Rôle de l’intégration multisensorielle dans la compréhension des émotions faciales ; une approche développementale et neuropsychologique – INTERFACE

Le projet comprend trois tâches principales. La première concerne des adultes sains. L'objectif principal est de comprendre de manière fine comment et à quel niveau l'olfaction influence les processus cognitifs. La deuxième tâche implique l'étude de très jeunes enfants. L'objectif est de voir si ces enfants peuvent associer des sensations induites par l'odeur à des expressions faciales émotionnelles spécifiques et, dans le cas d'une réponse positive, à partir de quel âge. Finalement, nous étudions la schizophrénie dans la troisième tâche, ces patients étant connus pour présenter un déficit non seulement dans la reconnaissance des expressions faciales mais aussi dans leur expressivité (i.e., «flat affect«). Cette approche, qui couple la psychologie cognitive, la psychologie du développement, l'éthologie et la neuropsychologie devrait permettre une meilleure appréhension des processus en jeu lors de l'intégration inter sensorielle et la reconnaissance et compréhension des émotions faciales, en confrontant les processus cognitifs et émotionnels à différents niveaux: soit matures, soit en cours d'acquisition, soit altérés.

Le résultat principal obtenu à ce jour est sur la petite enfance. La capacité à reconnaitre les expressions faciales dans un cadre multi sensoriel est une capacité cruciale pour l'adaptation, l'étude de son développement cognitif recevant beaucoup d'attention. A l'âge de 5 à 7mois, les jeunes enfants regardent plus longtemps un visage dynamique joyeux ou en colère selon l'émotion dégagée par la voie, ce qui indique qu'ils associent des stimulations apportées par des modalités distinctes sur la base de leur contenu émotionnel. Cette agilité a même été montrée à 3,5 mois lorsque le stimulus est très familier (le visage et la voix de la mère). Comme la prosodie, les odeurs sont de bons candidats pour apporter l'information émotionnelle, selon leur valeur hédonique, pour provoquer des sensations/émotions et pour provoquer telle ou telle expression faciale. Dans la première étude réalisée, les capacités d'appariement entre l'olfaction et la vision ont donc été étudiées chez des enfants d'âge différent (3 mois, 5 mois et 7moins), en utilisant des visages expressifs dynamiques (joie vs. dégoût) et des contextes olfactifs de valeur hédonique distincte (plaisant, non plaisant et contrôle) avec un paradigme de préférence visuelle. Les résultats indiquent un pattern qui évolue entre 3 et 7 mois. Une interaction entre l'odeur et l'émotion faciale apparait uniquement dans le groupe de 3 mois : ils ont associé l'odeur et l'expression faciale sur la base de leur contenu émotionnel. Un simple effet de l'expression a été observé pour le groupe de 5 mois, avec une «préférence« pour le visage dégouté par rapport au visage souriant, et aucun effet n'a été observé pour les enfants les plus âgés.

Pour la tâche 2 (intégration multi sensorielle et développement de la reconnaissance des expressions facials dans la petite enfance), l’objectif principal est d’étudier plus avant comment et à partir de quel âge le contexte olfactif influence la reconnaissance des expressions faciales. Dans une expérience, nous étudions si le contexte olfactif provoque chez le très jeune enfant l’attente d’actions faciales spécifiques sur des expressions statiques neutres. Dans une autre expérience, nous étudions si l’enfant peut intégrer l’état émotionnel de leur mère à partir des odeurs corporelles de stress, et si cela produit l’attente d’action faciale particulière.
Pour la tâche 3 (intégration multi sensorielle et déficit de reconnaissance des expressions facials dans la schizophrénie) les perspectives sont de voir si le déficit d’expressivité des patients schizophrènes influence la catégorisation perceptive des expressions faciales et l’effet contextuel de l’odeur (montré lors de la tâche 1 pour les sujets sains). Plus généralement, l’hypothèse de l’implication d’un système de type miroir suppose que le manqué d’expressivité devrait réduire la réaction faciale aux odeurs, et par conséquent leur influence potentielle. Les conséquences devraient corréler avec l’ampleur du déficit d’expressivité. Cependant, il est aussi possible de prédire que ces patients présenteront une réaction accrue au contexte olfactif, avec un pattern spécifique distinct de celui des sujets sains ; nous avons montré que les limites catégorielles entre les expressions sont moins bien définies chez ces patients, avec une augmentation des intrusions (les patients schizophrènes perçoivent plus souvent une expression autre que celle présentée ; Vernet, Baudouin, & Franck, 2008). La forte sensibilité aux intrusions de ces patients peut favoriser l’émergence d’effets liés au contexte olfactif. Nous nous proposons de tester plus avant ces hypothèses.

-Godard, O., Baudouin, J.-Y., Martin, S., Schaal, B., & Durand, K.
Poster à l’International Congress of Psychology (ICP 2012). Hedonic matching of Faces and Odors : Already effective in infants aged 3, 5 and 7 months?
-Leleu, A., Demily, C., Franck, N., Durand, K., Baudouin, J.-Y.,& Schaal, B.. Communication affiché à l’ “International Symposium Vision, action and concepts: Behavioural and neural basis of embodied perception and cognition (Lilles, octobre 2013). Matching emotional expressions of faces within an olfactory context: Does my own feeling matter ?