Blanc SVSE 5 - Blanc - SVSE 5 - Physique, chimie du vivant et innovations biotechnologiques

Induction Mécanique de Mouvements Morphogénétiques Actifs – MIME

Déclenchement mécanique du tout premier mouvement actif donnant sa forme à l’embryon précoce.

Le développement embryonnaire consiste en partie en une cascade de changements de forme des tissus. Ces changements de forme actifs sont sous le contrôle de l’expression des gènes du développement. Nous testons qu’ils sont aussi activables par les contraintes mécaniques faibles développées par les changements de formes cellulaires qui leur précèdent.

Induction mécanique de l’invagination du mésoderme

Dans l’embryon de Drosophile, le premier mouvement morphogénétique de l’embryogenèse est l’invagination du mésoderme. Cette invagination est induite par la constriction apicale des cellules du mésoderme, qui a pour effet de donner aux cellules une forme conique et d’induire la courbure nécessaire à son invagination. Cette constriction s’effectue en deux phases : l’une stochastique et dépendantes de l’expression de Snail : les cellules subissent environ deux cycles de constriction et relaxation, liés à la coalescence instable du moteur moléculaire Myosine-II (Myo-II) sur les apex. La seconde phase consiste en une constriction stable et coordonnée des apex de toutes les cellules du mésoderme. Elle est dépendante de l’expression de Fog, et est due à la stabilisation apical progressive des domaines de coalescence apicaux de Myo-II.<br /><br />Nous avons suggéré que les contraintes mécaniques liées aux mouvements stochastiques actifs de constriction apicale des cellules du mésoderme de l’embryon de drosophile, Snail dépendants, soient à l’origine de l’activation de la voie Fog (par blocage mécaniquement induit de l’endocytose de Fog), menant à l’activation d’une voie Rho ayant pour effet de stabiliser apicalement la Myo-II, et donc d’induire le tout premier mouvement morphogénétique de l’embryon de Drosophile : l’invagination du mésoderme . Cette proposition est appuyée par des expériences d’indentation douce (3-5 microns) du mésoderme d’embryons mutants de snail qui normalement ne montre ni stabilisation apicale de la Myo-II (après fixation et marquage), ni invagination du mésoderme, deux processus qui se sont retrouvés rétablis par l’indent.<br /><br />Le projet MIME consiste à tester définitivement cette hypothèse, en mimant les mouvements de constriction stochastiques Snail dépendants des apex dans un mutant de snail, par magnétisation des tissus du mésoderme et application de gradients de champ magnétiques bien choisis. <br />

Notre laboratoire a mis au point une méthode de magnétisation des tissus embryonnaires par injection de ferrofluides, ayant déjà permis de mimer des mouvements morphogénétiques in vivo, en se servant des tissus magnétisée pour comprimer les tissus d’intérêt voisins non magnétisés (5). Aujourd’hui, l’enjeu est de d’affiner cette méthode pour atteindre la résolution cellulaire dans le contrôle des déformations fines d’une cellule sur l’autre, donc d’un tissu sur lui-même.

Nous avons dans un premier temps vérifié l’induction mécanique de la redistribution apicale de la Myo-GFP en dynamique (concernant la Myo-II en réponse à l'indent, les précédentes expériences étaient effectuées en statique par fixation et marquage en immunofluorescence) et l’invagination du mésoderme dans un embryon sna- Myo-II-GFP.

Nous avons pu, d’une part caractériser de façon systématique, par analyse de Fourrier, l’amplitude et la fréquence caractéristique des pulsations snail dépendantes dans le mésoderme d’un embryon sauvage (8+/-2%, 120+/-15s), confirmer leur perte dans l’embryon sna-, et surtout rétablir par voie magnétique un mouvement pulsatoire équivalent (7+/-1%, 135 +/-15s). Le rétablissement a été rendu possible par l’application d’un champ magnétique macroscopique variable a permis d’induire localement à partir des micro-aimants doux des gradients de champ magnétique à proximité du réseau. Les forts gradients de champs magnétiques autour de micro aimants doux ont permis, après mise au point, de mimer quantitativement l’amplitude et la fréquence des oscillations Snail dépendantes dans un mutant de snail. Nous avons observé la stabilisation apicale de la Myo-II et de l’invagination du mésoderme en réponse à cette sollicitation mécanique physiologique magnétiquement induite.

Le même type de méthode magnétique nous a permis de montrer que la translocation nucléaire du co-facteur de transcription beta-catenin, inducteur de l’expression de notail déterminant la différentiation du mésoderme dans l’embryon de zebrafish, était inhibée lorsque la forte déformation du future mésoderme par l’époblie était manquante en absence épibolie, mais rétablie avec l’expression de notail par rétablissement du début de l’épibolie par voie magnétique en présence de Blebbistatine (Figure en annexe, Bouclet, Brunet et al., Nature Communications, 2013).

Le travail effectué sur l'invagination du mésoderme dans l'embryon de Drosophile est donc concluant. Nous sommes en train de caractériser les voies de transduction du signal impliquées dans le processus avant soumission pouir publication.

Le travail effectué sur le zebrafish, publié dans Nature Commmunications en 2013, couplé à une analyse similaire dans le mésoderme de Drosophile, a permis de montrer la conservation entre ces deux espèces ayant divergé il y a 600 millions d’années, d’un processus d’induction du mésoderme par activation mécanique de la voie beta-caténine en réponse aux tous premiers mouvements morphogénétiques embryonnaire. Le processus de mécano-transduction en amont consiste en l’activation mécanique de la phosphorylation du site Y667 de la beta-caténine inhibant son interaction avec la E-cadhérine dans les jonctions, et la libérant dans le cytoplasme puis dans le noyau. Ceci nous a permis de proposer une nouvelle piste dans la recherche des signaux à l’origine de l’émergence du mésoderme dans l’ancêtre commun au deux lignées, vieux d’environs 600 millions d’année : l’induction mécanique de la phosphorylation de Y667-beta-catenin.

Brunet, T. et al. Evolutionary conservation of early mesoderm specification by mechanotransduction in Bilateria. Nature communications 4, 2821, doi:10.1038/ncomms3821 (2013).

D. Le Roy et al., Magnetic flux micro-sources for bio-applications, poster at Intermag2014, Dresden, Germany, May 2014

V. Zablotskii et al. Life on Magnets: Stem Cell Networking on Micro-Magnet Arrays. PLoS ONE 8(8) (2013) e70416

DEMPSEY et al., Micro-magnetic imprinting
N° Dépôt : FR1254667 (2012), US 61/650,398; Date de dépôt 22/05/2012

L'embryogenèse combine le développement du patron biochimique de différentiation et des mouvements morphogénétiques des tissus, tous deux régulés par l’expression des gènes du développement. L’interaction réciproque entre ces deux types de morphogenèse devient aujourd’hui un sujet d’investigation intense sur la scène internationale. Récemment, des évidences expérimentales ont révélé que les contraintes mécaniques développées par les mouvements morphogénétiques contrôlent, en retour, l’expression des gènes du développement et le patron biochimique qui régulent l’embryogenèse, par l’intermédiaire de l’activation de voies de transduction du signal. Dans un cas particulier, des pinces magnétiques jouant à l’échelle pluri-cellulaire, ont permis de découpler les causes purement génétiques des cause purement mécaniques des processus embryogénétiques, permettant la démonstration complète de l’existence de processus de mécano-transduction impliqués au cœur du développement embryonnaire. Cela étant, cette méthode, développée par le coordinateur du présent projet, se trouve être très spécifique de la géométrie unique du stade de développement caractérisant l’embryon de Drosophile juste avant la gastrulation.

L’objectif du présent projet est d’étudier de façon générique l’existence de processus de mécano-transduction dans tout tissu et à tout stade de développement de potentiellement toute espèce embryonnaire précoce. Une technologie magnétique biocompatible et générique sera développée, permettant de développer localement (de l’échelle micrométrique à sub-millimétrique) des contraintes mécaniques résolues en temps dans le tissu embryonnaire. Des sources de champ et de gradient de champ magnétiques seront préparées par un patron de films magnétiques durs, formant un réseau de plots d’épaisseur pouvant aller de 5 microns à 100 microns. La force magnétique locale qui sera appliquée sur les cellules résultera de l’interaction de ces sources de champ magnétique avec les nano-particules magnétiques qui seront injectées dans l’embryon. Les effets des forces mécaniques seront analysés in vivo, sur la base de l’observation des protéines taggées par la GFP, et impliquées dans la réponse mécano-transductionnelle en utilisant la microscopie « spinning disk » de fluorescence in vivo, de l’échelle sub-cellulaire à l’échelle cellulaire.

Dans un premier temps, nous nous concentrerons sur l’invagination du mésoderme, un mouvement morphogénétique clef de la gastrulation de l’embryon de Drosophile. Ce mouvement est généré par une accumulation apicale de Myosin-II. Il a été suggéré que cette accumulation soit induite par l’activation d’une voie de transduction du signal en réponse à la pulsation des apex des cellules du mésoderme dépendant du gène snail, et précédent l’invagination. Nous allons tester l’existence de ce processus d’induction mécanique par l’application de forces magnétiques mimant les déformations physiologiques de pulsation avec une résolution cellulaire, dans le mutant de snail ne produisant plus ces pulsations. Nous commencerons par tester le rétablissement de l’attraction apicale de la Myosin-II et de l’invagination du mésoderme, tous deux défectifs dans le mutant. L’analyse de l’existence de processus d’induction mécanique dans le développement embryonnaire sera généralisée à l’étude de l’embryon de zebrafish durant la gastrulation. Nous espérons que ce type d’étude contribuera à réconcilier les deux approches principales de la biologie du développement, l’une mécano-centrée et l’autre géno-centrée.

Le projet regroupe l’équipe de physico-biologiste qui a initié l’étude des processus de mécano-transduction dans le développement embryonnaire et le groupe de physiciens, spécialisé dans la constitution de sources de champs magnétiques micrométriques. L’association de ces deux groupes, chacun possédant sa propre expertise, devrait fournir toutes les chances de succès à ce projet de mécano-biologie in vivo.

Coordination du projet

Emmanuel FARGE (INSTITUT CURIE) – efarge@curie.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

NEEL CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE RHONE-ALPES SECTEUR ALPES
Institut Curie INSTITUT CURIE

Aide de l'ANR 438 838 euros
Début et durée du projet scientifique : juin 2011 - 36 Mois

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