparaison des zones grises ? – ZOGRIS

« Nouvelles inégalités dans et par l’emploi : transformations des normes d’emploi et zones grises, dans les Amériques et en France ».

Les zones grises envisagées à partir du caractère flou, mouvant, mutant et insaisissable des frontières salariales traditionnelles, s’imposent-elles en trait dominant de la norme d’emploi et de la réglementation du travail aujourd'hui ? Quels sont les enjeux qui en résultent en termes d’inégalités et des interactions qui s’y expriment pour la reconfiguration des relations au travail ? Sont-ils comparables entre les Amériques du Sud et du Nord, et la France ?

« Comparer les normes d’emploi et les zones grises pour appréhender de nouvelles inégalités ».

L’épuisement et l’éclatement de la norme « fordienne », envisagée essentiellement dans la relation salariale à durée illimitée concrétisée par un statut et des droits en contrepartie d’une subordination juridique, oblige désormais à prendre comme point de départ problématique des différenciations qui en résultent et s’affirment, et qui tendent à se réifier. <br />Ces différenciations sont à l’origine des zones grises, espaces constitués de nouvelles relations d’emploi et des inégalités qui invitent à une comparaison minutieuse. Sont davantage remises en cause les catégories forgées institutionnellement en dichotomies à travers lesquelles s’expriment ces normes, en décalage aujourd’hui par rapport à la réalité : les couples employeur/salarié, cadre/subordonné, salarié/chômeur, salarié (dépendant)/travailleur indépendant (autonome), travail/bénévolat, pays développé/sous-développé. <br />La comparaison Sud-Nord, dans les Amériques et avec la France, permettra de mettre en lumière des caractéristiques communes des figures émergentes du rapport au travail salarié ainsi que des traits nouveaux de mise au travail. Notre ambition méthodologique première est de faire un repérage des modes émergents de mise au travail et des relations qu’ils engendrent. Ces zones grises résultent des interactions engagées entre de nombreux acteurs, anciens et nouveaux, à des niveaux multiples. Cette réflexion s’inscrit dans une perspective sociologique et politique pour penser l’inégalité, phénomène recrudescent dans nombre de sociétés contemporaines au Nord et au Sud. En interrogeant les « zones grises » elle a donc également pour ambition de contribuer à la construction/déconstruction des catégories sociales fondées sur le rapport au travail salarié. Entre les situations de mise au travail dans différents pays et les normes auxquelles elles se réfèrent ou dont elles s’écartent, quelles comparaisons sont possibles aujourd’hui ?

Le programme scientifique comprend trois volets :
- les deux premiers volets correspondent à deux grands objectifs scientifiques et deux niveaux d’analyse ;
- le troisième volet du programme est méthodologique et structurant.
Le premier objectif consiste à établir un panorama des configurations d’emploi émergentes sur trois continents qui s’appuiera sur des exemples précis de segments d’activité en mutation dans chaque pays. Ce travail prend la forme d'une série d'enquêtes empiriques, souvent conduites de façon comparative et intégrée ; il explorera les mécanismes sociaux qui poussent à la diversification des formes et des normes d'emploi dans le contexte de la globalisation. Le deuxième objectif scientifique vise à construire cet objet pluridimensionnel que nous appelons les zones grises des normes d’emploi. S’appuyant sur le premier volet scientifique, l’étude des zones d’inégalités dans et par le travail, déclinées toujours depuis la norme d’emploi salarié, nous permettra d’apprécier le phénomène en terme de création de nouvelles égalités.
Le troisième volet du programme méthodologique et structurant prévoit la mise en place d’ateliers thématiques transversaux (ATT), conçus pour animer des recherches interdisciplinaires et comparatives interactives. À partir d’une mise à plat des catégories existantes, ces ateliers thématiques transversaux mettront en lumière des normes d’emploi émergentes. Leur synthèse vise à élaborer l’analyse pluridimensionnelle.
La réflexion collective conduite jusqu’au colloque de clôture et la publication finale porteront sur le périmètre d'incertitude qui caractérise les « zones » grises et sur l’opérationnalité du concept pour effectuer des comparaisons quant à la condition sociale des travailleurs de pays différents.

Les objectifs scientifiques successifs que nous nous sommes fixés et l’organisation pluridimensionnelle et transversale de la recherche permettront :
- des comparaisons entre des configurations d’insertion sur les marchés du travail du 21ème siècle ;
- une meilleure adéquation entre les visées des politiques publiques et leur application.
Ainsi pourrons-nous mieux appréhender dans quelle mesure les normes d’emploi émergentes sont productrices de nouvelles formes d’inégalités ou, inversement, porteuses d’innovations dans la création d’avantages sociaux et leur répartition.
Enfin, notre projet s’inscrit dans la lignée des travaux contemporains qui se saisissent de front des défis d’interprétation théorique posés par la globalisation. Les appartenances collectives, identités, représentations, modes d’institutionnalisation, interdépendances, cadres d’inscription du social (le cadre national notamment) sont parmi les mécanismes de base qui sont affectés par la « globalisation », concept plus large que celle d’une mondialisation. Quelques travaux pionniers ont défriché, dans le domaine de la sociologie des religions ou des relations internationales, l’ampleur des défis théoriques posés par la globalisation pour les sciences sociales. L’analyse socio-économique des transformations de l’emploi dans le contexte de la globalisation n’a, pour l’heure, pas été tentée, de façon intégrée, notamment en se donnant les moyens de mettre en relation des travaux sur les échanges, interdépendances, apprentissages réciproques entre les différents continents.

La réalisation des objectifs scientifiques du projet ouvrira la voie à l’émergence d’un pôle d’échanges et de réflexion scientifique que nous proposons d’impulser ainsi qu’à la proposition d’un nouveau projet élargi à d’autres pays européens ou du continent américain. S’il est encore tôt pour préjuger des résultats qu’il nous semblera opportun d’approfondir, nous faisons l’hypothèse qu’une dimension à creuser pourrait être celle de la place et de la valeur conférée à l'emploi aujourd’hui dans différents modèles sociétaux. En termes d’applications, les résultats de nos recherches pourront ouvrir des réflexions sur l’adaptation des politiques publiques de l’emploi aux défis et enjeux auxquels sont confrontées de nombreuses sociétés contemporaines dans le monde : aides et modalités d’insertion organisées autour du travail, contreparties d’intégration sociale à des fonctions économiques et productives.

Les principaux résultats de la recherche seront valorisés à travers l’organisation de colloques internationaux (en début et fin de projet) et des publications d’ouvrages et d’articles (en français, anglais, espagnol et portugais). Le fonctionnement d’une plateforme interactive permet déjà une exploitation partielle pour diffusions d’étapes de travail, réalisation d’une bibliographie thématique commentée, entre autres. Enfin, notre parti pris méthodologique comparatif et transversal implique la formulation de concepts et d’indicateurs opérationnels, qui ne reflètent pas les mêmes réalités sociales et économiques dans les pays choisis, tels que, par exemple : catégories d’emploi (« emploi indépendant » ou « salariat »), qualités de temps (productif dépendant ou indépendant, rémunéré ou non…), lieu d’activité (différent ou non du domicile, fréquence et durée consacrée à une activité dans ce lieu).

Cette étude comparative explore les configurations émergentes de mise au travail au prisme de la relation d’emploi et de l’évolution de ses frontières. Le caractère flou, mouvant, mutant et insaisissable de ces dernières s’impose-t-il en trait dominant de la norme d’emploi et de la réglementation du travail aujourd'hui ? Quels sont les enjeux des zones grises qui en résultent et des interactions qui s’y expriment pour la reconfiguration des relations au travail ? L’éclatement de l’unité de la norme d’emploi, autour de la figure du salarié, interroge les dispositifs de redistribution égalitaire. Il produit des inégalités dont les traits requièrent une comparaison approfondie d’un pays à l’autre. Sont davantage remises en cause les catégories institutionnelles présumées comme stabilisées – emploi, subordination, marché du travail national – et leur efficience à mesurer les phénomènes reliés à l’emploi.
L’exercice comparatif conduit à partir d’enquêtes de terrain par les membres du projet permet de saisir la multiplicité des situations ; il met en relief les contrastes et les similitudes. La comparaison Sud-Nord, dans les Amériques et avec la France notamment, dégagera des caractéristiques communes aux formes hétérogènes de rapport au travail salarié, ainsi que des traits nouveaux de mise au travail, y compris ceux qui se situent de l’autre côté de la « frontière » salariale. Les frontières sont doubles, elles sont à la fois internes aux entreprises (subordination) et externes, vers ou à l’extérieur (marchés, politiques publiques, parcours individuels). Le tout se déroule dans le contexte d’un marché du travail et de l’emploi en voie de globalisation, processus non uniforme, fait d’homogénéisation et principalement de différenciations. Ces dynamiques appellent des analyses sur les dimensions temporelles et spatiales actuelles des marchés du travail.
Notre ambition méthodologique première est de faire un repérage des modes émergents de mise au travail et des relations qu’ils engendrent. Ces zones grises résultent des interactions collectives et individuelles engagées par de nombreux acteurs, anciens et nouveaux, à des niveaux multiples. Se dessine ainsi un espace d’interactions, distinct des dichotomies institutionnelles et paradigmatiques réductrices – patron vs salarié ; salarié vs chômeur.
A partir d’une mise à plat des catégories existantes, des ateliers thématiques transversaux (ATT), interdisciplinaires et comparatifs, mettront en lumière des normes d’emploi émergentes. Ils permettront des comparaisons entre configurations d’insertion sur les marchés du travail du 21ème siècle et aideront à une meilleure compréhension des visées des politiques publiques et de leurs applications. Ainsi pourrons-nous mieux appréhender dans quelle mesure les normes d’emploi émergentes sont productrices de nouvelles formes d’inégalités ou inversement d’innovations dans la création d’avantages sociaux et leur répartition. Cette réflexion s’inscrit dans une perspective sociologique et politique pour penser l’inégalité, phénomène recrudescent dans nombre de sociétés contemporaines au Nord et au Sud. En interrogeant les « zones grises » elle a donc également pour ambition de contribuer à la construction/déconstruction des catégories sociales fondées sur le rapport au travail salarié.

Coordination du projet

Donna KESSELMAN (UNIVERSITE PARIS-EST CRETEIL VAL DE MARNE) – dkessel11@gmail.com

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

IMAGER UNIVERSITE PARIS-EST CRETEIL VAL DE MARNE
IRISSO CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS A
LISE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE ILE-DE-FRANCE SECTEUR PARIS A

Aide de l'ANR 180 000 euros
Début et durée du projet scientifique : novembre 2011 - 36 Mois

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