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Evolution des chromosomes sexuels et du déterminisme du sexe chez les mammifères – SEXYMUS

Evolution des chromosomes sexuels et du déterminisme du sexe chez les mammifères

A quelques exceptions près, les mammifères possèdent un déterminisme du sexe très conservé. Pourtant, nous avons mis en lumière une diversité remarquable des chromosomes sexuels chez les souris naines africaines (Mus). Cette diversité et leur proximité phylogénétique avec la souris de laboratoire en font un modèle unique. Ainsi, le projet SEXYMUS propose d’étudier l’évolution des chromosomes sexuels et du déterminisme du sexe des mammifères à travers le prisme des souris naines

Evolution des chromosomes sexuels et du déterminisme du sexe des mammifères à travers le prisme des souris naines.

Le projet SEXYMUS met l'accent sur différents aspects de l'évolution des chromosomes sexuels. Le programme de recherche s'articule autour de trois questions principales<br /><br />Comment les nouveaux systèmes de détermination du sexe évoluent?<br />Comprendre la mise en place de nouveau déterminisme du sexe est un grand défi de la biologie évolutive. La découverte de femelles fertiles XY chez une espèce de souris naine offre une opportunité unique (i) pour identifier de nouveaux gènes impliqués dans la voie de la détermination du sexe des mammifères en général, et (ii) pour mettre en évidence des gènes candidats aux inversions de sexe pathologiques chez l'homme en particulier<br /><br />Comment les chromosomes Y dégénèrent-ils? et à quelle vitesse?<br />Il est universellement admis que le chromosome Y est une entité qui dégénère. Toutefois, les taux et la dynamique de dégénérescence sont vigoureusement débattus. La morphologie du chromosome Y de souris naines africaines est extrêmement diversifiée. Par conséquent, une approche de génomique comparative entre les espèces / populations différentes de souris naines africaines fournira de nouvelles informations sur la dynamique et vitesse de dégénérescence du chromosome Y des mammifères<br /><br />Quel est l'avenir de régions génomiques transloquées sur les chromosomes sexuels?<br />La plupart des chromosomes Y sont très anciens, et ont donc perdu la plupart de l'information sur les processus qui ont initié leur dégénérescence. Par conséquent, pour étudier ces processus, il est nécessaire d'envisager des systèmes plus récents qui maintiennent les premières traces de leur érosion. Les fusions entre un autosome et un chromosome sexuel sont d'excellents candidats à cet égard puisque qu'elles montrent progressivement des caractéristiques de néo-chromosomes sexuels. Comme les souris naines africaines présentent une grande diversité des ces fusions, elles offrent une occasion unique d'étudier les premiers stades de l'évolution des chromosomes sexuels des mammifères<br />

Nous tâchons de faire le lien entre la nature des gènes impliqués dans les remaniements des chromosomes sexuels (approche de cytogénomique: hybridation in situ par fluorescence), le mode d’évolution de ces mêmes gènes (analyses de séquences / évolution moléculaire), leur expression (biologie cellulaire: PCR quantitative, immuno-histochimie) et enfin les corrélats phénotypiques (comportement, associé à des dosages hormonaux).

Récemment, nous avons identifié un nouveau déterminisme du sexe chez une espèce proche de la souris domestique, M. minutoides. Cette espèce présente en effet une très grande proportion (75%) de femelles fertiles X*Y.
Le projet tente de comprendre comment un tel système de déterminisme a pu évoluer. En effet, il s'agit d'un véritable paradoxe darwinien puisque ce système est associé à un fort coût reproductif (perte d'1/4 des embryons chez les femelles X*Y). Il existe donc des mécanismes évolutifs favorisant sa diffusion que nous recherchons. Ainsi, en populations contrôlées, nous avons estimé ce coût à la reproduction et avons montré contre toute attente que les femelles X*Y ont un meilleur succès reproducteur que les femelles XX ou XX*. A titre d'exemples, les femelles X*Y ont des tailles de portées significativement plus grandes, de même elles se reproduisent près d'un mois plus jeune que les autres femelles. L’analyse a également mis en évidence la présence de distorteurs de ségrégation dans le système, favorisant la transmission du chromosome Y chez les males appariés à des femelles XX et XX* (80%) et de manière étonnante la transmission du X chez les mâles en couple avec des femelles X*Y (Y transmis à seulement 33%), limitant ainsi la production d’embryons YY. A notre connaissance, il s'agirait de la première fois qu'une telle distorsion génome-dépendante est documentée.
En parallèle, nous recherchons le(s) gène(s) responsable(s) de la réversion du sexe par des techniques de cytogénomique, biologie cellulaire, fonctionnelle et du développement. Ces approches combinées nous ont permis d'identifier un gène candidat très sérieux. Ces résultats très récents ouvrent de nouvelles perspectives. Nous n'avons jamais été aussi prêt d'identifier un nouveau gène impliqué dans la cascade du déterminisme du sexe des mammifères, de surcroit localisé sur le chromosome X et dont son action concertée avec le gène SRY est indispensable à la formation du sexe male

C'est dans ce contexte que nous envisageons de débuter une étude sur des patients humains atteints de Désordres de Différentiation Sexuelle (DSDs). Les DSDs regroupent des pathologies très variées, de mineures (comme l'absence de prépuce) à rares et sévères (comme la réversion de sexe, femme XY). De telles aberrations peuvent être causées par des mutations de gènes impliqués dans le développement embryonnaire du testicule, mais pas seulement. En effet, l'environnement embryonnaire et l'exposition à des produits chimiques tels que des perturbateurs endocriniens (ex: pesticides), peuvent également altérer le développement et diminuer la capacité de se reproduire (diminution du nombre et de la qualité des spermatozoïdes). La prévalence de DSD est près d'une naissance sur 100, mais les données épidémiologiques ont montré une recrudescence de ces troubles depuis un demi-siècle. Il s'agit donc là d'un véritable problème de santé publique. Les études sur les DSDs ont conduit à l'identification de plusieurs mutations et plusieurs gènes impliqués dans le déterminisme du sexe, mais plus de 50% de ces cas pathologiques restent encore non-déterminés. Ainsi, la dissection du déterminisme du sexe atypique de M. minutoides a permis d'isoler un gène candidat sérieux à la réversion de sexe. Le rôle de ce gène dans la cascade du déterminisme du sexe était jusqu'alors inconnu. Nous allons donc nous associer à des laboratoires et hopitaux qui nous ont proposé leur cohorte de patients DSDs pour dépister d'éventuelles mutations sur ce gène.

- Rahmoun & Veyrunes. Mouse sex-reversed rearrangements. In Encyclopedia of Genetics (2012)
- Veyrunes, et al (sous presse) Insights into the evolutionary history of the X-linked sex reversal mutation in Mus minutoides; clues from sequence analyses of the Y-linked Sry gene. Sexual Development
- Veyrunes, et al (soumis) A new cytotype of the African pygmy mouse Mus minutoides from Tanzania. Implications for the evolution of sex-autosome translocations. Chromosome Research

A quelques exceptions près, les mammifères possèdent un déterminisme du sexe très conservé. Pourtant, nous avons mis en lumière une diversité remarquable des chromosomes sexuels chez les souris naines africaines (Mus): fusions d’autosomes sur le chromosome X et/ou Y, modifications du déterminisme du sexe (femelle XY ou XO), diversification du chromosome Y. Ces caractéristiques et leur proximité phylogénétique avec la souris de laboratoire font des souris naines un modèle exceptionnel. Ainsi, le projet SEXYMUS propose d’étudier l’évolution des chromosomes sexuels et du déterminisme du sexe des mammifères à travers le prisme des souris naines. En effet, l’existence d’une telle variabilité donne ainsi accès à l’étude des processus microévolutifs impliqués lors de la formation des chromosomes X et Y. Nous nous intéresserons plus particulièrement à déterminer les bases génétiques et les forces sélectives de la mise en place d’un nouveau système de déterminisme du sexe (tâche 1), le mode et la vitesse de dégénérescence du chromosome Y (tâche 2) et enfin les contraintes sélectives et le devenir du matériel autosomal transloqué sur les chromosomes sexuels (tâche 3)

Tâche 1 Mise en place de systèmes sexuels atypiques
La mutation entraînant la réversion de sexe chez M. minutoides (femelles XY) sera recherchée par des approches cytogénomiques et moléculaires. Les résultats préliminaires ont d’ores-et-déjà localisé la mutation sur le chromosome X. De façon appliquée, ces études pourraient permettre d’identifier de nouveaux gènes impliqués dans la cascade du déterminisme du sexe des mammifères en général, et ainsi de cibler des gènes candidats aux réversions de sexe pathologiques chez l’homme en particulier.
Comprendre la mise en place de nouveaux déterminismes du sexe est un grand défi de la biologie évolutive. Nous rechercherons les mécanismes évolutifs favorisant la diffusion de nouveaux déterminismes du sexe en tentant de faire le lien entre la nature des gènes impliqués dans les remaniements chromosomiques (cytogénomique), leur mode d’évolution (séquençage, RT-PCR), les corrélats phénotypiques (comportement) et enfin leur prédictions évolutives (modélisation)

Tâche 2 Dégénérescence du chromosome Y. Estimation du mode et tempo d’érosion génétique
Il est universellement accepté que le chromosome Y se dégrade progressivement. En revanche, la vitesse à laquelle celui-ci dégénère est vigoureusement débattue et notre connaissance de cette dynamique évolutive est limitée. Le chromosome Y des souris naines présente une remarquable diminution de taille, jusqu’à la disparition totale rapportée chez une espèce. Ceci suggère une perte rapide de matériel génétique. Nous proposons d’étudier le devenir de certains gènes du chromosome Y par une approche de génomique comparative (FISH, RT-PCR) entre différentes populations de souris naines. Les résultats escomptés apporteront sans aucun doute un nouvel éclairage sur la vitesse et la dynamique de dégénérescence du chromosome Y.

Tâche 3 Origine et évolution des néo-chromosomes sexuels
A la suite de fusions sexe-autosomes, des portions du génome autosomal autrefois héritées de façon biparentale se retrouvent liées aux chromosomes sexuels et donc transmises uniquement chez un des deux sexes. Ces modifications impliquent des changements drastiques de régime de sélection dans les régions concernées qui devraient se traduire par des modifications du contenu en gènes (sexualisation), de leur expression (différenciation entre sexes) et de l’évolution des séquences (évolution rapide sous sélection positive ou dégénérescence après arrêt de la recombinaison). Nous tenterons de vérifier ces prédictions par une approche cytogénomique et moléculaire chez une espèce avec un néo-chromosome Y. La même approche sera appliquée au cas exceptionnel de populations de M. minutoides chez lesquelles la plupart voire toutes les femelles sont XY, signant l’arrêt quasi-complet de la recombinaison du chromosome X

Coordination du projet

Frédéric Veyrunes (CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE LANGUEDOC-ROUSSILLON) – frederic.veyrunes@univ-montp2.fr

L'auteur de ce résumé est le coordinateur du projet, qui est responsable du contenu de ce résumé. L'ANR décline par conséquent toute responsabilité quant à son contenu.

Partenaire

ISE-M / CNRS CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE - DELEGATION REGIONALE LANGUEDOC-ROUSSILLON

Aide de l'ANR 215 505 euros
Début et durée du projet scientifique : - 48 Mois

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